TEXTE DU DISCOURS
Mesdames,
Messieurs,
En
vous recevant ce matin, à l’occasion du quatrième Colloque international sur la
Convention européenne des droits de l’homme, Nous sommes très heureux de
marquer Nous-même le vingt-cinquième anniversaire de la signature de cette
Convention.
Nous
pensons que la cité de Rome y demeure aussi particulièrement sensible, elle qui
en était le témoin. Cet Acte reste en effet à l’honneur des pays membres du
Conseil de l’Europe qui l’ont signé, puis qui l’ont ratifié. Il a ouvert la
voie à une meilleure défense des droits de l’homme dans toute cette région de
l’Europe. Enfin il constitue à nos yeux un symbole et un espoir pour tous les
hommes épris de justice.
Pour
promouvoir la paix et faire œuvre de reconstruction morale dans cette Europe de
l’après-guerre aux plaies encore vives, il importait de mettre au premier plan
le respect des droits de l’homme, de les affirmer et surtout de les garantir
pour tous les citoyens.
C’est
le mérite du Conseil de l’Europe d’y avoir pourvu sans tarder, en élaborant
cette Convention européenne. Certes les Nations Unies venaient d’adopter et de
proposer à l’ensemble des peuples la « Déclaration universelle des droits de
l’homme ». Une telle charte constituait déjà une sorte d’engagement moral d’une
importance énorme.
Mais
la Convention européenne a voulu, pour cette région, en hâter l’application de
façon réaliste et efficace: les principes ont été réaffirmés avec plus de
précision et de détails, et surtout un mécanisme approprié a été mis en place
afin d’en garantir la sauvegarde, en ménageant, pour les Etats et pour les
individus, la possibilité d’un appel contre leur violation éventuelle.
C’était
la première fois, Nous semble-t-il, qu’une telle possibilité était ouverte aux
personnes de recourir à un organisme international, qui donne des garanties
d’ordre judiciaire, pour la défense de leurs droits essentiels. En dehors de
telles garanties - Nous le constatons malheureusement chaque jour - les plus
belles déclarations, dont l’humanité pourrait ‘être fière, risquent de demeurer
sans effet; et la voix des victimes de la violation des droits, même si elle a
parfois quelque écho dans l’opinion publique internationale, peut être
impunément bafouée dans leur propre pays. Nous sommes loin d’avoir trouvé les
remèdes adéquats, respectant à la fois la souveraineté des Etats et ces droits
fondamentaux. On souhaiterait par exemple que tous les droits si solennellement
proclamés soient assortis de quelque force juridique, dans la ligne des Pactes
internationaux relatifs aux droits de l’homme qui ont déjà été élaborés.
Ici,
précisément, dans le cadre de la Convention européenne trois organes de niveau
intergouvernemental sont prévus pour y veiller de façon indépendante,
impartiale, selon un fonctionnement judicieux et complexe: la Commission
européenne des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme, et
le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Ils ne peuvent évidemment
procéder qu’avec le plein consentement des Parties contractantes, et Nous
savons que le chemin d’une ratification unanime et entière de la Convention et
des protocoles additifs n’est pas sans difficultés. Cependant de gros progrès
ont été réalisés. Votre intention n’est d’ailleurs pas de vous substituer aux
voies normales de recours possibles en chaque pays, mais de constituer une
instance supplémentaire, lorsque celles-ci sont épuisées. Vous dressez
actuellement le bilan de ces vingt-cinq années de protection européenne des
droits de l’homme. Parmi les multiples demandes présentées, le nombre de celles
que vous pouvez retenir est forcément réduit, mais la voie ouverte constitue, à
nos yeux, un pas important, dans le sens d’une plus grande justice non
seulement pour la rétablir en cas de violation, mais pour en stimuler la
recherche. La perspective d’une telle procédure n’a-t-elle pas déjà encouragé
certains pays à aménager leur propre législation?
Ce
qui empêche d’ailleurs le droit de se figer, c’est l’organe qui a été institué
au service de la convention européenne: « le Comité des experts en matière des
droits de l’homme ». Il permet une étude continuelle des dispositions de la
Convention, en fonction des besoins de la société européenne, et propose à
l’Autorité compétente mise à jour ou compléments. Le Saint-Siège, dans le cadre
de sa compétence propre et de sa finalité spirituelle, est heureux de suivre
les travaux de ce Comité, par l’intermédiaire de son Représentant.
Donner
des garanties de justice, promouvoir un système juridique plus adéquat, ne
suffisent évidemment pas à éliminer les atteintes délictueuses à la dignité
humaine. Il faudrait intensifier une éducation continuelle des gens, qui les
forme, non seulement à revendiquer leurs droits fondamentaux, et à respecter
ceux des autres, mais aussi à assumer, en conscience et pour leur part, les
devoirs qui correspondent à tous ces droits de l’homme. Voilà une œuvre civique
et morale à laquelle beaucoup de personnes et d’organismes devraient
contribuer, selon leur responsabilité familiale, culturelle et sociale, et là
encore l’Eglise ne veut négliger aucun effort pour apporter sa part spécifique.
C’est
dans cet esprit, Mesdames et Messieurs, que Nous formons des vœux fervents pour
la Convention européenne des droits de l’homme, pour le succès et le progrès de
cette institution juridique que le Conseil de l’Europe a eu la sagesse et la
patience de mettre en œuvre. Vous savez nos sentiments sur les responsabilités
de cette Europe. Elle a bénéficié, plus que d’autres continents, d’une
civilisation chrétienne qui reconnaît au plus haut point la dignité de la
personne humaine, à cause du prix que le Dieu Créateur et le Christ Sauveur
attachent à chacun de nos frères. Une telle Europe ne
devrait- elle pas donner aujourd’hui l’exemple d’une civilisation vraiment
humaine, qui ne soit pas seulement axée sur le potentiel économique et technologique,
mais qui mette son point d’honneur à défendre les droits de la personne
humaine? Dans cet espoir, Nous vous assurons de notre estime et de nos
encouragements. Et en cette Année Sainte qui veut promouvoir la réconciliation
dans la justice, Nous implorons sur vos travaux, sur vos personnes et sur vos
familles les bénédictions du Dieu Tout-Puissant, en qui les droits humains
trouvent leur ultime fondement.
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