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Divers Auteurs Les pêcheurs de perles IntraText CT - Lecture du Texte |
CHŒUR
(dans la coulisse)
L'ombre descend des cieux;
La nuit ouvre ses voiles,
Et les blanches étoiles
Se baignent dans l'azur
Des flots silencieux!
NOURABAD
(il s'avance vers Léïla)
Les barques ont gagné la grève;
Pour cette nuit, Léïla, notre tâche s'achève.
Ici tu peux dormir.
LÉÏLA
Allez-vous donc, hélas! me laisser seule?
NOURABAD
Oui; mes ne tremble pas,
Sois sans crainte.
Par là des rocs inaccessibles
Défendus par les flots grondants;
De ce côté, le camp; et là, gardiens terribles,
Le fusil sur l'épaule et le poignard aux dents,
Nos amis veilleront!
NOURABAD
Si ton cœur reste pur,
Si tu tiens ton serment,
Dors en paix sous ma garde
Et ne crains aucun piège!
LÉÏLA
En face de la mort,
J'ai su rester fidèle a serment
Qu'une fois j'avais fait.
NOURABAD
Toi? Comment?
LÉÏLA
J'étais encore enfant un soir, je me rappelle,
Un homme, un fugitif, implorant mon secours,
Vint chercher un refuge en notre humble chaumière;
Et je promis, le cœur ému par sa prière,
De le cacher à tous de protéger ses jours.
Bientôt une horde farouche accourt,
La menace à la bouche,
On m'entoure! Un poignard sur mon front est levé,
Je me tais, le nuit vient, il fuit, il est sauvé!
Mais, avant de gagner la savane lointaine:
"O courageuse enfant," dit-il, "va prends cette chaîne
Et garde-la toujours en souvenir de moi!"
Moi, moi, je me souviendrai!
J'avais sauvé sa vie et tenu ma promesse!
NOURABAD
C'est bien!
Songes-y, tous nos maux
Zurga peut te demander compte
Songes-y, songe à Dieu!
(Il sort avec les fakirs.)
CHŒUR
(dans la coulisse)
L'ombre descend des cieux, etc
LÉÏLA
Me voilà seule dans la nuit,
Seule en ce lieu désert où regne le silence!
(Elle regarde autour d'elle avec crainte.)
Je frissonne, j'ai peur! et le sommeil me fuit!
(regardant du côté de la terrase)
Mais il est là! Mon cœur devine sa présence!
Comme autrefois dans la nuit sombre,
Caché sous le feuillage épais,
Il veille près de moi dans l'ombre,
Je puis dormir, rêver en paix!
Il veille près de moi,
Comme autrefois, comme autrefois
C'est lui! mes yeux l'ont reconnu!
C'est lui! mon âme est rassurée!
O bonheur! Il est venu,
Il est là près de moi, ah!
Comme autrefois dans la nuit sombre, etc
(Le son d'une guzla se fait entendre.)
NADIR
(dans le coulisse, de très loin)
De mon amie,
Fleur endormie
Au fond du lac silencieux,
J'ai vu dans l'onde
Claire et profonde
Et inceler le front joyeux
Et les doux yeux!
(La voix se rapproche.)
Ma bien-aimée est enfermée . . .
NADIR
. . . Dans un palais d'or et d'azur; . . .
NADIR
. . . Je l'entends rire,
Et je vois luire . . .
LÉÏLA
Un doux charme m'attire!
NADIR
. . . Sur le cristal du gouffre obscur . . .
LÉÏLA
Ah! c'est lui!
(Nadir paraît sur la terrasse; il descend parmi les ruines.)
LÉÏLA
Dieu puissant, le voilà!
NADIR
Près d'elle, me voilà!
LÉÏLA
Par cet étroit sentier
Qui borde un sombre abîme,
Comment es-tu venu?
NADIR
Un Dieu guidait mes pas,
Un tendre espoir m'anime!
Rien, non rien ne m'a retenu!
LÉÏLA
Que viens-tu faire ici?
Fuis, la mort te menace!
NADIR
Apaise ton effroi, pardonne!
LÉÏLA
J'ai juré!
Je ne dois pas te voir!
LÉÏLA
Le mort est sur tes pas!
NADIR
Ah! le jour est loin encore
Nul ne peut nous surprendre,
Ah! Léïla, souris à mon espoir!
LÉÏLA
Non, séparons-nous!
NADIR
Ah! pourquoi repousser . . .
LÉÏLA
Il en est temps encore . . .
NADIR
. . . Un ami qui t'implore!
LÉÏLA
Ah! la mort est sur tes pas.
Ah! par pitié, éloigne-toi!
NADIR
Hélas!
Ton cœur n'a pas compris le mien!
Au sein de la nuit parfumée,
Quand j'écoutais l'âme charmée,
Les accents de ta voix aimée,
Ton cœur n'a pas compris le mien!
LÉÏLA
Ainsi que toi je me souviens!
Au sein de la nuit parfumée,
Mon âme alors libre et charmée,
À l'amour n'était pas fermée!
Ainsi que toi je me souviens!
NADIR
J'avais promis d'éviter ta présence,
Et de me taire à tout jamais;
Mais de l'amour, hélas! ô fatale puissance!
Pouvais-je fuir les beaux yeux que j'aimais?
LÉÏLA
Malgré la nuit, malgré ton long silence,
Mon cœur charmé avait lu dans ton cœur!
Je t'attendais, j'ésperais ta présence!
Ta douce voix m'apportait le bonheur!
NADIR
Est-il vrai? que dis-tu?
Doux aveu, ô bonheur!
Oui! Ton cœur n'a pas compris le mien!
Au sein de la nuit parfumée, etc
LÉÏLA
Ah! Ainsi que toi je me souviens! etc
LÉÏLA
(se degageant de ses bras)
Ah! revenez à la raison!
Partez! Partez vite! Je tremble!
NADIR
Que l'amour chaque soir
Dans l'ombre nous rassemble!
LÉÏLA
Oui, oui! demain je t'attendrai!
NADIR
Oui, demain je te rêverrai!
(Ils se séparent. Coup de feu.
Léïla pousse en cri et tombe à genoux.)
NOURABAD
Malheur sur eux! malheur sur nous!
Accourez! venez tous!
(Il se met à la poursuite de Nadir.)
CHŒUR
Quelle voix nous appelle?
Quel présage de mort nous attend en ces lieux?
(L'orage éclate dans toute sa furie.)
O nuit d'épouvante!
La mer écumante
Soulève en grondant
Ses flots furieux!
SOPRANOS
Pâle et frémissante,
Muette et tremblante,
D'où vient sa terreur?
D'où vient son effroi?
Nuit d'épouvante
La mer écumante,
O nuit d'effroi,
Nuit d'épouvante!
Nuit d'horreur,
Nuit d'effroi!
CONTRALTOS,
TÉNORS ET BASSES
O nuit d'horreur,
Mon cœur d'effroi palpite!
O nuit d'horreur,
Brahma, pitié, pitié!
O nuit d'épouvante,
La mer écumante
Soulève en grondant
Ses flots furieux,
Oui, nuit d'horreur,
Nuit d'horreur,
Nuit d'effroi!
NOURABAD
(Il reparaît suivi des fakirs armés de torches.)
Dans cet asile sacré, dans ces lieux redoutables,
Un homme, un étranger, profitant de la nuit,
À pas furtifs . . .
NOURABAD
. . . s'est introduit . . .
NOURABAD
(montrant Nadir qu'on amène au fond)
. . . Le voici! Voici les deux coupables!
CHŒUR
Voici les deux coupables!
Ah! Nadir! O trahison!
Nadir! O trahison!
(Ils
menacent Nadir et Léïla de leurs poignards.)
Pour eux point de grâce! Non!
Ni pitié! Ni merci! Non!
La mort! La
mort!
Pour eux point de grâce!
CHŒUR
Pour eux point de grâce!
LÉÏLA
O funeste sort!
O sombre manace!
Hélas,
funeste sort!
Tout mon sang se glace!
Pour nous c'est la mort!
Hélas! Je tremble! O ciel!
La mort nous menace!
Funeste sort!
O sombre menace!
Brahma, protége-nous!
Je meurs d'effroi!
NADIR
Non, plutôt la mort!
Leur demander grâce?
Leur folle menace
Fait mon bras plus fort!
Ne crains rien,
Mon bras te protége!
Je saurai braver leurs coups!
Venez, je vous brave,
Oui, je brave les cieux!
Je ris de leur courroux!
Je braverai votre fureur!
Venez, je vous attends!
CHŒUR
Pour tous deux la mort!
Malgré sa menace!
Qu'ils aient le même sort!
Esprits des ténèbres,
Prêts à nous punir,
Vos gouffres funèbres
Pour eux vont s'ouvrir!
Ni pitié, ni merci!
Pour eux la mort!
Oui, punissons leurs forfaits!