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Divers Auteurs Les pêcheurs de perles IntraText CT - Lecture du Texte |
ZURGA
(il paraît sur le seuil de la tente)
L'orage s'est calmé.
Déjà les vents se taisent!
Comme eux les colères s'apaisent!
(Il laisse tomber la draperie.)
Moi seul j'appelle en vain le calme et le sommeil.
La fièvre me dévore et mon âme opressée
N'a plus qu'une pensée:
Nadir doit expirer au lever du soleil!
(Il tombe accablé sur les coussins.)
O Nadir, tendre ami de mon jeune âge!
O Nadir, lorsqu'à la mort je t'ai livré!
O Nadir, hélas, par quelle aveugle et folle rage
Mon cœur était-il déchiré!
Non, non, c'est impossible!
J'ai fait un songe horrible!
Non, tu n'as pu trahir ta foi!
Et le coupable, hélas! c'est moi!
O remords! o regrets!
Ah! qu'ai-je fait?
O Nadir, tendre ami de mon jeune âge!
O Léïla, radieuse beauté!
Pardonnez à l'aveugle rage!
De grâce pardonnez aux transports d'un cœur irrité!
Malgré moi, le remords m'oppresse!
Nadir, Léïla, hélas! J'ai honte de ma cruauté!
Ah! pardonnez aux transports d'un cœur irrité!
(Il tombe accablé. Léïla paraît.
Deux pêcheurs la tiennent
et la menacent de leurs poignards.)
Qu'ai-je vu?
O ciel! quel trouble!
Tout mon
amour se réveille à sa vue!
Près de moi, qui t'amène?
LÉÏLA
J'ai voulu te parler à toi seul.
ZURGA
(aux pêcheurs)
C'est bien! vous sortez!
LÉÏLA
(à part)
Je frémis, je chancelle!
De son âme cruelle
Hélas! que vais-je obtenir?
Sous son regard, l'effroi vient me saisir.
De son âme cruelle que vais-je obtenir?
ZURGA
Je frémis devant elle!
Léïla qui est belle!
Oui, plus belle encor, au moment de mourir,
Oui, c'est Dieu qui la conduit ici
Pour me punir!
Ne tremble pas, approche, je t'écoute!
LÉÏLA
(elle se jette aux pieds de Zurga)
Zurga, je viens demander grâce.
Par Brahma, par le ciel, par tes mains que j'embrasse,
Épargne un innocent et ne frappe que moi!
Pour moi je ne crains rien, Zurga,
Mais je tremble pour lui!
Ah! sois sensible à ma plainte
Et deviens notre appui.
Il me donne son âme!
Il est tout mon amour!
ZURGA
Tout son amour!
LÉÏLA
Ardente flamme, hélas!
Voici son dernier jour!
LÉÏLA
Ah! pitié Zurga, ah, pitié!
Par ma voix qui supplie,
Ah, laisse-toi fléchir!
Accorde-moi sa vie,
Zurga je t'en conjure,
Accorde-moi sa vie,
Pour m'aider à mourir!
ZURGA
Qu'entends-je?
LÉÏLA
Ah, laisse-toi fléchir!
Accorde-moi sa vie,
Pour m'aider à mourir!
ZURGA
Pour t'aider à mourir!
Ah! Nadir! j'aurais pu lui pardonner peut-être
Et le sauver, car nous étions amis!
Mais tu l'aimes!
ZURGA
Tu l'aimes!
Ce mot seul a ranimé ma haine et ma fureur!
ZURGA
En croyant le sauver,
Tu le perds pour jamais!
ZURGA
Comme lui, Léïla, je t'aimais!
LÉÏLA
Ah! de mon amour pour lui
Tu m'oses faire un crime?
ZURGA
Son crime est d'être aimé
Quand je ne le suis pas!
LÉÏLA
Ah! du moins dans son sang
Ne plonge pas tes bras!
ZURGA
En voulant le sauver,
Tu le perds à jamais!
LÉÏLA
Ah! que de ta fureur,
Seule je sois victime!
ZURGA
Tu l'aimes! il doit périr!
LÉÏLA
Par pitié! par le ciel!
Eh bien! va, venge-toi donc, cruel!
Va, cruel, va!
Va, prends aussi ma vie;
Mais, ta rage assovie,
Le remords, l'infamie,
Te poursuivront toujours!
Que l'arrêt s'accomplissent,
Et qu'un même supplice
Dans les cieux réunisse
À jamais tendre amour.
Va, prends ma vie,
Je te défie,
Oui, l'infamie te poursuivra toujours.
Va barbare, va cruel,
Les remords te poursuivront toujours!
Ah barbare! Ah cruel!
ZURGA
O rage! o fureur!
O tourment
affreux!
O jalousie! Tremble!
Ah! crains ma fureur!
Oui, crains ma vengeance!
Que l'arrêt s'accomplisse!
Point de grâce, proint de pitié!
Tu vas périr avec lui!
Pour tous deux, oui, la mort!
LÉÏLA
Zurga, je te maudis,
Je te hais et je l'aime à jamais!
ZURGA
O fureur, o fureur!
(Nourabad reparaît au fond, suivi de quelques pêcheurs.
Cris de joie dans l'éloignement.)
NOURABAD
Entends au loin ce bruit de fête!
L'heure est venue!
LÉÏLA
Et la victime est prête!
LÉÏLA
Pour moi s'ouvre le ciel!
(à un jeune pêcheur)
Ami, prends ce collier,
Et quand je serai morte,
Qu'à ma mère on le porte!
Va, je prierai Dieu pour toi!
(Zurga s'empare du collier.)
ZURGA
Ce collier . . . Celle qui m'a sauver!
Je ferai mon devoir!
(Nourabad et les pêcheurs entraînent Léïla.
Zurga les suit.)