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Louis Gallet L'Attaque du Moulin IntraText CT - Lecture du Texte |
(Marcelline va ouvrir une
porte,
par laquelle entrent une douzaine de jeunes filles.
Au milieu d'elles est Françoise voilée.
Dans le fond, sur la route,
Dominique paraît aussi à la tête des jeunes gens.)
GENEVIEVE et LES PAYSANNES
(marqué et très rythmé)
Dans le bois ne va plus, la belle!
Il y rôde, a t'on dit,
Un beau garçon hardi,
Qui veut te ravir et t'appelle,
Belle, n'aie peur, nous te gardons,
D'un voile fin nous te cachons.
(gaîment)
Qu'il cherche!
Où donc est-elle?
Va, frappe, crie appelle!
Hardi là! Le hardi garçon!
PAYSANS
(largement chanté, rythmé et marqué)
Hors du bois, nous cherchons la belle,
La plus belle, a-t'on dit,
Pour un garçon hardi,
Qui l'aime d'amour et l'appelle.
La plus belle nous trouverons.
Au plus beau nous la donnerons
(gaîment)
Qu'il cherche!
Où donc est-elle?
Va, frappe, crie, appelle!
Hardi là! Le hardi garçon!
DOMINIQUE
(frappant)
Demoiselle! demoiselle!
Ouvrez vite, ouvrez, c'est moi!
GENEVIEVE et LES PAYSANNES
Qui te donne tant d'audace?
Es-tu compte ou fils de roi?
DOMINIQUE
Mendiant d'amour, je passe.
Mon espoir est dans sa grâce,
Mon audace est dans ma foi.
GENEVIEVE et LES PAYSANNES
Dans le bois ne va plus, la belle!
Belle, n'aie peur, nous te gardons.
D'un voile fin, nous te cachons
LES PAYSANS
Hors du bois, nous cherchons la belle.
LES PAYSANS et LES PAYSANNES
La plus belle nous trouverons.
Au plus beau nous la donnerons,
Nous la donnerons,
Qu'il cherche!
Où donc est elle?
Va, frappe, crie appelle!
Hardi là! Le hardi garçon!
DOMINIQUE
(frappant plus ton)
Demoiselle! Demoiselle!
LES PAYSANS et LES PAYSANNES
Hardi là! Le hardi garçon!
GENEVIEVE
(à Dominique)
Mais, avant que tu sois son maître,
Nous voulons du moins te connaître.
Ouvre ton coeur c'est la grande vertu,
Réponds, comment la protégeras-tu?
DOMINIQUE
Je la protégerai, fort, de toute ma force!
Les chênes à la rude écorce
Savent quel coup parfois mon bras a porté,
Dans mon sang a passé quelque peu de leur sève,
Et, dans l'air embaumé qui par les bois s'élève,
A pleins pommons j'ai bu la joie et la santé!
GENEVIEVE
Comment la nourriras-tu?
DOMINIQUE
Sois la lourde meute
Je pousserai la fleur du blé, de l'aube au soir.
J'arracherai ses fruits à la terre,
Au puiserai le vin,
Ainsi, de ma main seule,
Elle tiendra la vie et le bonheur.
GENEVIEVE
Comment l'aimeras-tu?
DOMINIQUE
Toute et de tout mon coeur!
D'un coeur solide autant que mes bras à la peine!
Il n'est de grand amour qu'en une race saine!
Ainsi nous serons forts tous deux et nous aurons
De beaux enfants en qui nous nous retrouverons!
GENEVIEVE et LES PAYSANNES
Allons! c'est trop bien répondu, la belle,
Pour qu'on te refuse au hardi garçon,
Qui te veut et t'appelle…
Tombe le fin voile où nous te cachons!
(Elles la dévoilent)
FRANCOISE
(s'avançant)
Au cher mari qui m'appelle,
Mon coeur vole sans retour,
Par son aimante parole,
Mon coeur, tout embrasé vole,
Mon coeur vole à son amour!
L'UN DES JEUNES GENS
(à Françoise)
Un moment donc, la belle fille!
Nous aussi somme désireux
Da savoir s'il doit être heureux.
A bon garçon, femme gentille.
Tu ne l'auras qu'après avoir bien répondu…
Dis, comment le serviras-tu?
FRANÇOISE
Comme voudrait le servir une mère,
Comme saurait le servir une sœur.
J'aurai souci de changer en douceur
Tout ce qui lui serait peine grave ou légère.
LE JEUNE HOMME
Comment le consoleras-tu?
FRANÇOISE
Quand il me reviendra, de labeur abattu.
A force de tendresse et sollicitude,
Je ferai du foyer une béatitude.
Je serai la gaîté consolante aux cœurs las!
S'il pleure il oublira ses larmes dans mes bras!
LE JEUNE HOMME
Comment l'aimeras-tu?
FRANÇOISE
Comme il m'aime lui-même.
Comme déjà je l'aime et plus encore même,
Si je le puis!
Enfin, je l'aimeras
Aussi dans les enfants que je lui donnerai.
Et quand nous viendra la vieillesse,
Nous la porterons avec allégresse.
On nous verra, le cœur jeune, les pas tremblants,
Promener notre amour, gai, sous ses cheveux blancs!
LE CHŒUR
(Geneviève avec les soprani)
Allez! le plus beau, la plus belle,
Plus toujours donnez vous la main.
Allez! vous qu'amour appelle:
On vous marîra demain!
FRANÇOISE
(très doux et expressif.)
Nous voilà fiancés!
DOMINIQUE
(très doux et expressif.)
A peine j'ose y croire!
FRANÇOIS
Et pourtant, c'est bien vrai!
DOMINIQUE
Tout ce que j'ai souffert est loin de ma mémoire!
LE CHŒUR
(Geneviève avec les soprani)
Les voilà financé!
Ah! que Dieu les protège!
MEZZO SOPRANI
Ames plus blanches que la neige!
Ames plus blanches que la neige!
Allez sans crainte et sans souci!
DOMINIQUE
(un peu accentué)
J'errais dans les grands bois, vivant de ta pensée!
Oh! ne plus nous quitter, nous voir, toujours nous voir!
FRANÇOISE
(un peu accentué)
Je t'attendais ici, dans le moulin, bercée
Par un joyeux espoir!
Oh! ne plus nous quitter, nous voir, toujours nous voir!
TENORI
Ames plus blanches que la neige!
Ames plus blanches que la neige!
Allez sans crainte et sans souci!
BASSI
Qu'il est bon de s'aimer ainsi!
Allez sans crainte et sans souci!
Allez sans crainte et sans souci!
Allez sans crainte et sans souci!
SOPRANI
Ames plus blanches que la neige!
Ames plus blanches que la neige!
Allez sans crainte et sans souci!
FRANÇOISE, DOMINIQUE
Tourne, roue à la voix chantante,
Parle nous d'amour infini!
Et que Dieu, sous ce toit béni,
Nous réserve une paix constante,
Dans la douceur de notre nid.
Tourne, tourne roue à la voix chantante!
(joyeusement)
Tourne, roue!
Tourne, tourne, tourne!
Qu'il est bon de s'aimer!
Qu'il est bon de s'aimer,
Dans la douceur de notre nid!
MARCELLINE, MERLIER
Tourne, roue à la voix chantant
Vous parle d'amour infini!
Vieillissez sous ce toit béni,
Et goûtez une paix constante,
Dans la douceur de votre nid.
Tourne, tourne roue à la voix chantante!
(joyeusement)
Tourne, roue!
Tourne, tourne, tourne tourne!
Qu'il est bon de s'aimer!
Qu'il est bon de s'aimer,
Dans la douceur de votre nid!
LE CHŒUR
Que la roue à la voix chantante
Vous parle d'amour infini!
Vieillissez sous ce toit béni,
Et goûtez une paix constante,
Dans la douceur de votre nid!
Que Dieu les protège!
Ames plus blanches que la neige!
Allez sans crainte et sans souci,
Allez sans crainte, allez sans crainte et sans souci!
Qu'il est bon de s'aimer!
Qu'il est bon de s'aimer,
Dans la douceur de votre nid!
MELIER
(dans un grand trouble d'émotion et de joie)
Mes bons amis!
Marcelline!
Ma fille!
Que je t'embrasse!
(Après avoir embrasse Françoise,
il la pousse dans les bras de Marcelline.)
Embrasse-là,
Toi qui l'as élevée!
Ah! petite, voilà
Du bonheur qui me vient pour mes vieux jours!
Famille,
Amis, j'ai tout!
Tout me sourit!
A table, meaitenant!
TOUT
A table!
LE CHŒUR PREMIER PARTE
Vive la gaîté!
Les soucis au diable!
A table
LE CHŒUR DEUXIÈME PARTE
Vive la gaîté!
Les soucis au diable!
MERLIER
(gaîment)
Les soucis
Un bon coup de vin nous en guérit!
Défoncez le tonneau!
Servez la soupe!
A table!
Et ne nous pressons pas, nous avons tout le jour!
(Un roulement de tambour a
retenti.
Tout le monde s'est arrêté.
On s'écarte, on aperçoit dans le fond,
sur la route, le tambour du village.)
MERLIER
Tiens! Qu'a-t-il donc à nous annoncer, le tambour?
LE TAMBOUR DU VILLAGE
(annonçant)
Il vous est savoir que la guerre est déclarée
et que le marie convoque, dès ce jour, à la maison de ville,
tous les hommes valides qui partiront à la frontière.
LE CHŒUR
Ah! la guerre! la guerre!
MERLIER
La guerre!
Quoi, sitôt?
On ne l'attendait guère
En ce moment…
Enfin!…
Entrez, tambour!
(à Françoise)
Un verre
Au brave homme! et qu'il boive avec nous,
Tout de même, au bonheur des deux futurs époux!
MARCELLINE
Ah! la guerre, l'horrible guerre!
Je l'ai vue! oh! oui!
J'en ai trop souffert!
C'est le châtiment de la terre
Que Dieu punit par la flamme et le fer!…
Les cavaliers lâchés au travers des vallées,
Ecrasant les moissons.
Les grand blés mus détruits, les avoines foulés,
Sous l'enragé galop des bêtes fouaillées
Qui traînent les canons.
Les toits incendiés, le sang et le pillage,
Tous les travaux anéantis,
La morte du pauvre monde et le deuil au village…
Ah! la guerre, je la maudis!
(doux)
Vous les avez connus, vous tous, mes deux grands fils,
Jean, Antoine, tous deux si vaillants à l'ouvrage,
Et pleins d'un si mâle courage,
Quand la guerre me les a pris!
Je les revois encor dressant leur haute taille…
Ils sont tombés dans la même bataille.
En un moment, tous deux, la mort les a fauchés!
Je ne sais même pas où leurs corps sont couchés…
Oui, la voilà, la guerre!
LE TAMBOUR
(rondement)
Eh! Bonne dame,
N'en faut point tant dire de mal.
La guerre, ça réchauffe l'âme!
On cogne dur, c'est un régal!
Eh! Sans doute, y a de la casse!
Mais, quand on vous taquine, quoi?
Qu'on vous crache l'injure en face,
Y ferait beau voir qu'on reste coi!
(levant son verre, vers Dominique et Françoise)
Enfants! A vous d'abord,
Puis, achevons te verre,
Pour les autres, qui vont se battre à la frontière!
LES HOMMES
(avec Dominique et Merlier)
Bien dit, tambour!
FRANÇOISE
(à Dominique)
Ah! toi, tu ne partiras pas!
DOMINIQUE
Je suis flamand, c'est vrai, mais qu'un jour passe
L'ennemi par chez nous, qu'un danger te menace,
Oh! alors, tu verras!
MERLIER
Allons! A table, enfants!…
Tambour, encore un verre,…
TOUS
Pour les nôtres qui vont se batte à la frontière!