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Louis Gallet
L'Attaque du Moulin

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Scène II. Merlier, Marcelline, Capitaine ennemi, Dominique, Françoise

 

(Ils vont s'asseoir tous les deux, près du puits,
à demi cachés au public.
Le Capitaine ennemi sort du moulin.
Il est suivi par Merlier et Marcelline.)

LE CAPITAINE ENNEMI
Merlier)
Vous entendez!
Aux sentinelles
Je viens d'en donner l'ordre encor
Sir vous tentez du fuir, vous êtes mort!

MERLIER
(ferme)
Bon!

LE CAPITAINE ENNEMI
Quant à ce garçon, toujours pas de nouvelles?

MERLIER
Aucune!

LE CAPITAINE ENNEMI
A la première attaque des français,
C'est donc vous qui paieriez pour lui!

MERLIER
(impatienté)
Bon! Je le sais..
Vous l'avez déjà dit!

(Le Capitaine rentre dans le moulin.)

MERLIER
(regardant avec inquiétude du côté
de Françoise et de Dominique)

Pourvu, bonté divine,
Qu'ils n'aient pu nous entendre!
Ecoute, Marcelline,
Pour décider Dominique à partir,
Tu vas mentir.

MARCELLINE
Comment, mentir?

MERLIER
Oui, tu vas, comme moi, dire que je suis maître,
Tout à mon gré, d'entrer et de sortir,
Que je suis libre enfin!

MARCELLINE
Mais, c'est la mort!

MERLIER
Peut-être,
Qu'importe!
Le bonheur de ma fille avant tout!
Je suis vieux, moi je puis m'en aller.
Jusqu'au bout,
S'il faut mon sang, j'en fais gaiement le sacrifice.

MARCELLINE
(le regardant longuement)
Maître, c'est bien…je mentirai.
Sans remords, je serai complice.
L'amour qui s'immole est seul vrai.
J'aurais menti, je me serais damnée,
Pour conjurer la destinée
De mes garons, que j'aimais tant!
Oui, voilà le devoir tel que mon cœur l'entend:
Se donner tout pour ceux qu'on aime,
Offrir sa vie en don suprême!
Parlez-leur donc à votre gré.
Maître, je mentirai!

MERLIER
(allant frapper sur l'épaule de Dominique)
Te voilà revenu, garçon! Quelle imprudence!

FRANÇOISE
(se jetant au cou de son père)
Oh! père, expliquez-lui qu'il faut qu'il reste
Moi…Je ne peux pas!

MERLIER
(tranquillement)
Pourquoi veux-tu qu'il reste, dis, chère fille?
Je pense,
Au contraire, qu'il doit repartir a l'instant!

FRANÇOISE
(avec un cri d'angoisse)
Mais, vous…mon père, vous?

DOMINIQUE
(soudainement éclairé)
Ah! mon esprit s'éclaire!
Je comprends à présent ce qu'elle voulait taire,
Et quel sort vous attend!
Ils vous ont arrêté, vous ont fait la menace
De vous fusiller à ma place!
Et vous alliez
C'est mal! Mais enfin, me voilà!

MERLIER
(souriant)
Garçon, il ne s'agit plus du tout de cela.
Je suis libre!
A l'instant, on vient de me le dire.

FRANÇOISE
Père, tu ne mens pas?

MERLIER
Non, puisque je suis là.

FRANÇOISE
Vrai, bien vrai, père?

MERLIER
Aussi vrai que tu vois le ciel luire!

FRANÇOISE
Mais nous sommes sauvés, père, c'est le bonheur!…
Quelle effroyable nuit, quel terrible supplice!
Vouloir, si j'avais pu, j'aurais coupé mon cœur
Entre mon Dominique et toi que je choisisse!
Et ces tourments sont donc finis!
Enfin, mous voilà réunis!

Ensemble

FRANCOISE
(gaîment)
Ah! de nouveau, que la maison flamboie,
Du claire lever du jour à son déclin!
Aimons nous, travaillons, de toute notre joie,
Au chant berceur du vieux moulin!
Aimons-nous, travaillons, de toute notre joie,
Au chant berceur du vieux moulin!

MERLIER
Marcelline)
Je suis vieux, moi! Je puis partir, l'âme joyeuse,
Si ma chère enfant est heureuse.
Et, jusqu'au bout, je donnerai mon sang.
Je donnerai mon sang!

MARCELLINE
Merlier)
Se donner tout pour ceux qu'on aime,
Offrir sa vie en don suprême.
C'est le devoir tel que mon cœur l'entend!

DOMINIQUE
(reprenant)
Ne mentez pas, père Merlier!

FRANÇOISE
Hein? Père,
Ne mens pas!

MERLIER
Aussi vrai que le ciel nous éclaire,
Je ne mens pas!
Voyons, si je mentais.
Est-ce que je pourrais rire comme je fais?…
Demande à Marcelline
Et, tiens! Vois, elle-même
Rit de bon cœur!

MARCELLINE
Bien sûr, quand je sais ceux que j'aime
Contents, je suis contente
Allez, soyez heureux!
Il dit vrai, je le jure, et nous rions tous deux.
Mentirions-nous à cette heure suprême?

Ensemble

MARCELLINE & MERLIER
Mentirions-nous à cette heure suprême?
Et nous rions tous deux!

FRANÇOISE & DOMINIQUE
Ah! de nouveau, que la maison flamboie!
Et nous sommes sauvés, le bonheur nous attend!
Aimons nous, travaillons, de toute notre joie,
Au bruit du vieux moulin chantant!
Travaillons,
Au bruit du vieux moulin chantant!

MERLIER
Marcelline)
Je suis vieux, moi! Je puis partir, l'âme joyeuse,
Si ma chère enfant est heureuse.
Et, jusqu'au bout, je donnerai mon sang
Jusqu'au bout, je donnerai mon sang!

MARCELLINE
(á Merlier)
Se donner tout pour ceux qu'on aime,
Offrir sa vie en don suprême,
C'est le devoir tel que mon cœur l'entend!

(La diane française reprend au loin)

MARCELLINE
(prêtant l'oreille)
C'est encor le claironécoutez, on l'entend!

FRANÇOISE
(avec joie)
O Dieu bon!
Dominique)
Repars tout de suite
Les français! Va, garçon, leur dire vite, vite,
Que l'ennemi n'est pas en nombre ici.,
Et qu'ils viennent!

DOMINIQUE
(décidé exalté)
Enfin, c'est la bataille!
Et je vais donc risquer ma peau, sous la mitraille,
Pour délivrer Françoise et le moulin aussi!
Car j'ai fait le serment de protéger ma femme,
Fort, de toute ma force et de toute mon âme!…
Je vous sauverai tous!

(Il remet le manteau.)

MERLIER
C'est çà. Plus de souci!
Embrasse ta Françoise!
Embrasse-moi!…
Courage!
Il est temps.
Va, sans tarder davantage!
part, lorsque Dominique est parti)
C'est fini, maintenant, allons, il faut payer!
Marcelline, lui montrant Françoise)
Laisse-nous seuls.

MARCELLINE
(au moment de sortir, avec un sentiment douloureux)
Adieu, père Merlier!

FRANÇOISE
(toute changée, heureuse)
Oh! père, que je suis contente,
Et que je respire aisément!
Grâce à vous deux, mon épouvante
S'est dissipée en en un moment…
Tous deux hors de danger!
Je ne sais comment dire
Ma joie immense!

MERLIER
Ton sourire
Me suffit, rien ne peut m'être plus précieux,
Ah! que je t'aime donc, ma fillette aux grands yeux!
(Il l'embrasse)
(la retenant près de lui)
Te souviens-tu, lorsque, toute petite,
Déjà ta mère, hélas, était au ciel,
Je te berçais, comme tu dormais vite,
A m'écouter chanter quelque antique Noël!

FRANÇOISE
Oui, votre grosse voix se faisait si câline!

MERLIER
Et quand, sous les rideaux de blanche mousseline,
Je t'aller border dans ton petit lit?

FRANÇOISE
Oui, vous étiez si bon!
Le couverture fine
Sous vos doigts que tremblaient, ne gardait pas un pli.

MERLIER
J'aimais à te voir dormant comme un ante
(toujours doux mais plus expressif)
Puis, à l'âge où l'enfant en fillette se change,
A tes dix ans, quand nous causions, le soir,
Comme deux vieux amis, tu m'écoutais, ravie.
Je te disais "Il est deux choses dans la vie,
Qui passent tout: aimer et faire son de voir."

FRANÇOISE
Vous m'enseigniez ce qui fait une fille honnête,
Et je me souviens bien, père, de la leçon!

MERLIER
Eh bien! Si je n'étais plus là, sache, fillette,
T'en souvenir toujours!

FRANÇOISE
(se dégageant, avec effroi)
Mon Dieu! De quel frisson
Me glace, tout à coup, votre parole!
Mais…ce sont des adieux que vous me faites!

MERLIER
(le reprenant, la cajolant)
Folle!

FRANÇOISE
(encore un peu troublée)
Vous ne me cachez rien?

MERLIER
Non! Non! Rien! Tout est bien!
Laisse-moi l'embrasser, comme, petite fille,
Je t'embrassais
Toi même, embrasse-moi, gentille,
Rieuse à pleine bouche, allons, plus fort, bien fort
(la quittant, ferme héroïque)
Là! C'est bien maintenant!.. je puis braver le sort!

(Tambours et Clairons dans la coulisse.)

VOIX dans les coulisses
Les Français! Les Français!

MERLIER
part)
C'est fini!

VOIX dans les coulisses
Les Français! Les Français!

FRANÇOISE
(joyeusement)
Dominique les même!

MERLIER
(se retournant vers le moulin
Ô mon pauvre moulin! Va, ton heure est prochaine!
Ils vont te massacrer dans ce dernier assaut.
La brave vieille rote, en ses augets de chêne,
Ne chantera plus sous l'eau claire du ruisseau
Mais, par vos soins,
Françoise, il faudra qu'il renaisse!
Je l'aimais bien, sachez l'aimer à ma façon.
Rendez lui sa robuste et joyeuse jeunesse,
Et vieillissez, heureux, bercés par sa chanson!

FRANÇOISE
(très inquiète)
Et vous, père?

(Tambours et Clairons dans la coulisse)

LES SOLDATS FRANÇAIS
(dans la coulisse)
A la baïonnette!
A l'assaut! A l'assaut!

(Fifres dans la coulisse)

LES SOLDATS ENNEMIS
(dans la coulisse)
Vite! En retraite!
Les Français! Les Français!

LES SOLDATS FRANÇAIS
En avant! En avant!

(Les portes s'ouvrent, les soldats ennemis
ses rabattent en désordre.)

LE CAPITAINE ENNEMI
En retraite!
Il faut nous replier à l'instant!
(Apercevant Merlier, debout,
au milieu de la cour, avec Françoise.)

Ah! mais, tout d'abord, réglons cette affaire!

(Le Capitaine jette Merlier à six soldats armés
qui le poussent dans la coulisse.)

FRANÇOISE
Grand Dieu! Mon père!
(éperdue, elle est tombée à genoux,
les bras tendus)

(Fusillade dans la coulisse.)
Ils ont tué mon père!

(Elle se redresse comme une folle)

 




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