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Louis Gallet L'Attaque du Moulin IntraText CT - Lecture du Texte |
(Marcelline sort. La nuit
tombe.
La Sentinelle a repris son immobilité.
A ce moment, on aperçoit Dominique
dans les saules près du moulin.)
FRANÇOISE
(a paru au fond, et, guettant, le voit aussitôt.
Elle ramène vivement les jeunes filles,
chargées de gerbes.)
Rentrons vite, rentrons, venez!
La dîme des blés moissonnés
Vous appartient.
Emportez votre gerbe!
GENEVIÈVE
(stylée par Françoise)
La part est lourde!
C'est une moisson superbe.
(au la Sentinelle)
Soldat, pourquoi ne vous aidez-vous pas?
Vous avez pourtant de bons bras
Et des épaules larges,
Qui porteraient gaîment ces lourdes charges!
LES JEUNES FILLES
(gaîment)
Aidez-nous, allons, soldat, aidez-nous!
Dites, voulez-vous
Nous alléger de notre charge?
LA SENTINELLE
(durement)
Arrière! Arrière!..
Au large!
(Les jeunes filles sortent.
Françoise reste en scène, à l'écart.)
QUELQUES VOIX DES SENTINELLES
ENNEMIS
(au loin, appelant du coté de la Morelle)
Oh!
LA SENTINELLE EN SCÈNE
(leur répondant)
Oh!
QUELQUES VOIX
(au loin, répondant du côté de la campagne)
Oh!
(Dominique s'est engagé
avec précaution sur la passerelle.
Il va fuir, quand, tout à coup,
la Sentinelle se retourne,
s'élance et lui oppose la pointe de sa baïonnette.
Dominique écarte violemment l'arme,
se jette sur le soldat qu'il frappe
à la gorge de son couteau.
La Sentinelle pousse un grand cri et tombe.
Françoise s'enfuit épouvantée.
La nuit est devenue complète.
La scène reste un instant déserte,
avec les corps étendu.)
PREMIER SOLDAT
(arrivant effaré)
Je viens d'entendre un cri.
DEUXIÈME SOLDAT
Que s'est-il donc passé?
PREMIER SOLDAT
Un grand cri, là, qui m'a glacé!
TROISÈME SOLDAT
Qu'arrive-t-il?
DEUXIÈME SOLDAT
On ne peut guère
Savoir, par cette nuit si noire!
QUARTIÈME SOLDAT
Eh! Là, par terre,
Un homme, un corps.
PREMIER, DEUXIEME,
TROISIÈME & CINQUIÈME SOLDATS
De la lumière!
UN SERGENT
(avec d'autres portant des torches)
Qu'est-ce?
Voyons!
CINQ SOLI SOLDATS
De la lumière!
(Ils regardent, reconnaissent la Sentinelle.)
D'AUTRES SOLDATS
(avec les premiers)
Un des nôtres! Assassiné!
(tout les Soldats)
Vengeance!
Ah! nous brûlerons le village,
Nous saccagerons tout!
Cela vous met en rage,
De voir ainsi tomber un brave!
Qu'un seul coup, mais d'une main sûre.
Voyez la terrible blessure!
Vengeance! Vengeance!
(Le Capitaine ennemi paraît.)
LE SERGENT
Capitaine, un camarade mort!
Assassiné, voyez!
LE CAPITAINE ENNEMI
Les misérables!
Homme pour homme, corps pour corps!
Il faut trouver, châtier les coupables!
Le maître du moulin!
Qu'on le fasse vernir
LES SOLDATS
Le voici!
(On pousse devant lui Merlier et Françoise)
LE CAPITAINE
(à Merlier)
L'un de nos hommes
Vient d'être assassiné, là voyer!
Nous en sommes,
Maintenant, à chercher qui nous devons punir.
Il nous faut un exemple éclatant, et je compte
Que vous m'aiderez à faire justice prompte!
MERLIER
Moi, je veux bien, certainement,..
Seulement, capitaine…
LE CAPITIANE
Seulement?
MERLIER
Ce ne sera pas bien commode.
LE CAPITAINE
(froid, ironique)
Ah!
MERLIER
(bonnement)
Non!
LE CAPITAIN
Peut-être…
(lui mettant brusquement sous les yeux
le couteau ramassé près de la sentinelle)
Regardez ce couteau…pourriez vous le connaître?
FRANÇOISE
(á part)
Oh! le couteau…
MERLIER
(toujours, avec bonhomie)
Mon Dieu!
Tout le monde a de ces couteaux dans nos campagnes.
Oui, pareils.
LE CAPITAINE
(éclatant)
Si la colère me gagne,
Je fais mettre le feu
Dans le moulin et dans tout le village!
UN SOLDAT
(accourant)
Capitaine! Le prisonnier
S'est échappé!
LE CAPITAINE
(furieux)
Voilà!
Sans chercher davantage,
C'est lui! C'est le gredin!
Il a dû s'éloigner
Par ces bois qu'il connaît!
MERLIER
(avec un cri étouffé, à part)
Dominique!
FRANÇOISE
(à demi voix)
Mon père!
Je tremble!
(Pendant ce qui précède, les
soldats ont
jeté un grand manteau militaire
sur le corps de la sentinelle,
qu'un peloton entoure et qu'on ne voit plus.)
LE CAPITAINE
Voyons!
Je veux qu'on m'éclaire.
M'entendez-vous?
MERLIER
(hochant la tête)
Certe!
LE CAPITAINE
Il faut aujourd'hui
Le retrouver, ou tous demain paîtront pour lui.
(très nettement à Merlier, le regardant)
Vous devez savoir sa retraite…
Vous la savez!
MERLIER
(sans s'émouvoir, sincèrement)
Non! Sur ma tête!
D'ailleurs, comment, dans la forêt,
Chercher un homme?
Ce serait
Chercher dans le foin une aiguille!
LE CAPITAINE
Eh! Cet hommes est l'aimant de votre fille!
Vous l'avez fait fuir!
C'est certain.
Vous allez le livrer, sinon…
(Il regarde Merlier qui demeure
impassible, silencieux)
Ah! la menace
Ne vous décide pas?..
Eh bien! Donc, à sa place,
Vous serez fusillé!
FRANÇOISE
Dieu!
LE CAPITAINE
Dès demain matin!
MERLIER
Alors, c'est sérieux?
Je veux bien, moi.
FRANÇOISE
Non! Grâce!
MERLIER
(à Françoise)
Laisse donc!
(au Capitaine)
S'il vous faut quelqu'un absolument,
Je suis prêt…
Autant moi que l'autre assurément!
FRANÇOISE
(égarée, se jetant vers l'officier)
Grâce! Grâce!
Épargnez mon père,
Soyez pour moi seule sévère,
Car moi seule ai fait tout le mal.
Dominique est parti sur mon conseil fatal.
Oui c'est moi qui l'ai fait coupable…
(effrayée de ce qu'elle vient de dire)
Mais que dis-je là! Misérable?
Je l'accuse…
MERLIER
(à Françoise)
Pourquoi mens-tu?
(aux autres)
C'est qu'elle ment!
Ma fille ne m'a pas quitté, je vous assure,
Un seul moment!
FRANÇOISE
(à l'officier)
Non! Je dis la vérité pure!
(lui montrant le moulin)
Regardez. C'est par là
Que je suis descendue au près de lui.
Sans peine,
C'est par là qu'il a pu s'enfuir.
MERLIER
(s'interposant et rudement)
Eh! Capitaine,
Puis qu'il vous faut un homme et puis que me voilà.
La chose est toute claire
Et ne veut pas tant de façons!
Prenez-moi, fusillez moi, pardi! Finissons!
FRANÇOISE
(se précipitant)
Oh! mon père!
LE CAPITAINE
(à Françoise)
Mon Dieu, si je prends votre père,
C'est que je ne tiens pas l'autre.
Mais vous pouvez
Tout réparer encor,
Si vous le retrouvez!
FRANÇOISE
(désespérée)
C'est horrible!
Et que puis-je faire?
Où voulez-vous, dans la nuit, dans les bois
Que je le retrouve?
(suppliante)
Encore une fois,
Si votre cœur n'est pas déglace,
J'implore votre appui!
Clémence, pitié, grâce!
Ensemble
MERLIER
A quoi bon lui demander grâce,
Puisque son cœur est de glace?
FRANÇOISE
Grâce, grâce!
J'implore votre appui!
LE CAPITAINE
Choisissez! Choisissez!
MERLER
Et pourquoi tant de façons?
Prenez-moi, fusillez-moi, finissons!
FRANÇOISE
Tuez-moi donc, moi, tout de suite,
J'implore votre appui!
Tuez-moi, je vous en supplie!
LE CAPITAINE
Votre père ou lui!
Ensemble
MERLIER
C'est trop déjà!
Puisqu'il vous faut un homme et puisque me voilà,
Finissons!
FRANÇOISE
Tuez moi, je vous en supplie,
Grâce
LE CAPITAINE
Non! Non!
Non! Votre père ou lui!