INTRODUCTION
JEAN-PAUL ÉVÊQUE
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU
EN PERPÉTUELLE MÉMOIRE
1. Le
Pasteur de tout le troupeau du Seigneur est l'évêque de l'Église de Rome, dans
laquelle le bienheureux Apôtre Pierre, par une souveraine disposition de la
divine Providence, rendit au Christ le suprême témoignage de son sang par le
martyre. Il est donc bien compréhensible que la légitime succession apostolique
sur ce Siège, avec lequel, "en raison de son origine plus excellente, doit
nécessairement s'accorder toute Église",1 ait toujours été l'objet
d'attentions particulières.
2. C'est
pourquoi, au cours des siècles, les Souverains Pontifes ont considéré comme
leur devoir propre, et aussi comme leur droit spécifique, d'organiser
l'élection régulière de leur Successeur par des normes appropriées. Ainsi, en
des temps encore tout proches, mes prédécesseurs, saint Pie X,2 Pie
XI,3 Pie XII,4 Jean XXIII5 et dernièrement Paul
VI,6 chacun dans l'intention de répondre aux exigences d'une période
historique particulière, veillèrent à promulguer sur cette question des règles
sages et appropriées, pour préciser la préparation adéquate et le déroulement
régulier de l'assemblée des électeurs, auxquels est confiée la charge
importante et difficile d'élire le Pontife Romain, en raison de la vacance du
Siège apostolique.
3. Si
aujourd'hui je m'apprête à aborder à mon tour cette question, ce n'est
certainement pas par manque d'estime pour les normes précédentes, que
j'apprécie profondément et que j'entends en grande partie confirmer, au moins
quant à l'essentiel et aux principes de fond qui les ont inspirées. Ce
qui me pousse à cette démarche, c'est la conscience des mutations de la
situation dans laquelle vit aujourd'hui l'Église et, en outre, la nécessité de
tenir compte de la révision générale de la loi canonique, heureusement
accomplie à la satisfaction de l'ensemble de l'Épiscopat, grâce à la
publication et à la promulgation tout d'abord du Code de Droit canonique, puis
du Code des Canons des Églises orientales. Après cette révision, inspirée par
le deuxième Concile oecuménique du Vatican, je me suis attaché ultérieurement à
réaliser la réforme de la Curie romaine par la Constitution apostolique Pastor
bonus7. D'ailleurs, ce sont précisément les dispositions du canon 335
du Code de Droit canonique, reprises dans le canon 47 du Code des Canons des
Églises orientales, qui laissent entendre qu'il existe un devoir d'édicter et
de remettre constamment à jour des lois spécifiques pour régler le pourvoi
canonique du Siège de Rome, vacant pour quelque motif que ce soit.
4. Dans la formulation de la nouvelle discipline, tout en
tenant compte des exigences de notre temps, j'ai pris soin de ne pas dévier en
substance de la ligne de la sage et vénérable tradition en vigueur jusqu'à
présent.
5. En vérité, apparaît indiscutable le principe selon
lequel il revient aux Pontifes romains de définir, en l'adaptant aux
changements des temps, la manière dont doit être effectuée la désignation de la
personne appelée à assumer la succession de Pierre sur le Siège de Rome. En
premier lieu, cela concerne l'organisme auquel est confié la charge de pourvoir
à l'élection du Pontife Romain : en vertu d'une pratique millénaire, consacrée
par des normes canoniques précises, confirmée aussi par une disposition
explicite du Code de Droit canonique en vigueur (cf. can. 349 du C.I.C.), cet
organisme est constitué par le Collège des Cardinaux de la Sainte Église
Romaine. S'il appartient en vérité au dépôt de la foi que le pouvoir du
Souverain Pontife provient directement du Christ, dont il est le Vicaire sur la
terre,8 il est aussi hors de doute que ce pouvoir suprême dans l'Église
lui est conféré «par l'élection légitime acceptée par lui, conjointement à la
consécration épiscopale»9. Par conséquent, la tâche qui incombe à
l'organisme chargé de pourvoir à cette élection est d'une importance capitale.
De ce fait, les normes qui en régissent les actes devront être claires et très
précises, afin que l'élection elle-même advienne selon le mode le plus digne et
convenant à la responsabilité suprême que l'élu, par investiture divine, devra
assumer par son assentiment.
6. Par conséquent, confirmant la norme du Code de Droit
canonique en vigueur (cf. canon 349 du C.I.C.), dans laquelle se reflète la
pratique désormais millénaire de l'Église, je déclare une fois encore que le
Collège des électeurs du Souverain Pontife est constitué uniquement des Pères
Cardinaux de la Sainte Église Romaine. En eux, s'expriment, comme en une
admirable synthèse, les deux aspects qui caractérisent la figure et la charge
du Pontife Romain : Romain, parce qu'identifié à la personne de l'Évêque de
l'Église qui est à Rome et, donc, en relation étroite avec le clergé de cette
Ville, représenté par les Cardinaux des titres presbytéraux et diaconaux de
Rome, et avec les Cardinaux Évêques des sièges suburbicaires ; Pontife de
l'Église universelle, parce qu'il est appelé à prendre de manière visible la
charge du Pasteur invisible qui guide le troupeau tout entier vers les
pâturages de la vie éternelle. L'universalité de l'Église est du reste bien
représentée dans la composition même du Collège cardinalice, qui rassemble des
Cardinaux de tous les continents.
7. Dans
les circonstances historiques présentes, la dimension universelle de l'Église
paraît suffisamment exprimée par le Collège des cent vingt Cardinaux électeurs,
composé de Cardinaux provenant de toutes les parties du monde et des cultures
les plus diverses. Je confirme donc le nombre maximal des Cardinaux électeurs,
précisant en même temps que le maintien de la norme établie par mon
prédécesseur Paul VI, norme selon laquelle ne participent pas à l'élection ceux
qui ont atteint, le jour du début de la vacance du Siège apostolique, quatre-vingts
ans, ne veut nullement être un signe de moindre considération.10 En
effet, la raison de cette disposition est à rechercher dans la volonté de ne
pas ajouter au poids d'un âge si vénérable la charge représentée par la
responsabilité du choix de celui qui devra guider le troupeau du Christ de
manière appropriée aux exigences des temps. Cela n'empêche pas cependant que
les Pères Cardinaux ayant dépassé les quatre-vingts ans prennent part aux
réunions préparatoires du Conclave, selon ce qui est précisé plus loin. On
attend d'eux en particulier que, durant la vacance du Siège, et surtout pendant
le déroulement de l'élection du Souverain Pontife, se faisant les animateurs du
Peuple de Dieu rassemblé dans les Basiliques patriarcales de la ville de Rome comme
dans d'autres églises des diocèses répandus à travers le monde entier, ils
s'associent à la tâche des électeurs, par d'intenses prières et par des
supplications à l'Esprit Saint, implorant à leur intention la lumière
nécessaire pour faire leur choix sous le regard de Dieu seul, en recherchant
uniquement «le salut des âmes qui doit toujours être dans l'Église la loi
suprême»11.
8. J'ai
voulu accorder une attention particulière à la très ancienne institution du
Conclave ; à cet égard, les normes et les pratiques ont été consacrées et
définies aussi par des dispositions solennelles de nombre de mes Prédécesseurs.
Un examen historique attentif confirme non seulement l'opportunité contingente
de cette institution, en raison des circonstances où elle est apparue et où
elle a été peu à peu définie de manière normative, mais aussi sa constante
utilité pour le déroulement ordonné, diligent et régulier des actes de
l'élection elle-même, particulièrement dans les périodes de tension et de
trouble.
9. Pour
cela précisément, tout en étant conscient de l'évaluation des théologiens et
des canonistes de chaque époque, qui de manière concordante reconnaissent que
cette institution n'est pas, de par sa nature, nécessaire à l'élection valide
du Pontife Romain, je confirme par cette Constitution la permanence de sa
structure essentielle, y apportant cependant quelques modifications, de manière
à en adapter la discipline aux exigences actuelles. En particulier, j'ai
considéré comme opportun de décider que, pendant toute la durée de l'élection,
le logement des Cardinaux électeurs et de ceux qui sont appelés à collaborer au
déroulement régulier de l'élection elle-même soit situé dans des locaux
convenables de l'État de la Cité du Vatican. Même s'il est petit, l'État est
suffisant pour assurer à l'intérieur de son enceinte, grâce aussi aux
dispositions opportunes indiquées plus loin, l'isolement et ainsi le
recueillement qu'un acte vital pour l'Église entière exige de la part des électeurs.
10. En
même temps, étant donné le caractère sacré de l'acte et donc qu'il doit se
dérouler dans un lieu approprié où, d'une part, les actions liturgiques
puissent se conjuguer avec les formalités juridiques et où, d'autre part, il soit
rendu plus facile aux électeurs de disposer leur esprit à accueillir les
motions intérieures de l'Esprit Saint, je décide que l'élection continuera à se
dérouler dans la Chapelle Sixtine, où tout concourt à entretenir le sentiment
de la présence de Dieu, devant qui chacun devra se présenter un jour pour être
jugé.
11. En
outre, avec mon autorité apostolique, je confirme le devoir de maintenir le
plus rigoureux secret sur tout ce qui concerne directement ou indirectement les
actes mêmes de l'élection : cependant, j'ai voulu simplifier et réduire à
l'essentiel les normes relatives à ce dernier aspect, de manière à éviter les
incertitudes et les doutes, et peut-être aussi les problèmes de conscience
ultérieurs pour ceux qui ont pris part à l'élection.
12.
Enfin, j'ai estimé nécessaire de revoir la forme même de l'élection, tenant
aussi compte des exigences ecclésiales actuelles et des orientations de la
culture moderne. Il m'est donc apparu opportun de ne pas conserver le mode
d'élection par acclamation quasi ex inspiratione, la jugeant désormais inapte à
interpréter l'avis d'un collège d'électeurs plus nombreux et si divers par les
origines. Il est également apparu nécessaire de renoncer à l'élection
per compromissum, non seulement parce qu'elle est difficile à réaliser, comme
il ressort de l'accumulation presque inextricable de normes qui ont été émises
sur cette question, mais aussi parce qu'elle est de nature à entraîner une
certaine perte de responsabilité pour les électeurs, qui, dans une telle
hypothèse, ne seraient pas appelés personnellement à exprimer leur vote.
13. Après mûre réflexion, j'ai donc décidé d'établir que
l'unique forme par laquelle les électeurs peuvent exprimer leur vote pour l'élection
du Pontife Romain est celle du scrutin secret, accompli selon les normes
indiquées ci-dessous. Cette forme, en effet, donne la meilleure garantie de
clarté, de rectitude, de simplicité, de transparence et, surtout, de
participation effective et constructive de chacun des Pères Cardinaux, appelés
à constituer l'assemblée des électeurs du Successeur de Pierre.
14. Dans ces intentions, je promulgue la présente
Constitution apostolique, qui contient les normes auxquelles doivent se conformer
rigoureusement les Cardinaux qui ont le droit et le devoir d'élire le
Successeur de Pierre, Chef visible de toute l'Église et Serviteur des
serviteurs de Dieu, lorsque le Siège de Rome devient vacant.
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