CHAPITRE
V - LE DÉROULEMENT DE L'ÉLECTION
62.
Étant abolis les modes d'élection dits per acclamationem seu inspirationem et
per compromissum, la forme de l'élection du Pontife Romain sera dorénavant
uniquement per scrutinium.
Par conséquent, j'établis
que, pour la validité de l'élection du Pontife Romain, sont requis les deux
tiers des suffrages de la totalité des électeurs présents.
Cependant, dans le cas où
le nombre des Cardinaux présents n'est pas divisible en trois parties égales,
un suffrage supplémentaire est requis pour la validité de l'élection du
Souverain Pontife.
63. On
procédera à l'élection immédiatement après qu'aient été achevés les actes dont
il est question au n. 54 de la présente Constitution.
Au cas où cela a été fait
dès l'après-midi du premier jour, il y aura un seul tour de scrutin ; les jours
suivants, si l'élection n'a pas abouti au premier tour du scrutin, il devra y
avoir deux votes, le matin et l'après-midi, en débutant toujours les opérations
de vote à l'heure déjà fixée antérieurement dans les congrégations
préparatoires ou durant la période de l'élection, cependant selon les modalités
établies aux nn. 64 et suivants de la présente Constitution.
64. La
procédure du scrutin se déroule en trois phases dont la première, qui peut
s'appeler pré-scrutin, comprend : 1. la préparation et la distribution des
bulletins de vote par les cérémoniaires qui doivent en donner au moins deux ou
trois à chaque Cardinal électeur ; 2. le tirage au sort, parmi tous les
Cardinaux électeurs, de trois scrutateurs, de trois délégués pour recueillir
les votes des malades, nommés plus brièvement infirmarii, et de trois réviseurs
; ce tirage au sort est fait publiquement par le dernier Cardinal diacre, qui
tire dans l'ordre les neufs noms de ceux qui exerceront ces fonctions ; 3. si,
dans le tirage au sort des scrutateurs, des infirmarii et des réviseurs,
sortent les noms de Cardinaux électeurs qui, pour raison de santé ou pour tout
autre motif, sont empêchés de remplir ces fonctions, on tire au sort à leur
place des noms d'autres Cardinaux non empêchés. Les trois premiers tirés au
sort feront fonction de scrutateurs, les trois suivants d'infirmarii, les trois
derniers de réviseurs.
65. Pour
cette phase du scrutin, il convient d'observer les dispositions suivantes : 1.
le bulletin doit être de forme rectangulaire et, sur la moitié supérieure, il
portera, imprimés si possible, ces mots : Eligo in Summum Pontificem ; la
moitié inférieure comportera un espace libre pour y écrire le nom de l'élu ; le
bulletin sera donc prévu de sorte qu'il puisse être plié en deux ; 2. la
rédaction du bulletin doit être faite de manière secrète par chaque Cardinal
électeur, qui inscrira clairement d'une écriture autant que possible non
reconnaissable, le nom de celui qu'il élit, évitant d'écrire plusieurs noms,
parce que, dans ce cas, le vote serait nul, et pliant et repliant ensuite le
bulletin ; 3. durant les votes, les Cardinaux électeurs devront seuls rester
dans la Chapelle Sixtine, et donc, aussitôt après la distribution des bulletins
et avant que les électeurs commencent à écrire, le Secrétaire du Collège des
Cardinaux, le Maître des Célébrations liturgiques pontificales et les
cérémoniaires devront sortir de la chapelle ; après leur sortie, le dernier des
Cardinaux diacres ferme la porte, l'ouvrant et la fermant toutes les fois que
ce sera nécessaire, comme par exemple lorsque les infirmarii sortiront pour
recueillir les votes des malades et lorsqu'ils reviendront dans la chapelle.
66. La
seconde phase, qui est le scrutin proprement dit, comprend : 1. le dépôt des
bulletins dans l'urne ; 2. le mélange des bulletins et leur décompte ; 3. le
dépouillement des suffrages. Chaque Cardinal électeur, selon l'ordre de
préséance, après avoir écrit et plié son bulletin, le tenant levé de telle
sorte qu'il puisse être vu, le porte à l'autel, près duquel se tiennent les
scrutateurs et sur lequel il y a une urne couverte d'un plateau pour recevoir
les bulletins. Arrivé là, le Cardinal électeur prononce, à haute voix,
le serment selon la formule suivante : Je prends à témoin le Christ Seigneur,
qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir
être élu. Après cela, il dépose son bulletin sur le plateau et, au moyen de
celui-ci, il le met dans l'urne ; ayant fait cela, il s'incline vers l'autel et
regagne sa place.
Si l'un des Cardinaux électeurs, parmi ceux qui sont présents dans la
chapelle, ne peut se rendre à l'autel à cause de sa santé, le dernier des
scrutateurs s'approche de lui ; et cet électeur, après avoir prêté le serment
susdit, remet son bulletin plié à ce scrutateur qui le porte ostensiblement à
l'autel et, sans prononcer le serment, le dépose sur le plateau et, par son
moyen, le met dans l'urne.
67. S'il y a des Cardinaux électeurs malades dans leurs
chambres, selon ce qu'il est dit au n. 41 et suivants de la présente
Constitution, les trois infirmarii se rendent auprès d'eux avec une boîte
portant à sa partie supérieure une fente par où un bulletin de vote plié puisse
être introduit. Avant de remettre cette boîte aux infirmarii, les scrutateurs
l'ouvriront publiquement, en sorte que les autres électeurs puissent constater
qu'elle est vide, puis ils la refermeront et en déposeront la clé sur l'autel.
Ensuite, les infirmarii, avec la boîte fermée et un petit plateau contenant un
nombre suffisant de bulletins, se rendent dûment accompagnés à la Domus Sanctæ
Marthæ auprès de chaque malade qui, ayant pris un bulletin, vote secrètement,
plie le bulletin et, après avoir prêté le serment déjà mentionné, l'introduit
par la fente dans la boîte. Si un malade ne peut pas écrire, un des trois
infirmarii ou un autre Cardinal électeur, désigné par le malade, après avoir,
entre les mains des infirmarii eux-mêmes, prêté serment de garder le secret,
fait ce qui est indiqué ci-dessus. Ceci achevé, les infirmarii reportent dans
la chapelle la boîte, qui sera ouverte par les scrutateurs, après que les
Cardinaux présents auront déposé leur bulletin, en comptant les bulletins qui
s'y trouvent ; après avoir constaté qu'il y a autant de bulletins que le nombre
de malades, ils les poseront un à un sur le plateau et, par son moyen, ils les
mettront tous ensemble dans l'urne. Pour ne pas trop prolonger le scrutin, les
infirmarii pourront remplir leurs propres bulletins et les déposer dans l'urne
aussitôt après le premier des Cardinaux, et se rendre alors auprès des malades pour
recueillir leurs votes, de la manière indiquée ci-dessus, tandis que les autres
électeurs déposent leur bulletin.
68. Lorsque tous les Cardinaux électeurs auront déposé
leur bulletin dans l'urne, le premier scrutateur agitera cette dernière
plusieurs fois pour mélanger les bulletins ; aussitôt après, le dernier des
scrutateurs en fait le compte, prenant ostensiblement, un à un, chaque bulletin
dans l'urne et le déposant dans un vase vide, préparé à cet effet. Si le nombre
des bulletins ne correspond pas au nombre des électeurs, il faut les brûler
tous et procéder aussitôt à un deuxième vote ; au contraire, s'il correspond au
nombre des électeurs, on procède alors au dépouillement de la manière suivante.
69. Les scrutateurs sont assis à une table placée devant
l'autel: le premier d'entre eux prend un bulletin, le déplie, regarde le nom de
l'élu, et le donne au deuxième Scrutateur qui, lisant à son tour le nom de
l'élu, le passe au troisième, lequel le lit à haute et intelligible voix, pour
que tous les électeurs présents puissent noter le suffrage sur une feuille
préparée à cet effet. Il note lui-même le nom lu sur le bulletin. Au cas où, au
cours du dépouillement du scrutin, les scrutateurs trouveraient deux bulletins
pliés de telle sorte qu'ils apparaissent remplis par un seul électeur, ces
bulletins seront tenus pour un seul suffrage s'ils portent l'un et l'autre le
même nom. Si, au contraire, ils portent deux noms différents, aucun des deux
suffrages ne sera valide ; cependant, dans aucun des deux cas le scrutin ne
sera annulé.
Le dépouillement du scrutin
étant achevé, les scrutateurs font la somme des voix obtenues par les divers
noms et les notent sur une feuille séparée. Le dernier des scrutateurs, au fur
et à mesure qu'il lit les bulletins, les perfore avec une aiguille munie d'un
fil à l'endroit où se trouve le mot Eligo, et il enfile ainsi tous les
bulletins afin de les conserver plus sûrement. À la fin de la lecture des noms,
les extrémités du fil sont liées par un noeud et tous les bulletins ainsi
réunis sont placés dans un vase ou sur le coin de la table.
70.
Vient alors la troisième et dernière phase, appelée aussi post-scrutin, qui
comprend : 1. le décompte des voix ; 2. leur vérification ; 3. la combustion
des bulletins.
Les scrutateurs feront le
total des votes obtenus par chacun et, si personne n'a atteint les deux tiers
des suffrages à ce scrutin, le Pape n'a pas été élu ; au contraire, si
quelqu'un a recueilli les deux tiers des voix, il y a élection canoniquement
valide du Pontife Romain.
Dans les deux cas, que
l'élection ait été obtenue ou non, les réviseurs doivent contrôler aussi bien
les bulletins de vote que les relevés des suffrages établis par les
scrutateurs, afin de s'assurer que ces derniers ont accompli leur charge avec
exactitude et fidélité.
Aussitôt après la
vérification, avant que les Cardinaux électeurs ne quittent la Chapelle
Sixtine, tous les bulletins de vote doivent être brûlés par les scrutateurs,
avec l'aide du Secrétaire du Collège et des cérémoniaires, rappelés entre-temps
par le dernier Cardinal diacre. Si toutefois on devait procéder immédiatement à
un deuxième scrutin, les bulletins du premier scrutin seront brûlés seulement à
la fin, en même temps que ceux du deuxième scrutin.
71.
J'ordonne à tous et à chacun des Cardinaux électeurs, afin de sauvegarder plus
sûrement le secret, de remettre au Cardinal Camerlingue ou à un autre des trois
Cardinaux assistants, les notes de quelque genre que ce soit qu'ils auraient
avec eux en relation avec le résultat de chaque scrutin, afin qu'elles soient
brûlées avec les bulletins.
Je décide en outre que, à
la fin de l'élection, le Cardinal Camerlingue de la Sainte Église Romaine
rédigera un compte rendu, qui doit aussi être approuvé par les trois Cardinaux
assistants, indiquant le résultat des votes intervenus au cours de chaque
session. Ce compte rendu sera remis au Pape et sera ensuite conservé
dans le dépôt d'archives approprié, dans une enveloppe scellée qui ne pourra
être ouverte par personne, à moins que le Souverain Pontife ne l'ait permis
expressément.
72. Confirmant les dispositions prises par mes
prédécesseurs, saint Pie X,20 Pie XII21 et Paul VI,22
je prescris que, le matin comme l'après-midi, aussitôt après un scrutin au
cours duquel l'élection n'est pas intervenue, les Cardinaux électeurs
procéderont immédiatement à un deuxième scrutin, dans lequel ils exprimeront à
nouveau leur suffrage. Dans ce deuxième scrutin, on observera les mêmes
formalités que pour le premier, à la différence que les électeurs ne sont pas
tenus de prêter serment à nouveau, ni d'élire de nouveaux scrutateurs,
infirmarii et réviseurs : ce qui a été fait pour le premier scrutin sur ce
point vaut aussi pour le deuxième, sans qu'il soit besoin d'aucune répétition.
73. Tout ce qui a été établi précédemment à propos du
déroulement des opérations de vote doit être observé soigneusement par les
Cardinaux électeurs au cours de tous les scrutins qui devront avoir lieu chaque
jour, le matin et l'après-midi, après la célébration de l'Eucharistie ou après
les prières prévues par l'Ordo rituum Conclavis déjà mentionné.
74. Au
cas où les Cardinaux électeurs auraient des difficultés à s'accorder sur la
personne à élire, alors, après que les scrutins aient eu lieu sans résultat
pendant trois jours selon la forme décrite aux numéros 62 et suivants, les
scrutins sont suspendus pendant un jour au maximum, afin de laisser place à la
prière, à un libre échange entre les votants et à une brève exhortation
spirituelle par le premier des Cardinaux diacres. Puis on reprend les
opérations de vote selon la même procédure et, après sept scrutins, si
l'élection n'est pas intervenue, on fait une autre interruption laissant place
à la prière, à un libre échange et à une exhortation par le premier des
Cardinaux prêtres. On procède ensuite éventuellement à une autre série de sept
scrutins, suivie, si le résultat n'a pas encore été obtenu, par un autre temps
de prière, d'échange et d'exhortation par le premier Cardinal évêque. On
reprend alors les scrutins selon la même procédure, au nombre de sept, si
l'élection n'est pas encore intervenue.
75. S'il
n'y a pas de résultat aux opérations de vote, bien que la procédure ait été
observée comme il est prescrit au numéro précédent, les Cardinaux électeurs
seront invités par le Camerlingue à exprimer leur avis sur la manière de
procéder, et l'on procédera suivant ce que la majorité absolue d'entre eux aura
décidé.
Cependant, on ne pourra
renoncer à la nécessité de parvenir à une élection valide, soit à la majorité
absolue des suffrages, soit par un scrutin portant sur deux noms seulement,
ceux qui, dans le scrutin qui précède immédiatement, ont obtenu le plus grand
nombre de voix, étant également requise dans cette seconde hypothèse la seule
majorité absolue.
76. Si
l'élection était faite d'une manière différente de ce qui est prescrit dans la
présente Constitution ou que les conditions fixées ici n'aient pas été
observées, l'élection est par le fait même nulle et non avenue, sans qu'il y
ait besoin d'aucune déclaration à ce sujet, et, donc, elle ne donne aucun droit
à la personne élue.
77. Je
déclare que les dispositions concernant tout ce qui précède l'élection du
Pontife Romain et son déroulement doivent être observées de manière intégrale,
même si la vacance du Siège apostolique devait se produire par renonciation du
Souverain Pontife, selon la norme du canon 332, § 2 du C.I.C. et du canon 44, §
2 du C.C.E.O.
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