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Pie XII Ad Caeli Reginam IntraText CT - Lecture du Texte |
Comme Nous l'avons
indiqué plus haut, Vénérables Frères, l'argument principal sur lequel se fonde
la dignité royale de Marie, déjà évident dans les textes de la tradition antique
et dans la sainte Liturgie, est sans aucun doute sa maternité divine. Dans les
Livres Saints, en effet, on affirme du Fils qui sera engendré par la Vierge :
" Il sera appelé Fils du Très-Haut et le Seigneur Dieu lui donnera le
trône de David, son père, et il régnera dans la maison de Jacob éternellement
et son règne n'aura pas de fin " ; 40 en outre, Marie est
proclamée " Mère du Seigneur ". 41 Il s'ensuit logiquement
qu'elle-même est Reine, puisqu'elle a donné la vie à un Fils qui, dès l'instant
de sa conception, même comme homme, était, à cause de l'union hypostatique de
la nature humaine avec le Verbe, Roi et Seigneur de toutes choses.
Saint Jean Damascène a
donc raison d'écrire : " Elle est vraiment devenue la Souveraine de toute
la création au moment où elle devint Mère du Créateur " 42 et
l'Archange Gabriel lui-même peut-être appelé le premier héraut de la dignité
royale de Marie.
Cependant la Bienheureuse
Vierge doit être proclamée Reine non seulement à cause de sa maternité divine
mais aussi parce que selon la volonté de Dieu, elle joua. dans l'oeuvre de
notre salut éternel, un rôle des plus éminents. " Quelle pensée plus douce
- écrivait Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie XI - pourrait Nous venir
à l'esprit que celle-ci : le Christ est notre Roi non seulement par droit de
naissance mais aussi par un droit acquis, c'est-à-dire par la Rédemption ? Que
tous les hommes oublieux du prix que nous avons coûté à notre Rédempteur s'en
souviennent : " Vous n'avez pas été rachetés par 1'or ou l'argent qui sont
des biens corruptibles, ... mais par le sang précieux du Christ, Agneau
immaculé et sans tache ". 43 Nous n'appartenons donc plus à
nous-mêmes, parce que c'est " d'un grand prix ", 44 que
" le Christ nous a rachetés ". 45
Dans l'accomplissement de
la Rédemption, la Très Sainte Vierge fut certes étroitement associée au Christ
; aussi chante-t-on à bon droit dans la Sainte Liturgie : " Sainte Marie,
Reine du ciel et maîtresse du monde, brisée de douleur, était debout près de la
Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ ". 46 Et un pieux disciple de
Saint Anselme pouvait écrire au Moyen-âge : " Comme... Dieu, en créant
toutes choses par sa puissance, est Père et Seigneur de tout, ainsi Marie, en
restaurant toutes choses par ses mérites, est la Mère et la Souveraine de tout
: Dieu est Seigneur de toutes choses parce qu'il les a établies dans leur
nature propre par son ordre, et Marie est Souveraine de toutes choses en les
restaurant dans leur dignité originelle par la grâce qu'elle mérita ".
47 En effet " Comme le Christ pour nous avoir rachetés est notre
Seigneur et notre Roi à un titre particulier, ainsi la Bienheureuse Vierge est
aussi notre Reine et Souveraine à cause de la manière unique dont elle
contribua à notre Rédemption, en donnant sa chair à son Fils et en l'offrant
volontairement pour nous, désirant, demandant et procurant notre salut d'une
manière toute spéciale ". 48
De ces prémisses, on peut
tirer l'argument suivant : dans l'oeuvre du salut spirituel, Marie fut, par la
volonté de Dieu, associée au Christ Jésus, principe de salut, et cela d'une
manière semblable à celle dont Ève fut associée à Adam, principe de mort, si
bien que l'on peut dire de notre Rédemption qu'elle s'effectua selon une
certaine " récapitulation " 49 en vertu de laquelle le genre
humain, assujetti à la mort par une vierge, se sauve aussi par l'intermédiaire
d'une vierge ; en outre on peut dire que cette glorieuse Souveraine fut choisie
comme Mère de Dieu précisément " pour être associée à lui dans la
rédemption du genre humain " ; 50 réellement " ce fut elle
qui, exempte de toute faute personnelle ou héréditaire, toujours étroitement
unie à son Fils, l'a offert sur le Golgotha au Père Éternel, sacrifiant en même
temps son amour et ses droits maternels, comme une nouvelle Ève, pour toute la
postérité d'Adam, souillée par sa chute misérable " ; 51 on pourra
donc légitimement en conclure que, comme le Christ, nouvel Adam, est notre Roi
parce qu'il est non seulement Fils de Dieu, mais aussi notre Rédempteur, il est
également permis d'affirmer, par une certaine analogie, que la Sainte Vierge
est Reine, et parce qu'elle est Mère de Dieu et parce que, comme une nouvelle
Ève, elle fut, associée au nouvel Adam.
Sans doute, seul
Jésus-Christ, Dieu et homme, est Roi, au sens plein, propre et absolu du mot ;
Marie, toutefois, participe aussi à sa dignité royale, bien que d'une manière
limitée et analogique, parce qu'elle est la Mère du Christ Dieu et qu'elle est
associée à l'oeuvre du Divin Rédempteur dans sa lutte contre ses ennemis et
dans son triomphe remporté sur eux tous. En effet par cette union avec le
Christ Roi Elle atteint une gloire tellement sublime qu'elle dépasse
l'excellence de toutes les choses créées : de cette même union avec le Christ,
découle la puissance royale qui l'autorise à distribuer les trésors du Royaume
du Divin Rédempteur ; enfin cette même union avec le Christ est source de
l'efficacité inépuisable de son intercession maternelle auprès du Fils et du
Père.
Aucun doute par
conséquent que la Sainte Vierge ne dépasse en dignité toute la création et
n'ait sur tous, après son Fils, la primauté. " Toi enfin - chante Saint
Sophrone - tu as dépassé de loin toute créature. Que peut-il exister de plus
élevé que cette grâce dont toi seule as bénéficié de par la volonté de Dieu ?
" 52 Et Saint Germain va encore plus loin dans la louange : "
Ta dignité te met au dessus de toutes les créatures ; ton excellence te rend
supérieure aux anges ". 53 Saint Jean Damascène ensuite en vient
jusqu'à écrire cette phrase : " La différence entre les serviteurs de Dieu
et sa Mère est infinie ". 54
Pour nous aider à
comprendre la dignité sublime que la Mère de Dieu a atteinte au dessus de
toutes les créatures, nous pouvons considérer que la Sainte Vierge, depuis le
premier instant de sa conception, fut comblée d'une telle abondance de grâces
qu'elle dépassait la grâce de tous les Saints. Aussi - comme l'écrivait Notre
Prédécesseur Pie IX d'heureuse mémoire, dans sa Bulle Ineffabilis Deus - "
bien au dessus de tous les Anges et de tous les Saints ", le Dieu
ineffable " a enrichi Marie avec munificence de tous les dons célestes,
puisés au trésor de la divinité ; aussi, toujours préservée des moindres
souillures du péché, toute belle et parfaite, elle a atteint une telle
plénitude d'innocence et de sainteté qu'on ne peut en imaginer de plus grande
en dessous de Dieu et que jamais personne, sauf Dieu lui-même, ne réussira à la
comprendre ". 55
En outre, la Bienheureuse
Vierge n'a pas seulement réalisé le suprême degré, après le Christ, de
l'excellence et de la perfection mais elle participe aussi en quelque sorte à
l'action par laquelle on dit avec raison que son Fils, notre Rédempteur, règne
sur les esprits et les volontés des hommes. En effet, si le Verbe opère les
miracles et répand la grâce par le moyen de son humanité, s'il se sert des
Sacrements et des Saints comme d'instruments pour le salut des âmes, pourquoi
ne peut-il pas se servir de se Mère très Sainte pour nous distribuer les fruits
de la Rédemption ? Vraiment c'est avec un coeur maternel comme dit encore Notre
Prédécesseur Pie IX - que, traitant l'affaire de notre salut, elle se préoccupe
de tout le genre humain, ayant été établie par le Seigneur Reine du ciel et de
la terre et se trouvant exaltée au dessus de tous les choeurs des Anges et de
tous les Saints du ciel à la droite de son Fils unique, Jésus-Christ Notre Seigneur
: elle obtient audience par la puissance de ses supplications, maternelles,
elle reçoit tout ce qu'elle demande et ne connaît jamais de refus. 56 À
ce propos, un autre de Nos Prédécesseurs, Léon XIII d'heureuse mémoire, déclara
que la Bienheureuse Vierge Marie dispose d'un pouvoir " presque sans
limites " 57 pour concéder des grâces, et Saint Pie X ajoute que
Marie remplit cet office " pour ainsi dire par droit maternel ".
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Que tous les fidèles
chrétiens se glorifient donc d'être soumis a l'empire de la Vierge Mère de Dieu
qui dispose d'un pouvoir royal et brûle d'amour maternel.
Mais en traitant les
questions qui regardent la Sainte Vierge, que les Théologiens et les
Prédicateurs de la parole divine aient soin d'éviter ce qui les ferait dévier
du droit chemin, pour tomber dans une double erreur ; qu'ils se gardent et des
opinions privées de fondement, dont les expressions exagérées dépassent les
limites du vrai, et d'une étroitesse d'esprit excessive quand il s'agit de
cette dignité unique, sublime, et même presque divine de la Mère de Dieu, que
le Docteur Angélique nous enseigne à lui attribuer " à cause du bien
infini qu'est Dieu ". 59
Du reste, sur ce point de
la doctrine chrétienne comme en d'autres, " la norme prochaine et
universelle de la vérité " est, pour tous, le Magistère vivant de l'Église
que le Christ a établi " également pour éclairer et expliquer ce qui, dans
le dépôt de la foi, n'est contenu qu'obscurément et comme implicitement ".
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