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Pie XII
Ad Caeli Reginam

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III

Comme Nous l'avons indiqué plus haut, Vénérables Frères, l'argument principal sur lequel se fonde la dignité royale de Marie, déjà évident dans les textes de la tradition antique et dans la sainte Liturgie, est sans aucun doute sa maternité divine. Dans les Livres Saints, en effet, on affirme du Fils qui sera engendré par la Vierge : " Il sera appelé Fils du Très-Haut et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père, et il régnera dans la maison de Jacob éternellement et son règne n'aura pas de fin " ; 40 en outre, Marie est proclamée " Mère du Seigneur ". 41 Il s'ensuit logiquement qu'elle-même est Reine, puisqu'elle a donné la vie à un Fils qui, dès l'instant de sa conception, même comme homme, était, à cause de l'union hypostatique de la nature humaine avec le Verbe, Roi et Seigneur de toutes choses.
 

Saint Jean Damascène a donc raison d'écrire : " Elle est vraiment devenue la Souveraine de toute la création au moment où elle devint Mère du Créateur " 42 et l'Archange Gabriel lui-même peut-être appelé le premier héraut de la dignité royale de Marie.
 

Cependant la Bienheureuse Vierge doit être proclamée Reine non seulement à cause de sa maternité divine mais aussi parce que selon la volonté de Dieu, elle joua. dans l'oeuvre de notre salut éternel, un rôle des plus éminents. " Quelle pensée plus douce - écrivait Notre Prédécesseur d'heureuse mémoire, Pie XI - pourrait Nous venir à l'esprit que celle-ci : le Christ est notre Roi non seulement par droit de naissance mais aussi par un droit acquis, c'est-à-dire par la Rédemption ? Que tous les hommes oublieux du prix que nous avons coûté à notre Rédempteur s'en souviennent : " Vous n'avez pas été rachetés par 1'or ou l'argent qui sont des biens corruptibles, ... mais par le sang précieux du Christ, Agneau immaculé et sans tache ". 43 Nous n'appartenons donc plus à nous-mêmes, parce que c'est " d'un grand prix ", 44 que " le Christ nous a rachetés ". 45
 

Dans l'accomplissement de la Rédemption, la Très Sainte Vierge fut certes étroitement associée au Christ ; aussi chante-t-on à bon droit dans la Sainte Liturgie : " Sainte Marie, Reine du ciel et maîtresse du monde, brisée de douleur, était debout près de la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ ". 46 Et un pieux disciple de Saint Anselme pouvait écrire au Moyen-âge : " Comme... Dieu, en créant toutes choses par sa puissance, est Père et Seigneur de tout, ainsi Marie, en restaurant toutes choses par ses mérites, est la Mère et la Souveraine de tout : Dieu est Seigneur de toutes choses parce qu'il les a établies dans leur nature propre par son ordre, et Marie est Souveraine de toutes choses en les restaurant dans leur dignité originelle par la grâce qu'elle mérita ". 47 En effet " Comme le Christ pour nous avoir rachetés est notre Seigneur et notre Roi à un titre particulier, ainsi la Bienheureuse Vierge est aussi notre Reine et Souveraine à cause de la manière unique dont elle contribua à notre Rédemption, en donnant sa chair à son Fils et en l'offrant volontairement pour nous, désirant, demandant et procurant notre salut d'une manière toute spéciale ". 48
 

De ces prémisses, on peut tirer l'argument suivant : dans l'oeuvre du salut spirituel, Marie fut, par la volonté de Dieu, associée au Christ Jésus, principe de salut, et cela d'une manière semblable à celle dont Ève fut associée à Adam, principe de mort, si bien que l'on peut dire de notre Rédemption qu'elle s'effectua selon une certaine " récapitulation " 49 en vertu de laquelle le genre humain, assujetti à la mort par une vierge, se sauve aussi par l'intermédiaire d'une vierge ; en outre on peut dire que cette glorieuse Souveraine fut choisie comme Mère de Dieu précisément " pour être associée à lui dans la rédemption du genre humain " ; 50 réellement " ce fut elle qui, exempte de toute faute personnelle ou héréditaire, toujours étroitement unie à son Fils, l'a offert sur le Golgotha au Père Éternel, sacrifiant en même temps son amour et ses droits maternels, comme une nouvelle Ève, pour toute la postérité d'Adam, souillée par sa chute misérable " ; 51 on pourra donc légitimement en conclure que, comme le Christ, nouvel Adam, est notre Roi parce qu'il est non seulement Fils de Dieu, mais aussi notre Rédempteur, il est également permis d'affirmer, par une certaine analogie, que la Sainte Vierge est Reine, et parce qu'elle est Mère de Dieu et parce que, comme une nouvelle Ève, elle fut, associée au nouvel Adam.
 

Sans doute, seul Jésus-Christ, Dieu et homme, est Roi, au sens plein, propre et absolu du mot ; Marie, toutefois, participe aussi à sa dignité royale, bien que d'une manière limitée et analogique, parce qu'elle est la Mère du Christ Dieu et qu'elle est associée à l'oeuvre du Divin Rédempteur dans sa lutte contre ses ennemis et dans son triomphe remporté sur eux tous. En effet par cette union avec le Christ Roi Elle atteint une gloire tellement sublime qu'elle dépasse l'excellence de toutes les choses créées : de cette même union avec le Christ, découle la puissance royale qui l'autorise à distribuer les trésors du Royaume du Divin Rédempteur ; enfin cette même union avec le Christ est source de l'efficacité inépuisable de son intercession maternelle auprès du Fils et du Père.
 

Aucun doute par conséquent que la Sainte Vierge ne dépasse en dignité toute la création et n'ait sur tous, après son Fils, la primauté. " Toi enfin - chante Saint Sophrone - tu as dépassé de loin toute créature. Que peut-il exister de plus élevé que cette grâce dont toi seule as bénéficié de par la volonté de Dieu ? " 52 Et Saint Germain va encore plus loin dans la louange : " Ta dignité te met au dessus de toutes les créatures ; ton excellence te rend supérieure aux anges ". 53 Saint Jean Damascène ensuite en vient jusqu'à écrire cette phrase : " La différence entre les serviteurs de Dieu et sa Mère est infinie ". 54
 

Pour nous aider à comprendre la dignité sublime que la Mère de Dieu a atteinte au dessus de toutes les créatures, nous pouvons considérer que la Sainte Vierge, depuis le premier instant de sa conception, fut comblée d'une telle abondance de grâces qu'elle dépassait la grâce de tous les Saints. Aussi - comme l'écrivait Notre Prédécesseur Pie IX d'heureuse mémoire, dans sa Bulle Ineffabilis Deus - " bien au dessus de tous les Anges et de tous les Saints ", le Dieu ineffable " a enrichi Marie avec munificence de tous les dons célestes, puisés au trésor de la divinité ; aussi, toujours préservée des moindres souillures du péché, toute belle et parfaite, elle a atteint une telle plénitude d'innocence et de sainteté qu'on ne peut en imaginer de plus grande en dessous de Dieu et que jamais personne, sauf Dieu lui-même, ne réussira à la comprendre ". 55
 

En outre, la Bienheureuse Vierge n'a pas seulement réalisé le suprême degré, après le Christ, de l'excellence et de la perfection mais elle participe aussi en quelque sorte à l'action par laquelle on dit avec raison que son Fils, notre Rédempteur, règne sur les esprits et les volontés des hommes. En effet, si le Verbe opère les miracles et répand la grâce par le moyen de son humanité, s'il se sert des Sacrements et des Saints comme d'instruments pour le salut des âmes, pourquoi ne peut-il pas se servir de se Mère très Sainte pour nous distribuer les fruits de la Rédemption ? Vraiment c'est avec un coeur maternel comme dit encore Notre Prédécesseur Pie IX - que, traitant l'affaire de notre salut, elle se préoccupe de tout le genre humain, ayant été établie par le Seigneur Reine du ciel et de la terre et se trouvant exaltée au dessus de tous les choeurs des Anges et de tous les Saints du ciel à la droite de son Fils unique, Jésus-Christ Notre Seigneur : elle obtient audience par la puissance de ses supplications, maternelles, elle reçoit tout ce qu'elle demande et ne connaît jamais de refus. 56 À ce propos, un autre de Nos Prédécesseurs, Léon XIII d'heureuse mémoire, déclara que la Bienheureuse Vierge Marie dispose d'un pouvoir " presque sans limites " 57 pour concéder des grâces, et Saint Pie X ajoute que Marie remplit cet office " pour ainsi dire par droit maternel ". 58
 

Que tous les fidèles chrétiens se glorifient donc d'être soumis a l'empire de la Vierge Mère de Dieu qui dispose d'un pouvoir royal et brûle d'amour maternel.
 

Mais en traitant les questions qui regardent la Sainte Vierge, que les Théologiens et les Prédicateurs de la parole divine aient soin d'éviter ce qui les ferait dévier du droit chemin, pour tomber dans une double erreur ; qu'ils se gardent et des opinions privées de fondement, dont les expressions exagérées dépassent les limites du vrai, et d'une étroitesse d'esprit excessive quand il s'agit de cette dignité unique, sublime, et même presque divine de la Mère de Dieu, que le Docteur Angélique nous enseigne à lui attribuer " à cause du bien infini qu'est Dieu ". 59
 

Du reste, sur ce point de la doctrine chrétienne comme en d'autres, " la norme prochaine et universelle de la vérité " est, pour tous, le Magistère vivant de l'Église que le Christ a établi " également pour éclairer et expliquer ce qui, dans le dépôt de la foi, n'est contenu qu'obscurément et comme implicitement ". 60
 
 
 




40 LUC. I, 32, 33.



41 Ibid. I, 43.



42 S. IOANNES DAMASCENUS, De fide orthodoxa, l. IV, c. 14, P. G. XCIV, 1158 s. B.



43 I Petr. I, 18, 19.



44 I Cor. VI, 20.



45 PIUS XI, Litt. Enc. Quas primas : A. A. S. XVII, 1925, p. 599.



46 Festum septem dolorum B. Mariae Virg., Tractus.



47 EADMERUS, De excellentia Virginis Mariae, c. 11 : P. L. CLIX, 508 A B.



48 F. SUAREZ, De mysteriis vitae Christi, disp. XXII, sect. II (ed. Vivès, XIX, 327).



49 S. IRENAEUS, Adv. haer., V, 19, 1 : P. G. VII, 1175 B.



50 PIUS XI, Epist. Auspicatus profecio : A. A. S. XXV, 1933, p. 80.



51 PIUS XII, Litt. Enc. Mystici Corporis : A. A. S. XXXV, 1943, p. 247.



52 S. SOPHRONIUS, In Annuntiationem Beatae Mariae Virg. : P. G. LXXXVII, 3238 D ; 3242 A.



53 S. GERMANUS, Hom. II in Dormitionem Beatae Mariae Virginis : P. G. XCVIII, 354 B.



54 S. IOANNES DAMASCENUS, Hom. I in Dormitionem Beatae Mariae Virginis : P. G. XCVI, 715 A.



55 PIUS IX, Bulla Ineffabilis Deus : Acta Pii IX, I, p. 597-598.



56 Ibid. p. 618.



57 LEO XIII, Litt. Enc. Adiutricem populi : A. S. S., XXVIII, 1895-1896, p.130.



58 PIUS X, Litt. Enc. Ad diem illum : A. S. S., XXXVI, 1903-1904, p. 455.



59 S. THOMAS, Summa Theol., I, q. 25, a. 6, ad 4.



60 PIUS XII, Litt. Enc. Humani generis : A. A. S., XLII, 1950, p. 569.






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