Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText
Eugène Asse
Jules de Rességuier

IntraText CT - Lecture du Texte

  • [1ère partie]
    • III
Précédent - Suivant

Cliquer ici pour désactiver les liens aux concordances

III

Etabli à Paris vers la fin de 1822, Jules de Rességuier ne devait le quitter qu'en 1840 ou 1842. Ces quelque vingt années vécues en plein mouvement littéraire, furent celles aussi où il publia le plus, sans dépasser cependant la mesure qui convenait à son talent rebelle aux producteurs hâtives. Et d'abord, à la Muse Française sa collaboration devint plus active. Dans le second volume de cette revue (1824), on trouve de lui trois pièces de vers de tons très variés, mais toutes très remarquables :

    Le Punch, ode., p. 4041, en strophes de 8 vers de 7 pieds.
    L'Étoile, p. 216 :
        Déjà de feux brillants tout le ciel étincelle.
    Élégie, p. 269-2670 :
        Jeune vierge, vers vous quel intérêt m'attire ?

En prose, il y inséra un intéressant article de critique littéraire, sur les «Poèmes et Chants», par M. Alexandre Guiraud, 1 vol. in-12, chez Boulland, rue du Battoir, 12, et chez Ladvocat, Palais-Royal».

La Muse Française ayant cessé de paraître cette année même, ce fut aux Annales romantiques qu'il passa comme la plupart des amis de Victor Hugo. Nous trouvons son nom dans le volume de 1825.

L'année suivante (1826), parut chez Tastu le Convoi d'Isabeau de Bavière, in-8, de 8 pages, le plus long poème qu'il eût encore composé.

Deux ans plus tard, il publia son premier recueil poétique, annoncé dans la Bibliographie de la France, du 5 janvier, 105 :

  Tableaux poétiques, | par | le Cte Jules de Rességuier, | Paris, | Urbain Canel, | rue Saint-Germain-des-Prés, 9, | 1828, in-8°. 26
  Imprimerie de Balzac. Prix : 6 francs.

2 ff. n.ch. pour le titre et le faux titre, dont le verso porte : Imprimerie de H. Balzac, rue des Marais S. G., 17. Plus 255 pp. ch. y compris la table. Avec deux gravures en taille douce, hors texte : La Bayadère, Ondine, placées, la première, en face le titre, la seconde en face la p. 15 ; l'une et l'autre signées : Le Vte de Senonnes, delt ; Ad. Godefroy, sculpt. Le titre est orné d'un fleuron (une couronne de laurier). - L'impression en est fort belle, les caractères très nets. Chaque pièce est précédée d'un faux titre, dont le verso porte une épigraphe ; et en général terrminée par un cul-de-lampe représentant une rose ou une tête d'ange.

La même année avaient paru : le Voyage en Grèce, de Pierre Lebrun ; les Etudes françaises et étrangères, d'Émile Deschamps ; le Napoléon en Égypte, de Barthelémy et Méry ; le Dernier jour de Pompéï, de Delphine Gay.

Ce recueil comprend quarante pièces, disposées dans l'ordre suivant :

    A Alex. Soumet, vers de 12 pieds. Épigraphe :
        C'est pour la vérité que Dieu fit le génie.
            A. DE LAMARTINE.

    Ondine, vers de 12, de 10 et de 8 pieds. Épigr. :
        Pour achever de vivre elle attendait l'amour.

    Le Voile, vers de 12 et de 6 pieds. Épigr. :
        O qui que vous soyez, ou mortelle ou déesse,
        Si l'Olympe vous compte au rang des immortels,
        Voyez un suppliant embrasser vos autels !
        Prêtez à mon malheur votre divin auspice ;
        O qui que vous soyez, devenez-moi propice.
            PICHALD.

    Le Convoi d'Isabeau de Bavière, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Ah ! de tous les malheurs, le crime est le plus grand ;
        Le crime dont l'aspect t'irrite et t'importune,
        A besoin de pitié plus qu'une autre infortune !
            ALEX. SOUMET.

Paru d'abord séparément, Paris, Tastu, 1826.

    L'Étoile, vers de 12 pieds. Épigr. :
        J'ai toujours trouvé que le ciel avait une véritable physionomie
        tantôt paternelle, tantôt irritée, et ce soir il condamnait notre amour.
            Mme DE STAEL.

Paru d'abord dans la Muse française, t. II (1824), p. 216.

    Le Charme, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Il est des jours de paix, d'ivresse et de mystère,
        Où tout le coeur savoure un charme involontaire.
            VICTOR HUGO.

    La Jeunesse, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Je fus ingrate envers la Providence en n'étant pas heureuse.
            Mme la Desse DE DURAS.

    Le Bal, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Et ne vous faites pas illusion, Monsieur : si l'on vous voit venir
        avec plaisir au bal, c'est que vous faites partie du bal, et que vous
        êtes par conséquent une fraction de sa nouvelle conquête.
            Le Cte XAVIER DE MAISTRE.

    Delphine. A Mlle Delphine Gay, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Une grâce enivrante à sa beauté se mêle,
        Et ses chants inspirés sont gracieux comme elle.
        Déjà d'une couronne ornant ses blonds cheveux,
        Son jeune et beau génie a fait plus que nos voeux.
            BELMONTET.

    Delphine à la coupole de Sainte-Geneviève. Vers de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        Un céleste pouvoir secondait mes efforts ;
        Le Seigneur m'inspirait ; sa divine lumière
        Embrasait de ses feux mon âme toute entière.
            Mlle DELPHINE GAY.

Avec cette note :
Mlle Delphine Gay a récité les beaux vers de son hymne à Saint Geneviève, sous le dôme même où les chefs-d'oeuvre de M. Gros retracent les principales époques de la Monarchie.

    La Source des Montagnes. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Des chênes ébranlés mutilant les racines,
        Puissent les noires torrens, dont le cours inégal
        Dans un lit de gravier gronde au pied des collines,
        Ne jamais obscurcir ton paisible cristal.
            CASIMIR DELAVIGNE.

    Le Pèlerin, imité de Walter Scott. Vers de 12 et de 10 pieds. Épigr. :
        Tel est des livres saints l'enseignement suprême ;
        Qu'un ange suit le pauvre et veille sur ses pas.
        Qu'un refus est là-haut puni comme un blasphème ;
        Qu'un cri de faim maudit tous ceux qu'il n'émeut pas.
            ALEX. GUIRAUD.

Paru d'abord dans les Annales de la Littérature et des Arts, 1822, t. III, p. 11-12.

    Le Passé. Strophes de 8 vers de 10 pieds. Épigr. :
        Je regarde à présent la vie
        Comme un lieu que j'aurais quitté.
            Mme DESBORDES VALMORE.

    L'Infidèle. Strophes de 4 vers, de 12 pieds. Épigr. :
        Et ne le vois-tu pas, dans son ennui mortel,
        Accablé de succès, de faveurs méprisées,
        Changeant sans cesse et d'idole et d'autel,
        Succomber sous le poids de ses chaînes brisées.
            Mme SOPHIE GAY.

    La Bayadère. A Émile Deschamps. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Le mérite en repos s'endort dans la paresse.
            BOILEAU.

    La Fête. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Voudrait-on chanter vos louanges ?
        Autant vouloir flatter des anges :
        La lyre humaine n'y peut rien.
        Sur la terre, mal célébrée,
        Contentez-vous d'être adorée,
        Et, pour cela, vous l'êtes bien.
            EMILE DESCHAMPS.

    Les Troubles. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Un songe, un rien, tout lui fait peur.
            LA FONTAINE.

    L'Odalisque. Strophes irrégulières de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        Déïphère, trop émue pour goûter les douceurs du sommeil, était
        assise près d'une fenêtre à grillage d'or ; et s'accompagnait avec le
        psaltérion, elle chantait cette Casside sur le mode Nava, dont on se
        sert en Asie pour pleurer l'absence des amans.
            MARCHANGY.

Paru d'abord dans la Muse Française (1er août 1823, t. I, p. 85-87), puis dans les Annales Romantiques de 1825, p. 257, avec cette note : «Cette élégie est tirée de la Gaule Poétique.

    Le Schall. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Le schall qui est en même temps si antique et si propre à être
        dessiné de tant de manières, drape, voile, cache tour à tour la beauté
        et se prête aux plus séduisantes expressions.
            Mme DE KRUDNER.

    L'Amour. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        ...................... Et, faibles que nous sommes,
        C'est toujours cet amour qui tourmente les hommes.
            ANDRÉ CHÉNIER.

    Le Souvenir. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Je n'aime entre les jours que ceux qui sont passés.
            A.-S. SAINT-VALRY

    Sa Fuite. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Et j'ai vu fuir la paix de mon âme charmée,
        Et les plaisirs si purs, et leur coupe embaumée
            Mme A..... D.....

    Clémence Isaure.. Strophes de 4 vers, de 12 pieds. Épigr. :
        Son suffrage est la gloire ! Et même l'on prétend
        Que du gai troubadour secondant le délire,
        Parfois sa jeune main a fait vibrer la lyre.
            ANCELOT.

Paru dans les Annales de 1822, t. VII, p. 406-407.

    Le Secret. Strophes de vers de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        ...................................Quel bonheur peut valoir
        Le charme d'ignorer ce qu'on cherche à savoir.
            JULES LEFÊVRE.

    La Crainte. Strophes de 5 vers, de 8 pieds. Épigr. :
        Son coeur n'ose sentir, ni son âme penser.
            BRIFAUT.

    L'Empressement. Strophes de 8 vers, de 8 et de 4 pieds. Épigr. :
        Heureux de ses regards, heureux d'être auprès d'elle !...
            DUCIS.

    La Promenade du soir. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Ma la lune se lève, et de son char d'opale
        Sur ses charmes trahis verse un jour doux et pâle.
            F.-A. PARSEVAL.

    Invocation. Strophes irrégulières, vers de 12 pieds. Épigr. :
        Un jour pour le bonheur j'ai cru que j'étais .
            G. DE PONS.

    La Villageoise. Strophes de 8 vers, de 8 pieds. Épigr. :
        Oui, cette pauvreté, si vile aux yeux du monde,
        Est si chère à mon coeur, que je ne voudrais pas
        L'échanger pour le sceptre et l'or des potentats.
            BAOUR-LORMIAN.

    Le Pêcheur. Strophes de 8 vers, de 8 et de 12 pieds. Épigr. :
        Ah ! qu'importe le sort, si ta main caressante
        S'appuie au gouvernail de ma nef inconstante.
            Mme TASTU.

    La Mort d'une Fille de Village. Strophes irrégulières, de 12 pieds et de 8 pieds. Épigr. :
        Elle tomba ; le prêtre, au sein d'un noir asile,
        Emporte, belle encore, la dépouille immobile.
            H. DE LATOUCHE.

    La Consolation d'une Mère. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        Oh ! comme avec orgueil ton regard enchanté
        Voit sa beauté naissante éclipser ta beauté.
            MILLEVOYE.

Ce fut d'abord dans les Annales, t. III, p. 268, et dans l'Almanach des Dames de 1822, que parût «cette élégie, si touchante et si gracieuse», comme écrivait Victor Hugo à l'auteur.

    L'Adolescence. Strophes de 8 vers, de 8 pieds. Épigr. :
        Elle était à cet âge, où le coeur sans alarmes
        Au doux besoin d'aimer s'abandonne aisément ;
        A cet âge où l'amour est un enchantement.
            ED. MENNECHET.

    La Fille de la Légion d'honneur. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        De tous les monuments élevés pour immortaliser la gloire du règne de Louis XIV,
        les deux édifices pieux et augustes où la valeur d'un côté,
        et la noblesse du sexe de l'autre, trouvèrent jusqu'à la fin des ressources sûres et publiques,
        sont les titres qui lui répondent le plus des éloges et des actions de grâce de la postérité.
            MASSILLON.

    La Croix d'or. Strophes de 8 vers, de 8 pieds. Épigr. :
        Belle sans ornement............
            RACINE.

    Le Punch. Strophes irrégulières, de 12, de 8, et de 6 pieds. Épigr. :
        ..... La journée du lendemain ramenait les mêmes choses,
        et nous la regardions encore comme un bienfait.
            Le Cte DE FORBIN.

Paru d'abord dans la Muse Française, t. II (1824), p. 40-41.

    L'Abeille et les Mouches. Vers de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        Si l'homme qui n'a pas d'éducation n'est pas laborieux,
        s'il mène une vie oisive, il est bien difficile qu'il soit vertueux.
            Mme la Cesse DE GENLIS.

En note :
Cette pièce fait partie du Recueil de fables russes publié par le comte Orloff.

    La Dernière Espérance. Vers de 12 et de 8 pieds. Épigr. :
        Dites-moi, dites-moi surtout, si son âme est dépouillée,
        dans sa nouvelle vie, de tous les souvenirs de sa vie passée, si elle pense toujours à moi,
        et si quand je prononce son nom, ma plainte va jusqu'à son coeur.
            CH. NODIER.

    La Harpe de Glorvina. Strophes irrégulières, de 12, de 10 et de 8 pieds. Épigr. :
        C'est la religion qui fait gémir, au milieu de la nuit,
        la vestale sous ses dômes tranquilles, c'est la religion qui chante si doucement au bord du lit de l'infortuné.
            CHATEAUBRIAND.

Paru d'abord dans le Conservateur littéraire, t. III, 28e livr. (1821), avec la note citée plus haut :

    A ***. Vers de 12 pieds. Épigr. :
        C'est une femme, un ange à la forme charmante ;
        Car ce peuple d'Esprits, cette famille aimante,
        Qui pour nous, près de nous, prie et veille toujours,
        Unit sa pure essence en de saintes amours.
            ALFRED DE VIGNY.

Beaucoup de pièces de ce premier recueil sont des élégies, et leur ensemble forme comme un roman d'amour : telles, la Fête, les Troubles, le Schall, l'Amour, le Souvenir, Sa Fuite, le Secret, l'Empressement, la Promenade du soir, Invocation, l'Adolescence. Ainsi, pendant une absence, à l'anniversaire de la fête de celle qu'il aime, voici les voeux qu'il forme :

    Je ne sais pas vouloir qu'on t'aime davantage...
    Mais je voudrais, le soir, quand tes pas adorés
    Volent sur les parquets de nos salons dorés,
    Quand la foule est ravie, autour de toi pressée,
    Je voudrais être, alors, présent à ta pensée ;
    Quand tes beaux yeux sont clos sous un sommeil léger,
    A tes songes heureux n'être pas étranger.
    Quand le soleil couchant dans les flots étincelle,
    Je voudrais, sur mon lac, conduire ta nacelle ;
    Que ton voile essuyât les pleurs des saules verts,
    Et que ta voix se plût à répéter mes vers.

Ces voeux furent exaucés, car dans une autre pièce, c'est en rappelant le passé et ses doux souvenirs que le poète trace le tableau du lac où il promenait ses amours «en tresses blondes». La partie décoratives de ces vers a beaucoup vieilli ; l'écharpe, les tresses, et tout ce costume des élégantes de la Restauration, nous les gâtent un peu ; mais ils ont de l'harmonie, et on y sent au fond un sentiment vrai.

    C'est là qu'avec ses chants, ses magiques paroles
    Un ange descendit sur nos blanches gondoles ;
    Et depuis, ô mon lac, couché sur vos roseaux,
    J'écoute avec amour le doux bruit de vos eaux ;
    Car sous les pleurs du saule, au miroir de vos ondes,
    J'ai vu légèrement jouer ses tresses blondes ;
    De nos coeurs, de vos flots nous suivions les penchants,
    Et votre écho fidèle a répété ses chants.
    Son écharpe d'azur flottant avec ma voile ;....
    Mais ses cheveux flottans, son écharpe légère,
    Elle a tout emporté sur la rive étrangère :
    Elle a tout emporté ! Non, non ; et sur ces bords
    Les vents ont retenu ses magiqués accords.
    Le doux parfum des fleurs à nos sens la rappelle,
    Et l'air que l'on respire a quelque chose d'elle 27.

Ces amours nous paraissent avoir eu pour théâtre, les vallées des Pyrénées, avec leurs hauts sommets à l'horizon, aux environs de Bagnères-de-Bigorre.

Cette gracieuse figure «aux blondes tresses» s'enveloppait d'un châle dont le tissu léger semblait plutôt un nuage laissant entrevoir la déesse, qu'un vulgaire vêtement. Le châle jouait un grand rôle alors dans l'élégance féminine :

    De ton corps élégant pour marquer les contours,
    Les bergères, le soir, en chantant leurs amours
    Forment légèrement ces tissus que Barèges
    Colore dans ses fleurs et blanchit dans ses neiges...
    Lorsque tu pars voilée et prends ton jeune essor,
    Tes grâces sous ton schall te trahissent encor...
    De peur que trop d'éclat n'éblouisse mes yeux,
    J'aime qu'un doux nuage obscurcisse les cieux ;
    J'aime que le lin pur et les gazes modestes
    Amortissent le feu de tes regards célestes ;
    Que les mobiles plis des légers vêtements
    Dessinent tous tes pas et tous tes mouvements ;
    Et que tes traits divins, se cachant à la terre,
    Soient, ainsi que ton coeur, un étonnant mystère 28.

Ces sentiments, à la fois très passionnés et très éthérés, ces écharpes, ces gazes, ces ceintures, ce décor de lacs, de saules pleureurs, d'aube emperlée, de clair de lune : tout cela constituait l'amour romantique, tel que nous le voyons exprimé par les poètes, représenté par les peintres et les dessinateurs de l'époque, les Devéria, les Wattier, les Johannot, les Célestin Nanteuil. Et les écrivains, qui s'en formaient ainsi l'idéal, s'efforçaient de le réaliser dans leur vie. La dédicace en vers qu'Alexandre Dumas mit, après coup, à son fameux drame romantique Antony, est l'une des plus brûlantes expressions de la passion ainsi conçue et ainsi pratiquée. Le type féminin de cet idéal était, à ce moment même, de 1823 à 1828, la belle, la blonde, la céleste Delphine Gay. Et l'on ne peut s'empêcher de penser à elle, en lisant les vers élégiaques, amoureux de Jules de Rességuier. Pour dire toute notre pensée, nous avons quelques raisons de croire que Delphine Gay fut, à cette époque, la muse inspiratrice de notre poète, que plus d'une de ses pièces, sinon toutes, lui sont tacitement dédiées. N'oublions pas qu'une de ses premières oeuvres avait été consacrée à célébrer ce grand jour (21 avril 1825) où, sous la coupole du monument de Soufflot, au milieu du monde officiel et des représentants les plus illustres des Lettres et des Arts, Mlle Delphine Gay avait récité son Hymne à Sainte Geneviève ; et qu'avant cela même, il avait chanté la femme, autant en amoureux qu'en poète :

    Et l'on peindrait plutôt les doux rayons des cieux
    Que les rayons plus doux qui tombent de ses yeux...
    Son âme est un secret d'amour et d'harmonie ;
    Son esprit vif et prompt a l'élan du génie ;
    Elle comprend la gloire, elle aime son danger...
    De la terre et des cieux c'est un divin mélange ;
    Tantôt comme la femme, et tantôt comme l'ange,
    Elle peut soutenir le vif éclat des cieux ;
    Et nos faibles regards lui font baisser les yeux.
    Voyageuse ici-bas, céleste passagère,
    Elle n'a de nos maux qu'une atteinte légère ;
    Comme une douce pluie aux beaux jours du printemps,
    Les pleurs dans ses beaux yeux ne restent pas longtemps.
    Elle chante... 29

En 1823, Mme Desbordes-Valmore avait fait un séjour dans le Midi, à Bordeaux en particulier, poussé peut-être jusqu'au pied des Pyrénées. Jules de Rességuier dut se rencontrer avec elle, et l'entretenir de Mme Sophie Gay et de sa fille Delphine, dont on parlait beaucoup alors, et avec lesquelles elle était en correspondance. Jules de Rességuier les fréquenta certainement à Paris, quand il écrivait les vers qu'on vient de lire, et assistait à la fête de Sainte Geneviève (1825). Plus tard, en 1826 et 1827, Delphine et sa mère visitèrent la Suisse, l'Italie, séjournèrent à Florence, à Rome, à Naples. Sans rien affirmer, ne peut-on pas penser que cette absence a inspiré les vers que nous avons cités plus haut.

    Elle a tout emporté sur la rive étrangère
    ....................................................

Et cette image du golfe de Naples qui termine cette pièce :

    Ainsi quand Parthénope, aux heures du repos,
    Voit briller et courir, sur la mer azurée,
    La barque du pêcheur, sa nacelle dorée,
    Avec ses verts festons, ses mobiles drapeaux,
    L'oeil suit le mât longtemps sur l'humide étendue ;
    Et lorsqu'à l'horizon la nacelle est perdue,
    On voit encor les fleurs qui retombent dans l'air,
    Et le rayon brillant qui sillonne la mer 30.

Cependant nous aurions scrupule d'insister plus longtemps sur ces impressions, et de donner pour une réalité ce qui pourrait bien n'être qu'une imagination née de simples rapprochements littéraires. Nous aimons mieux nous en tenir à cette image de l'amour dans le mariage, que nous offrent les plus belles et les plus nombreuses poésies de Jules de Rességuier, quitte à mettre sur le compte des licences poétiques permises les vers où il a célébré tour à tour la brune et la blonde :

    Allons, rassurez-vous, j'oublierai vos appas,
    Vos grâces, vos yeux noirs, vos longs cheveux d'ébène,
    Ou, sans les oublier, je n'en parlerai pas 31.




26 Bibl. Nat., Invent,, Ye, 3241. Reliure aux armes du duc d'Orléans. L. P. couronné sur le dos. La même année ( 1477), parut une 2e édition, mais qui n'était que le reste des exemplaires de la 1re avec de nouveaux titre et faux-titre.


27 Le Souvenir.


28 Le Schall.


29 Delphine.


30 Le Souvenir.


31 La Consolation d'une mère.





Précédent - Suivant

Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText

Best viewed with any browser at 800x600 or 768x1024 on Tablet PC
IntraText® (V89) - Some rights reserved by EuloTech SRL - 1996-2007. Content in this page is licensed under a Creative Commons License