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Eugène Asse
Jules de Rességuier

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IX

Sur son lit de mort Jules de Rességuier avait semblé d'abord vouloir donner aux siens quelques instructions touchant les manuscrits qu'il laissait non publiés, mais il s'était brusquement arrêté, ajoutant : «Non, non, il vaut mieux qu'il en soit ainsi». La modestie du poète et le détachement du chrétien lui avaient imposé silence. Les siens, cependant, - et ils ont eu raison - ont publié deux ans après sa mort, en 1864, un recueil posthume sous ce titre :

Dernières | Poésies | du | comte Jules de Rességuier. | Toulouse | Imprimerie de A. Chauvin | rue Mirepoix, 3. | 1864, in-8.

8 pp. pour le faux-titre, le titre et la préface, et 203 pp. chiff.. dont 3 pour la table. Couverture imp., encadrement à double filet, papier glacé gris perle 49.

Voici une partie de la Préface que l'on peut supposer écrite par sa famille, bien qu'elle ne soit pas signée :

«Nous croyons les dernières poésies du comte Jules de Rességuier supérieures à celles dont la publication, déjà ancienne, a jeté sur son nom un éclat littéraire qui se rattache au grand mouvement intellectuel des trente premières années de ce siècle.
L'éloignement de Paris, la retraite au sein des jouissances et des devoirs du foyer domestique, l'âge lui-même, n'ont amoindri ni la sensibilité du poète, ni la délicatesse de l'artiste, ni le tact de l'homme du monde. Ces qualités originales et caractéristiques de son talent se sont, au contraire, développées et affermies, en s'imprégnant de plus en plus de la couleur religieuse et de l'élément chrétien, qui n'ont fait défaut à aucune des compositions de sa jeunesse.
Malgré quelques légères imperfections que l'auteur, plus exigeant en cela que qui que ce soit, avait le projet de faire disparaître, ce recueil posthume nous semble très digne de prendre place à côté des oeuvres poétiques les plus achevées. Ce n'est pas cependant tout à fait au public que nous le destinons. Nous ne le faisons, quant à présent, imprimer qu'à un très petit nombre d'exemplaires, et seulement pour quelques amis qui ont bien voulu le réclamer.
... Nous ne voulons, en ce moment du moins, confier cette chère mémoire qu'à ceux qui s'associent au culte que nous lui rendons, et qui ont aimé et apprécié l'ami plus encore qu'ils n'ont admiré le poète.

Sauveterre, janvier 1864.

Ce recueil se compose de 58 pièces de vers de formes et de mètres variés. Aucune ne porte d'épigraphe. Sous le titre général de Médaillons : Physionomies et caractères de femmes, (douze, pp. 53-87), il nous offre un modèle peut-être unique de poésie à la fois mondaine et religieuse. Une certaine quantité de pièces, comme le Chien d'Orio, le Maréchal de Boucicaut, Charles-Quint au couvent de Saint-Just, Déclaration d'Henri V d'Angleterre à Catherine (Shakspeare), Un mot sur Shakspeare et une scène du «Marchand de Venise», Une Fille de roi, le Vieux roi, A Viva, Au bord de la mer, sont assez fortement empreintes de romantisme, et doivent remonter à des dates plus anciennes ; mais le plus grand nombre sont des tableaux très fins, très émus, de la vie intime, des anciennes amitiés ; parmi ces dernières, nous citerons : A M. de L[amartine], à l'occasion de la Chute d'un Ange (1838) ; Saint-James, le pavillon Beauchesne, qu'il faudra consulter sur ce poète trop oublié, ou plutôt que l'historien de Louis XVII a rejeté dans l'ombre ; le Cloître de Villemartin, où il chante cette création champêtre d'Alexandre Guiraud, qui y écrivit son dernier poëme en lui en donnant le nom ; Le R. P. Lacordaire, souvenir des dernières conférences prêchées à Toulouse par le grand Dominicain. Nous avons fait connaître les pièces de ce recueil où il a célébré sa demeure ancestrale de Sauveterre (Notre maison, la Nouvelle maison), et la vieille servante Sophie. En finissant, nous citerons encore ces vers, si pleins de hautes et religieuses pensées, de la pièce, Ah ! ne nous plaignons pas :

    Sitôt que vient sur nous la souffrance avec l'âge,
    Au pays, mot charmant qui promet la santé,
    Dans le petit vallon, près du petit village,
    Si l'ont peut voir fleurir l'arbre qu'on a planté ;
 
    Si l'on peut moissonner, sans en compter le nombre,
    Des fleurs à chaque pas sur le bord du chemin ;
    Si l'on peut à midi goûter le frais, sous l'ombre
        D'un bois qu'on sema de sa main ;
    Si l'on voit s'élever à la taille des hommes,
    Des enfants adorés qui font tout notre orgueil
    .....................................................
    Ah ! ne nous plaignons pas, quand de la jeune fête
    Tous les élans joyeux sont pour d'autres que nous ;
    Ah ! ne nous plaignons pas, quand ils lèvent la tête,
    Tandis que notre front penche vers nos genoux.
    .....................................................
    Ce n'est plus le printemps ni la terre émaillée
    De toutes les couleurs de la jeune saison ;
    C'est l'automne, et la terre à demi dépouillée
    Ouvrant à nos regards un plus vaste horizon,
    Lorsque novembre vient, et de son souffle cueille
    Les branches et les fleurs, les parfums et le miel,
    A travers les rameaux de l'arbre qui s'effeuille,
        On voit mieux les rayons du ciel.

Cette dernière pensée, si belle, a été reprise par Victor de Laprade dans une pièce de vers de ses Symphonies, qu'elle a rendue célèbre : Feuilles, tombez.

Sans pouvoir le compter parmi les grands poètes de la France, qui ont laissé dans le champ de la poésie un puissant sillon, Jules de Rességuier est un de ceux qui ont eu leur originalité propre, qui sont les représentants d'un genre. Jules de Rességuier fut le poète du foyer élégant. Cette poésie qui en Angleterre a été depuis brillamment cultivée par Coventry Patmore, n'aurait pas eu sans Rességuier de représentant en France. C'est en quelque sorte un Sainte-Beuve aristocratique, un Sainte-Beuve élégant, religieux aussi, ce que ne fut en aucune façon l'auteur des Poésies de Joseph Delorme. Ce domaine, Jules de Rességuier le fit sien, et il brille encore d'assez de beautés pour que les Lettres françaises conservent sa mémoire 50.

 




49 Bibl. de l'Arsenal, Poésie, 2839. - A l'occasion de ce volume, le Bulletin du Bibliophile publia un article nécrologique et critique du prince Augustin Galitzim sur Jules de Rességuier, 1864, p. 1102.


50 Au cours de la publication de cette étude, nous avons recueilli quelques renseignements nouveaux, que nous donnons ici, et qu'il sera facile de reporter aux passages correspondants :
Delphine Gay, a donné pour épigraphe à son élégie : L'une ou l'autre, ce vers de Jules de Rességuier : Pour le malheur d'un autre on manque de courage.
Une note des Euménides, Paris, 1840, d'Edouard d'Anglemont, nous apprend qu'à cette époque, Jules de Rességuier était propriétaire du château du Marais, près d'Argenteuil, où était mort le marquis de Mirabeau, l'Ami des hommes, père du célèbre tribun, p. 263.
On lit dans la préface, vrai manifeste littéraire, qu'Emile Deschamps a placée en tête de ses Etudes françaises et étrangères, Paris, Urbain Canel, 1828, in-8, imprimerie de Goetschy, LXI et 319 pp. : "Si j'ai intercalé dans ce recueil des poésies toutes modernes, quelques extraits d'une traduction inédite des Odes d'Horace, malgré l'espèce de bigarrure qui en résulte, c'est que M. Jules de Rességuier me l'a demandé dans une de ses plus charmantes pièces de ses Tableaux poétiques, LA BAYADÈRE, composition pleine d'harmonie, de couleur et de nouveauté : on concevra qu'il m'était plus aisé de lui obéir que de lui répondre."






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