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Eugène Asse
Jules de Rességuier

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VII

Almaria n'eut pas un succès assez grand pour engager plus avant Jules de Rességuier dans la voie du roman : il revint aux vers, qui étaient vraiment sa langue et à quelques collaborations dans des revues ou dans des publications collectives. Aux Annales romantiques, il donne, en 1836, l'Amour d'une femme ; des vers encore aux Annales de la Littérature et des Arts ; Tours et Tourelles, au Livre de Cent et un (1833, t. XV, p. 305) ; le Marchand de Venise, aux Femmes de Shakspeare ; de nombreux articles au Journal des Jeunes Personnes ; au Livre des Conteurs (Paris, Allardin, 1832) ; à La Mode ; aux Souvenirs du vieux Paris (1835) ; aux Français peints par eux-mêmes (1840-1842).

Enfin, en 1838, parut son oeuvre poétique la plus considérable avec les Tableaux poétiques. Elle fut annoncée dans la Bibliographie de la France du 10 février, n° 699.

Les | Prismes poétiques | par | le comte Jules de Rességuier. | Paris | Allardin, libraire, quai de l'Horloge, 57. | 1838, in-8°. Prix : 8 fr.

3 ff. n. ch. pour le faux-titre (au verso :Paris, Imprimerie des fonderies de Jules Didot l'aîné, Boulevard d'Enfer, n° 4), le titre (encadré) et la préface. Plus 279 pp. ch., dont 3 pour la table. Couverture imprimée, vert pâle. Le faux-titre porte : Les | Prismes poétiques | . Poésie II. Ce volume, en effet, devait former le IIe volume des Poésies de l'auteur, dont son précédent recueil aurait été le tome Ier. L'annonce suivante imprimée au revers de la couverture, nous donne elle-même cette explication :
Ouvrages du même auteur. | ALMARIA. | Un volume in-octavo, troisième édition . |
Sous presse : | TABLEAUX POÉTIQUES, | POÉSIE. TOME I. | Un volume, cinquième édition . | 42

En cette même année, parurent Psyché, par Théodore Carlier ; la Comédie de la mort Paris, Desessart, par Théophile Gautier ; Ludibria ventis, par Joseph Autran ; A travers champs et les Cinq cordes de la lyre, par J. Soulary ; le Myosotis, par Hégésippe Moreau ; Première Salazienne, par H. Lacaussade ; la Chute d'un ange, par Lamartine ; les Boréales, par Elim Mestscherski ; les Hymnes sacrées, de Turquety.

L'espèce de préface - elle n'en porte pas le nom - placée à la tête de ce second recueil, indique la pensée, ou plutôt l'impression sous l'empire de laquelle il a, comme le premier, été écrit.

«J'ai nommé mon premier livre de poésies : Tableaux poétiques ; je nomme celui-ci : Les Prismes poétiques. Chacun de ces titres rappelle les effets de la couleur ou de la lumière ; et cette sorte de fraternité indique les rapports qui existent entre les deux ouvrages.
La poésie éclaire d'un jour nouveau les objets qui sont autour de nous, et les sentiments qui sont en nous-mêmes. Elle colore tout ce qu'elle voit ; son oeil est un prisme. Qu'elle soit faible ou forte, ce privilège lui appartient ; et les prismes peuvent être des diamants ou des morceaux de verre».

Les Prismes poétiques se composent de 72 pièces, chacune avec un titre de départ. Aucune n'est précédée d'épigraphe : en 1838, la mode commençait à s'en passer. Quelques-unes seulement sont datées. Les dédicaces, assez rares, portent les noms de Charles Nodier, Victor Hugo, Madame de Girardin, S.A.R. Mademoiselle, Cte de Peyronnet, de Lamartine, A. de Beauchesne, Emile Deschamps, Reboul, Prince Elim Mestscherski, du curé de Saint-Roch (M. Olivier).

Les pièces de ce recueil se suivent ainsi :

    La Prière. A***. Vers de 12 pieds.

La pièce est dédiée à la comtesse de Rességuier, comme le prouvent ces derniers vers :

        Et lorsque s'élevant vers ton front qui se penche,
        Pour la seconde fois ta petite main blanche
        Aura fait sur ton sein le signe de la croix,
        Et qu'un de nos enfants, le plus jeune des trois,
        Accoura pour te dire, avec sa voix qui pleure :
        «Vous venez de parler au bon Dieu plus d'une heure ;
        «Oh ! pourquoi restez-vous si longtemps à genoux ?»
        Je lui dirai : «Mon fils, elle priait pour nous».

    Paris. Strophes de 8 vers, de 12 pieds.

Au Paris mondain et révolutionnaire, l'auteur oppose le Paris littéraire et religieux :

        Et si mon orgueil aime à vous voir sans rivale,
        C'est surtout par les arts et par la charité.

A ma petite Maison. Strophes de 5 vers, de 8 pieds :

Cette petite maison est le château de Sauveterre, près des Pyrénées, vieille demeure patriomonale des Rességuier, d'où la pièce est datée (1836), et que le poète décrit ainsi :

        Adieu, ma petite maison,
        Etroite, longue et toute blanche,
        Où l'on dort bien mieux sur la planche
        Qu'ailleurs sur la molle toison.

    Les Chevaux de poste. Vers de 12 pieds. Datée d'octobre 1832.

Le poète a trouvé le port dans le mariage. Il ne courra plus le monde. S'il manque jamais à ce serment, qu'il soit maudit :

        Que le sort soit toujours contraire à mon envie,
        Que l'eau manque à ma soif, et l'amour à ma vie !

    Oh ! vrai ? Strophes de 4 vers, de 12 pieds.

On devine, dans ces vers, la fiancée qui deviendra l'épouse à laquelle la première pièce est dédiée.

        Oh ! vrai ? Vous aimeriez, vous aimeriez le chaume,
        Qui couvrirait l'asile où nous serions tous deux.

    Attendez. Vers de 12 pieds.

Cette pièce paraît avoir été inspirée par Mlle Delphine Gay, comme plusieurs du recueil précédent. On y reconnaît celle qu'on appelait la dixième Muse, la Muse française, si blonde, si souriante, si triomphante, qui semblait défier le malheur :

        Jeunesse, espoir, amour, ces perles de la vie,
        Sur vous comme un collier se posent grain par grain,
        Pour goûter le bonheur, il vous manque un chagrin.

Une Leçon. Strophes de 4 vers, de 8 pieds.

Union. Strophes de 4 vers, de 8 pieds.

Joli tableau d'union conjugale.

        Il faut que vieux on se rassemble
        Pour se chauffer au même feu,
        Et toujours adorer ensemble,
        Un même autel, un même Dieu.

    L'Absence. Vers de 12 pieds.

Ecrit pendant un voyage, dont les enchantements,

        Et pourtant sur mes pas que de beaux paysages !
        Que de fraîches couleurs ! que de charmants visages !

n'ont pu lui faire oublier celle qu'il a laissée au logis :

                    ... Que me fait tout cela ?
        Mon coeur, triste, partout sent que tu n'es pas là ;
        Et partout dans ma joie ou ma mélancolie
        Je t'aime, et tu n'es pas de celles qu'on oublie !

    Mes Montagnes. Strophes de 6 vers, de 8 pieds, le dernier de 4.

    Un Livre. Vers de 12 pieds.

    Les Désenchantements d'une Jeune Fille. Strophes de 8 vers, de 12 et de 8 pieds.

        Il m'a trompé, il ment : je sais tous ses mensonges.
        Je croyais à son coeur, et je doute du mien.
        Les chansons, les serments, les prodiges, les songes,
            Hélas ! je ne crois plus à rien.

Paru d'abord dans Keepsake Français, Paris, Giraldon-Bovinet, 1831, petit in-4, p. 292, sous le titre : Crédulité d'une jeune fille.

    L'Age. Vers de 12 pieds.

C'est l'élégie de la quarantaine, avec circonstances atténuantes :

        Mais l'amour nous resta quand ce malheur nous vint,
        C'est que nous en avons seulement... deux fois vingt...
        C'est qu'au son de la voix, de la lyre et du cor,
        Nous avons tous les deux un coeur qui bat encor ;
        C'est que la fièvre vient quand s'approche la muse ;
        Après un désespoir, c'est qu'un rien nous amuse,
        Et qu'un enfant se plait à jouer avec nous,
        Et que nous le berçons longtemps sur nos genoux...

Et ces vers, d'une belle jeunesse de coeur dans leurs voeux.

        Que mon être tombant jour à jour, pièce à pièce,
        Connaisse le grand âge et non pas la vieillesse ;
        Car pour l'homme être vieux n'est pas les bras tremblants,
        Le corps voûté, la tête avec des cheveux blancs ;
        Mais l'âme à tout amour devenue insensible,
        Et dans la veine un sang coulant froid et paisible ;
        Et comme un palmier mort au tronc matériel,
        De ne plus s'agiter à tous les vents du ciel.

    LES COINS DU FEU.

         I. Une Nuit d'hiver. Vers de 12 pieds.
        II. L'Invitation. Vers de 12 pieds.
        III. La Soirée. Vers de 12 pieds.
        IV. L'Album. Vers de 12 pieds.
         V. Ma Chambre. Vers de 12 pieds.
        VI. Quelques Poètes à mon foyer. Vers de 4 pieds.

Cortège de poètes amis, assez mélangé ; ce sont les deux Deschamps, Beauchesne et Victor Hugo ; Nodier et Lamartine ; Sainte-Beuve «Muse à la fois naïve et neuve» ; Peyronnet «esprit jetant au loin sa flamme» ; Belmontet - «au ciel d'Isaure, on dit encore l'air qu'il chantait» ; - de Latouche, «embellissant tout ce qu'il touche» ; Saint-Valry, à «la voix poète» ; Jules Lefèvre «qui, nuit et jour, a sur sa lèvre un chant d'amour» ; Alfred Musset (sic) et Saint-Félix, «qui dans l'onyx boit l'ambroisie de poésie» ; Gaspard de Pons et Mennechet «qu'aux Tuileries de lys fleuries, on recherchait» ; Roger «qui court comme il écrit» ; Brifaut «pur dans son style, pur dans sa foi» ; Berryer «lançant sa lave» ; d'Arlincourt «à la verve prompte» ; Nugent aux «chants de barde» ; Boulay-Paty, Gout-Desmartres, Meliot de Chartres, Turquety, Julvecourt, Blaze, Roger de Beauvoir, «jeunesse, extase et gai savoir» ; Eugène Sue - «j'aime sa chambre où l'on sent l'ambre et le goudron» ; Charles et François de La Bouillerie, de Falloux, de Ferrière, «touchant le but à leur début dans la carrière» ; Barbier «sans frein» ; Brizeux «qui prie pour sa patrie et pour Marie» ; de Vigny - «poème, histoire, à toute gloire, répond Alfred» ; - Guiraud «que jamais rien ne peut distraire du beau, du bien» ; Soumet, «qui brille avec sa fille au premier rang». - Comme on le voit trop, Rességuier était loin d'exceller dans ces fantaisies aux vers courts et sautillants, où Musset et Hugo ont si bien réussi. Mais cette liste d'amis est curieuse par son mélange, qui nous parait singulier, et qui l'était moins quand la postérité n'avait pas fait son classement et mis chacun à sa place.

Ces six morceaux que l'auteur à réunis sous ce titre général, Les Coins du feu, sont de jolies petites toiles d'intérieur, agréablement touchées, où il y a du sentiment, de la simplicité, et qui peuvent se ranger à côté de celles que la Musa pedestris inspira aussi à Sainte-Beuve. Ce genre, créé par Joseph Delorme, nous l'avons vu aboutir, avec un accent plus marqué, aux Humbles de François Coppée.

Quoique les six pièces suivantes ne soient pas rangées sous un titre général, elles se rattachent aux précédentes par une semblable inspiration, mais avec un accent plus mondain, qui rappelle bien l'époque de la Restauration et des dix premières années du Gouvernement de Juillet. Pour l'histoire des moeurs, c'est presque un document.

    Je n'ai pas de ces renommées. - Strophes de 4 vers, de 8 pieds.

Dans de jolis vers, faciles et harmonieux, l'auteur s'adresse à une femme aimée, sans doute Mme de Rességuier, et y développe très ingénieusement ce thème, que l'on aime ce que l'on possède :

        Je n'ai pas ces voix qui font taire
        Le rossignol au fond des bois,
        Je n'ai pas ces chants que la terre
        Trouve aux cieux et dans votre voix,
        Et pourtant c'est moi qu'à tout autre
        Vous préférez, je le soutiens.
        C'est qu'un autre n'est pas le vôtre
        Et que moi je vous appartient !

    La Duchesse de***. Vers de 12 pieds.

Il nous fait, en des vers d'une touche mondaine très heureuse, le portrait d'une belle indifférente, rencontrée dans un de ces voyages qui lui ont inspiré l'Absence. Italienne sans doute, car il nous la montre au milieu des chefs-d'oeuvre de l'art antique,

        Et tous ces marbres-dieux, témoins de notre gloire,
        Qu'un moment parmi nous a conduits la victoire.

Il semble qu'on entende un écho de Vigny (Dolorida) ou de Musset, dans ces vers :

        Quand le jour vient rouvrir ses beaux yeux, ce qu'elle aime
        C'est, devant son miroir de répandre elle-même
        Dans le fond d'un émail transparent, les parfums
        Dont elle va baigner ses cheveux longs et bruns ;
        C'est de respirer l'air enivrant que la rose
        Verse autour de la couche où sa beauté repose,
        Et d'attacher longtemps ses amoureux regards
        Sur le luxe enchanté des merveilles des arts.

    Madame de***. Vers de 12 pieds.

Ici ce n'est plus seulement une indifférente élégante ; c'est une franche coquette, une Célimène en manche à gigots et en taille courte, à la mode de 1838 : comme une comtesse d'Agoult ou une Marquise de Boisgelin, une comtesse Lehon ou une Comtesse de Castries, par exemple :

Dans ces tableaux mondains, ces tableaux de la société française à cette époque, Jules de Rességuier est supérieur, et presque unique ; sans mélange d'accent andalous, italien, ou anglais, comme dans d'autres poètes de la même date. Il y a dans son élégance poétique assez de précision, pour qu'elle donne la sensation du réel, du vu, du vécu.

        Il n'es rien d'élégant que n'adopte son goût.
        Elle aime la campagne et la ville beaucoup,
        L'hiver et ses bijoux, le printemps et ses roses ;
        Mais pour aimer quelqu'un elle aime trop de choses...
        Il lui plait de vous voir rêveur, à ses genoux,
        Essayant de ces mots qui disent : «Aimons-nous» ;
        Le parfum des bouquets et des lettres ambrées...
        Il lui plait de vous voir accourir sur ses pas...
        Et tout cela dit bien qu'on vous aime ? - Non pas.
        Non, cette femme veut qu'on la trouve jolie.
        Elle veut seulement qu'on l'amuse.

    La Femme à la mode. Vers de 12 pieds.

Cette femme à la mode fait surtout la critique des salons où la politique devient trop envahissante, au détriment de la conversation et des tendres aparté. Ici, les vers de Rességuier confinent à la satire, satire un peu pâle, et qui n'a rien de l'iambique Barbier, ni même du vigoureux Boileau :

        Il m'a fallu danser toute la nuit. - Pourquoi
        Ces jeunes gens toujours s'adressent-ils à moi ?...
        Et ce matin, il faut faire de la musique ;
        Chanter les vers nouveaux d'un auteur romantique ;
        Ces vers sont jeunes, frais, même assez éclatants ;
        Mais l'auteur romantique a bientôt quarante ans ;
        Son coeur bat en secret un peu pour la fortune ;
        Il est fort amoureux... mais c'est de la tribune ;
        Et la tribune, moi, je l'ai dans une horreur
        Qui passe toute idée...
        On parle de crédit, de commerce, de guerre,
        Et de nous, hors du bal, on ne s'occupe guère.
        Les femmes, aujourd'hui, dans un appartement,
        Ne sont qu'une parure et qu'un riche ornement...

    La Désoeuvrée. Vers de 6 pieds.

    La Femme occupée. Strophes de 9 vers, de 8 pieds.

Après ces deux autres caractères de mondaines, on pourrait croire que Jules de Rességuier aspirait à la gloire d'un La Bruyère poétique. Voici comment ce nouveau et du reste anodin La Bruyère nous décrit la journée d'une désoeuvrée, mettons d'une élégante vers 1840 :

        Vingt mots à répondre,
        Choisir des tissus
        En secret de Londres
        A l'instant reçus.
        Allez chez Daguerre 43
        Voir le ciel et l'air
        Chez Vernet la guerre,
        Chez Gudin la mer.
        Dans toutes les sphères
        Egarer ses pas...
        Oh ! qu'on a d'affaires,
        Quand on n'en a pas.

La femme occupée de 1840 n'avait rien de la femme positive qui a paru depuis : elle avait encore quelques loisirs pour le rêve et la poésie. Ainsi :

        Alors, quand toute chose est prête,
        Trouvant le temps toujours trop court,
        Elle brode une collerette,
        Met à sa robe une paillette,
        A son corsage un brandebourg ;
        Et sa voix au hasard répète
        Un chant des chefs-d'oeuvre du jour,
        De Moïse, de la Muette,
        de Stradella, du Giaour...
        Et sa grande âme de poète,
        Fuyant ce terrestre séjour,
        S'en va de planète en planète
        Au fond des cieux, et se reflète
        Dans les soleils qu'elle parcourt.

Les six pièces qui vont suivre sont dans un genre qui nous reporte tantôt au pseudo Moyen âge en faveur sous la Restauration, tantôt aux Contes d'Espagne et d'Italie de Musset (1830) :

    Peppa. Strophes de 7 vers, de 8 pieds.

C'est plus qu'une imitation, c'est un pastiche de l'Andalouse de Musset.

        J'aime Peppa, mon Espagnole,
        Mon Espagnole à l'oeil plus clair
        Que le bronze de l'espingole,
        Oh ! ma Peppa, dont le pied vole
        Jetant des paillettes dans l'air...
        Mon amoureuse de Valence
        Cache son front sous un réseau ;
        Son col ploie avec indolence ;
        Au moindre accord elle s'élance,
        Chante, bondit...

    La Châtelaine de la Vendée. Strophes de 8 vers, de 3, de 8 et de 12 pieds.

Un récit d'autrefois qui contient, il semble bien, une espérance :

Châtelaine
Vendéenne,
Quand finira le temps de peine,
Au milieu d'un cortège éclatant se verra ;
Et, sur un cheval blanc, le vainqueur saluera
De sa main jeune et souveraine
Châtelaine
Vendéenne.

    La Châtelaine du Languedoc. Strophes de vers, de 12 pieds, entremêlées de strophes de 10 vers, de 8 pieds.

C'est un hommage à Clémence Isaure, fondatrice des Jeux floraux de Toulouse.

    Madame Agnès de Picardie. Distiques de 8 pieds.

La mieux réussie de ces pièces moyenageuses ; une jolie figure que cette Madame Agnès :

        Depuis le jusques à l'ut,
        La plus habile sur le luth ;
        A la danse la plus folâtre,
        La plus rêveuse auprès de l'âtre ;
        La plus fidèle à son devoir
        Et la plus dangereuse à voir.

    Les Brigands espagnols. Strophes de 4 vers, de 12 pieds, et de 7 vers de 6 pieds.

Tout à fait dans le genre romance, Moine et Bandit, par exemple :

        Nous détournons nos pas
        De la route battue ;
        Nous ne vieillissons pas...
            On nous tue.

Les Balancelles. Vers de 8 et de 12 pieds.

Les Inséparables. - A Mesdemoiselles A. de R. et C. de L. Datée du 31 janvier 1824. - Vers de 12 pieds.

Touchant tableau de deux amies que l'anniversaire de la mort de leur protectrice, Amicie,

        Celle dont les conseils avaient tant de douceur
        Qu'on eut dit que c'était ou leur mère ou leur soeur,

conduit prier sur un tombeau.

    Les Jours de mai. Strophes de 8 vers, de 8 pieds.

    Trois Rêves. Vers de 12 pieds, et strophes de 4 vers de 8 pieds.

Cette pièce nous ramène aux souvenirs de voyages de Rességuier, à l'Italie, à la Sicile, à la mort d'une jeune fille dans tout l'éclat de la beauté et de la jeunesse :

        Gaieté napolitaine, abandon de créole,
        Secret de poésie, amour, gloire, auréole,
        Charme toujours présent et toujours imprévu,
        Au devant de mes pas elle vient...
        J'ai vu la même femme...
        Deux bras la soutenaient, son corps était tremblant,
        Sur son sein tout à coup son front pâle retombe ;
        Déjà s'ouvre pour elle et le ciel et la tombe.

    Le Galop. Strophes de 6 vers, de 8 pieds.

Cette pièce doit prendre place parmi les tableaux mondains que nous avons vus plus haut, avec quelque touche du Musset andalous :

        C'est ma valseuse rose et blanche,
        Elle s'élève, elle se penche,
        Redouble d'élan indompté ;
        Comme en faisant flotter sa rêne
        Un coursier blanc fuit dans l'arène,
        Au bruit du clairon emporté.

A rapprocher du Bal, de Vigny. L'élan, le mouvement est plus grand que dans la pièce du poète d'Eloa. Comme poète mondain, Rességuier le distance.

    SONNETS.

    I. Silvio Pellico.

        Ame faite aux tourments et pour le ciel choisie,
        Que deux ailes de feu, la foi, la poésie
        Emportent des cachots à l'immortalité.

    II. A Charles Nodier.

Rességuier y loue la fraîcheur, la jeunesse des écrits du maître qui recevait les romantiques à l'Arsenal ; mais c'est bien plus en l'honneur de Mlle Nodier qu'est fait ce sonnet, qui prend place à côté des vers de Musset, de Fontaney, d'autres encore, adressés à la même Muse inspiratrice :

        Pourquoi cette harmonie et ces fraîches couleurs ?
 
        C'est qu'une jeune fille au doux nom de Marie,
        Qui chante comme toi, qui pour toi veille et prie,
        Fait tomber sur ton front ses baisers et ses fleurs.

    III. A. M. Victor Hugo.

Sonnet curieux par l'explication que l'auteur donne de la naissance du romantisme, après avoir proclamé son culte pour les classiques :

        Certes, grands et petits, nous le confessons tous,
        Mais ceux qui s'élançaient vers leur sphère divine
        Ne montaient qu'aux clameurs des critiques jaloux.

Hugo n'était sans doute pas du même avis ; mais il dut être content de la chûte du sonnet :

        Et la Muse hardie accepta le cartel.
 
        La haute question alors fut résolue.
        Et depuis ce jour-là l'Europe te salue
        Poète, enfant sublime et jeune homme immortel.

    IV. A Madame de Girardin (Delphine Gay). En vers de 8 pieds.

Petite statuette, où Mme de Girardin est saisie dans l'attitude de la Muse, attitude qu'elle prenait volontiers :

        Sa main de sa tête inspirée
        Soutient l'ovale harmonieux.
        De sa voix pure et mesurée
        Tombe un chant mâle ou gracieux.
 
        Alors de la nue azurée
        L'éclat semble inonder ses yeux ;
        On dirait la Muse entourée
        D'éclairs et d'astres radieux.

    V. Un Second Enfant. A M.A. Méliot.

A rapprocher de la pièce célèbre des Contemplations, le Revenant, dont il est comme une première ébauche. Peut être la pensée y est elle plus naturelle, quoique l'exécution soit bien inférieure.

Ta bouche est sa bouche vermeille, Dans tes yeux de teinte pareille Le même doux regard a lui. Nous t'appelons aussi le nôtre Tu n'es pas tout à fait un autre, Et cependant tu n'es pas lui.

M. A. Méliot, est le même dont nous avons vu figurer le nom plus haut, dans Quelques Poètes à mon foyer.

    VI. A mes Enfants.

Ce beau sonnet, nous apprend que les enfants de Jules de Rességuier, eux aussi, cultivaient la poésie.

        Je descends, vous montez : quand vous serez au faîte,
        D'en bas j'écouterai vos chants mélodieux.
        Je suis l'arbre d'hiver ployé par la tempête ;
        Vous, la fleur du soleil qui regarde les cieux.

Malgré quelques beaux vers, on ne peut pas dire que Rességuier ait réussi dans le sonnet. Il y faut une vigueur de pensée, une précision de forme qui ne sont pas ses qualités dominantes en poésie.

Les sept pièces qui suivent ne se rattachent à aucune idée générale, et sont très variées d'inspiration : légendes romantiques, comme la septième et la huitième ; scènes modernes, comme la première, la seconde, la troisième, la quatrième, la Bouquetière.

    Une Pauvre femme. Vers de 12 pieds.

Elle aurait pu être intitulée, une Chapelle dans les cintres de l'Opéra. L'auteur visite sur ces hauteurs,

        Sous le toit, une femme infirme, pauvre, âgée,
        Et par un crucifix dans son lit protégée ;
        Tout l'Olympe païen que renferme ce lieu
        Est ainsi dominé par l'image de Dieu.

    Napoléon et la Fille de la Légion d'honneur. Strophes de 4 vers, de 12 et de 8 pieds ; de 4 vers, de 8 pieds.

Ce titre promet plus qu'il ne tient ; ou du moins le tient autrement. C'est une série de compliments, fort gracieux et élégants, adressés à une femme du monde, ancienne élève de la Légion d'honneur. On ne peut s'empêcher de trouver quelque disproportion dans ce parallèle :

        Au rocher d'une île lointaine
        Le destin marqua son tombeau ;
        Mais pour vous point de Waterloo,
        Et pour vous point de Sainte-Hélène.

    Fée ou Péri. Strophes de 6 vers, de 6 et de 4 pieds.

Inspirée par quelle enchanteresse de salon :

        Fée ou Péri, que sais-je ?
        Dieu fit ton sein de neige,
            Ton coeur de feu.
        Ton oeil ardent ressemble
        A l'étoile qui tremble
            Dans un ciel bleu

    La Musique. Vers de 4 pieds.

Même inspiration mondaine, d'une époque, la Restauration, où la harpe était encore en honneur dans les salons - on y revient aujourd'hui. Eloge de la musique, à l'occasion de la musicienne :

        Que ta main tende
        La harpe d'or,
        Et que j'entende
        Du chant encor.

    Vers écrits sur l'album de Madame de***. Vers de 12 pieds.

Cette madame de *** était grand'mère, mais si jeune encore, et si charmante, que

        Nous dirons à présent : «Il n'est plus de grand'mère»
        Comme on disait jadis : «Non, il n'est plus d'enfant !»

    Si la Femme savait ! Vers de 12 pieds.

Conclusion : Femmes méfiez-vous de l'amour.

        Si la femme savait qu'en aimant elle est triste
        D'un mal qui la vieillit et doit la consumer,
        Qu'elle abandonne tout, ses jeux, ses chants d'artiste,
        Et sa beauté si chère... oserait-elle aimer ?

Ne s'agirait-il pas de Delphine Gay, devenue Mme de Girardin en 1831 ?

    Légende de la Bretagne. Strophes de 4 vers, de 12 pieds.

C'est bien plus une élégie qu'une légende, suivant le mot de l'auteur dans une note où il nous apprend qu'il en a emprunté le sujet à Emile Souvestre. Il s'agit d'un fiancé qui vient de perdre sa fiancée, dont on lui laisse pressentir le destin par des sous-entendus pleins de délicatesse et de poésie.

        Mon fils, vous reverrez ces mêmes clairs de lune,
        Vous reverrez les fleurs aux maisons s'enlacer,
        Et nos filles encor sous nos arbres danser ;
        Mais déjà pour la ronde, hélas !... il en manque une.

    Raymond. Strophes de 4 vers, de 10 pieds.

Histoire d'un brigand qui s'éprend de la femme qu'il a sauvée. Ce Raymond est un frère très affaibli du Moor de Schiller.

        Ce qu'il avait ne se pouvait comprendre,
        Nul ne l'a su, du moins nul ne l'a dit ;
        Dans les forfaits c'était un rêve tendre,
        Un amour pur au fond d'un coeur maudit.

    La Bouquetière. Strophes de 4 vers, de 5 pieds.

Genre romance, probablement écrit à cette intention. Rien des petites bouquetières du boulevards :

        Je vends anémone,
        Jacinthe, lilas.
        Mon coeur, je le donne
        Et ne le vends pas.

    Pensée douce. Strophes de 12 pieds.

Se rattache aux poésies inspirées à Rességuier par les sentiments de famille qui ont laissé tant de traces dans ses vers. Il s'agit, pensons-nous, de son fils. Les trois strophes se terminent chacun par ce simple cri du coeur : Je crois bien.

        Pour ce fils, votre orgueil, lui pourtant si modeste,
        Pour ce fils, de vos pas l'élan et le soutien,
        Vous donneriez vos jours, le peu qu'il vous en reste,
        Pour ajouter aux siens, à l'instant ? - Je crois bien !

    On dit, mon Ange. Strophes de 4 vers, de 4 pieds.

Madrigal sautillant, qui se termine par une belle pensée :

        L'amour qui change
        N'est pas l'amour.

    Un Précepte. Strophes de 4 vers, de 8 pieds.

Il faut rendre le bien pour le mal : tel est le précepte, ancien, mais rajeuni par trois comparaisons poétiques qui mériteraient de prendre rang dans une anthologie :

        Le coquillage que la brise
        A fait rouler hors de son lit,
        D'un torrent de perles remplit
        La main qui l'ouvre et qui le brise.
 
        Le bloc d'agate rose et blanc,
        Aux nuances capricieuses,
        Orne de pierres précieuses
        Le poignet qui frappe son flanc.
 
        L'arbre d'automne qui reflète
        Au soleil ses fraîches couleurs
        En versant des fruits et des fleurs
        Répond aux pierres qu'on lui jette.

Seulement on ne comprend pas que cet arbre d'automne porte encore des fleurs, et que s'il porte des fleurs il donne des fruits.

FRAGMENTS. I. La Duègne - II. Une Prière - III. L'Insomnie - IV. Conversation. - Vers de 12 pieds.

Sauf le premier, qui doit être rangé parmi les scènes espagnoles de l'auteur, ces fragments semblent inspirés par des sentiments personnels et faire partie d'un poëme intime de famille. Ainsi, dans la Prière, ce portrait :

        C'est qu'aucune autre femme, aucune sur la terre,
        N'enferma dans son coeur un si divin mystère ;
        C'est qu'aucune jamais n'eut la bonté qu'elle a.
        Oh ! pour nous et pour vous, mon Dieu, protégez-la !
        Car son âme encor plus que son charmant visage,
        Son âme ardente et pure est faite à votre image...
        Pour son front qu'à touché le souffle du génie,
        Pour son regard d'amour, pour sa voix d'harmonie,
        Et son coeur d'espérance et son âme de feu,
        Mon Dieu ! protégez-la.

    Chodkiewicz. 1621. Chant Polonais. Mélange de vers de 12 et de 8 pieds. Avec cette note :

«Ce chant fait partie de la Vieille Pologne, ouvrage publié par M. le Major Forster».

    A.S.A.R. Mademoiselle. Mélange de strophes de 4 vers, de 12 pieds ; et de strophes irrégulières, de vers de 12 et de 8 pieds. Daté, mars 1832.

Dans ces vers adressés à la fille du duc de Berry, soeur du duc de Bordeaux, plus tard duchesse de Parme, que la Révolution de 1830 venait de jeter avec leur aïeul, le roi Charles X, sur la terre d'exil, à Holyrood, Rességuier témoigne de sentiments royalistes, qui ne faiblirent jamais en lui, et dont la plupart des pièces suivantes sont aussi empreintes. Mademoiselle, née le 21 septembre 1819, avait alors treize ans et était pleine de vivacité, de grâce, d'élan. Rappelant le souvenir de Marie Stuart, le poète dit de la noble enfant exilée :

        Comme elle, l'on vous voit dans les jours orageux
            Sur la balustrade appuyée,
        Regarder vers la France, et reprendre vos jeux
            Après une larme essuyée.

    Louise à M. le Baron de Sèze. Strophes de 4 vers, de 8 pieds.

A propos d'un joli mot de la même princesse, au sujet de «pauvres petites filles» qu'elle soutenait autrefois de ses dons.

Ce trait touchant de la vie de Mademoiselle a également inspiré un autre poète, ami de Rességuier, Adolphe de Saint-Valry, dans sa pièce : Aux pauvres petites filles de Mademoiselle. Voir Fragments de Poésie, Paris, Dentu, 1833, in-12, p. 91.

        Aujourd'hui même elle imite l'apôtre
        Qui donnait, à défaut de joyau et d'argent,
        Jusques à son manteau pour vêtir l'indigent.
        Du fond de son exil, Louise vous envoie
        Sa robe d'innocence et vous l'offre avec joie.

Dans une note qui accompagne ces vers, on lit :

        «La robe de la jeune exilée fut tirée au sort à une brillante
        soirée chez Mme la Csse de R... 44, dont ces vers furent en
        quelque sorte le programme».

Nous n'analyserons pas les pièces suivantes qui, sauf quelques-unes, sont des vers politiques ou de circonstances :

    Les Princesses de Naples à la frontière d'Espagne. Novembre 1829. Strophes de 4 vers, de 12 et de 8 pieds.

Sur la rencontre, au pied des Pyrénées, de la Duchesse de Berry et de sa soeur la reine d'Espagne, se rendant d'Italie dans son nouveau royaume.

    Au Comte de Peyronnet. 1827 et 1832. Vers de 12 pieds.

Sur son portrait, exposé au Louvre en 1827.
Les vers de 1832 sont adressés à M. de Peyronnet, alors enfermé à Ham.

    A M. de Lamartine. 1830 et 1833. Vers de 12 pieds.

Déjà, en 1830, Rességuier pouvait dire de Lamartine lors des journées de Juillet :

        Quand un peuple rugit dans l'ivresse du crime,
        Qu'il demande du sang en criant : Liberté !
        Vous avez le courage, avec un chant sublime,
        De vous montrer en face à ce peuple irrité.

C'est ce qu'on dira encore de lui en 1848.

    Les Petites filles de l'Ecole des soeurs. A. M. le curé de Saint-Roch. Strophes de 4 vers, de 8 pieds.

    Un Breton. A. M. A. de Beauchesne. Vers de 12 pieds.

    A un Elève de l'Ecole militaire de Fontainebleau, qui m'a adressé des vers charmants sans signature. Strophes de 4 vers, de 12 et 8 pieds.

    La Poésie. A. M. Emile Deschamps. Vers de 12 pieds.

Emile Deschamps a répondu à ces vers dans sa pièce : A Jules de Rességuier (Oeuvres, Paris, A. Lemerre, 1872, I, p. 239).

    A. M. Reboul, de Nîmes. Vers de 12 pieds.

    Au Prince Elim Mestscherski 45. Vers de 12 pieds.

        Un barde dont la voix chante avec assurance
        Des vers harmonieux dans la langue de France...
        Son oeil jette un éclair des rayons du Midi,
        Et l'on voit sur son front la tristesse secrète
        Dont le Ciel a marqué chaque front de poète.

    Après avoir entendu de beaux vers sur la translation des statues du pont Louis XV à Versailles. Vers de 12 pieds.

    A Lamartine, après la lecture de «Jocelyn». Vers de 12 pieds.

    Prions. Strophes de 4 vers, de 8 pieds.

        Tout, jour à jour, nous abandonne,
        Ce que nous cherchons fuit nos pas ;
        Nous voulons que ce monde donne
        Un bonheur, hélas ! qu'il n'a pas.




42 Bibl. Nat. Inventaire Ye32040.


43 Il s'agit du Diorama que Daguerre, qui n'avait pas encore inventé le daguerréotype, exploitait là ou est aujourd'hui la Renaissance. On y voyait l'éboulement de Goldau et la messe de minuit à Saint-Pierre de Rome. Il fut détruit par un incendie en 1839, l'année même où Daguerre s'illustra par la découverte qui a reçu son nom.


44 La comtesse de Rességuier, sans doute.


45 Le prince Elim Mestscherski, chambellan de l'Empereur de Russie, né en 1808, auteur des Boréales (1838), des Roses noires (1845), des Poètes russes (1846), mourut à Paris en novembre 1844.





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