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Eugène Asse Jules de Rességuier IntraText CT - Lecture du Texte |
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VIII Jules de Rességuier se tenait trop éloigné, sinon du monde des lettres, du moins des partis littéraires et de leurs ardents débats, trop enfermé dans son groupe d'amis intimes, pour que l'apparition d'un nouveau recueil poétique de lui, devint un événement littéraire : les Prismes poétiques, furent donc plus appréciés des délicats qu'acclamés par le grand public. On en aima certainement l'homme un peu plus, on fut ému de sentiments si purs, si généreux, si délicatement, si noblement exprimés, mais son nom ne prit pas place à côté de ceux qui occupaient bruyamment la renommée. Ni son bonheur, ni sa quiétude ne furent troublés par ce que d'autres auraient pu considérer comme un déni de justice. Jules de Rességuier avait placé plus haut le but et l'ambition de sa vie : la religion lui faisait entrevoir d'autres palmes que celles de la gloire. Il y avait trois ou quatre ans que son dernier recueil avait paru, lorsqu'un grand changement se fit dans sa vie. Parti en 1842, pour passer, comme chaque année, quelques mois à Sauveterre et à Toulouse, ce séjour qui devait être passager, se prolongea indéfiniment : Jules de Rességuier ne revint plus à Paris. Il rompit alors si bien avec l'esprit de retour dans la capitale, qu'iil n'y posséda même plus un pied à terre. Ses raisons pour renoncer à une société où il se plaisait et où il était si bien accueilli, à des amis qui lui étaient toujours chers, il n'en laisse rien percer dans ses écrits ultérieurs, et nous ignorons complètement la cause de cette soudaine et irrévocable résolution. Ce que nous savons, c'est que ni ses habitudes de vie élégante et studieuse, ni la sérénité de sa vie et de son langage ne s'en ressentirent. Le salon de Toulouse remplaça celui de Paris, Sauveterre fut plus souvent, plus continuement habité, ce fut tout. Nous ne sachons pas que ni les événements politiques de 1848, ni l'élection de son fils Albert à l'Assemblée Nationale, où il fut un des députés distingués de la droite, aient rappelé, si ce n'est peut-être très passagèrement, Jules de Rességuier à Paris. Sa vie à Sauveterre était devenue presque patriarcale : en 1861, il eut le bonheur de célébrer les noces d'or de son heureuse union. La poésie ne s'était pas retirée de lui, mais il ne publiait plus rien, sauf à ces fêtes des Jeux Floraux auxquelles son affection était restée fidèle ; et c'était pour venger la Muse : On
proscrit l'idéal, on soumet chaque chose. La mort fut douce envers lui, comme elle devrait l'être à tous ceux qui n'ont connu d'autre passion que celle du beau, du bien et du juste, qui ont toujours vécu dans la sérénité de l'âme et la paix de la conscience. Entouré des siens qu'il ne cessait de consoler, elle vint, le 7 septembre 1862, l'affranchir des liens terrestres, après quelques jours seulement d'une maladie qui lui laissa toute sa lucidité d'esprit, tout son charme de parole. Il fut remplacé à l'Académie Jeux Floraux par un pieux et éloquent religieux, le R. P. Caussette qui y prononça son éloge en 1864. Voici comment le R. P. Caussette, et M. Dugabé, chargé de le recevoir, ont apprécié dans leurs discours le Comte Jules de Rességuier, l'homme et l'écrivain : «M. de Rességuier était le type du vrai gentilhomme ; il portait son titre et son nom, sans raideur et sans morgue, avec l'aisance et la simplicité d'un légime possesseur. Son urbanité était parfaite, sa politesse exquise. Il avait pour tous une bienveillance égale, qui répandait autour de lui, dans ses discours comme dans ses actions, un charme indicible ; au lieu d'être importune, sa supériorité le faisait aimer davantage, tant il mettait d'application à ne pas la faire sentir. Il avait de l'esprit pour tout le monde et il semblait emprunter l'esprit des autres.» 46 «En lui l'esprit n'était que la parure de la bonté. Tandis qu'un bon mot est souvent une parole méchante, et que le sel de la conversation en exclut la douceur, l'inoffensibilité de Jules de Rességuier était encore plus louée que son originalité piquante. Tolérant pour les partis comme s'il avait eu besoin de leur indulgence, optimiste envers les hommes comme s'il n'en avait trouvé que de bons, il mettait dans ses rapports une nuance de sympathie et de politesse, qui tend à disparaître avec les représentants de l'ancienne société.» 47 «Il est vrai que l'auteur des Prismes poétiques et des Tableaux poétiques n'exerça point d'influence sociale, et ne poussa guère de ces notes sonores qui font vibrer l'âme d'un peuple. Il chanta moins pour la gloire que pour le plaisir de ses amis. Sa famille était pour lui un auditoire. Le sourire de sa femme et de ses enfants l'inspirait mieux que les applaudissements de la foule... Reconnaissons qu'il maria, dans un genre qui lui fut propre, le sentiment de Lamartine à la libre facture d'André Chénier.» 48
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46 Dugabé, Réponse au R. P. Caussette, qui succéda à Jules de Rességuier comme mainteneur, Recueil des Jeux Floraux, 1864, p. 395. 47 Le R. P. Caussette, Remerciement, p. 370. 48 Le R. P. Caussette, Remerciement, p. 371. |
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