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Thomas-Simon Guellette Le muet, aveugle, sourd, et manchot IntraText CT - Lecture du Texte |
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SCENE IV. LE MAITRE, GILLES.
LE MAITRE. ALLONS, mon ami, un peu de gayeté, tu te laisses abbatre pour un rien. GILLES. Oh ! Monsieur, l'affaire est faite, et j'ai pris mon parti. LE MAITRE. Tu as pris ton parti, que veux-tu dire ? GILLES. Cela veut dire, Monsieur, que comme je vous aime, je veux mourir entre vos bras. LE MAITRE. Mourir, entre mes bras ! GILLES. Oui, Monsieur, je n'ai pas encore deux heures à vivre. LE MAITRE. Et mon ami, tu es fou.. GILLES. Non, Monsieur, je viens de m'empoisonner. LE MAITRE. Miséricorde ! GILLES. Oui, Monsieur, vous sçavez bien que l'année derniere on vous envoya de Rouen six pots blancs de fayance que je prenois pour des confitures. LE MAITRE. Oui, je m'en souviens à merveille. GILLES. Et que vous me dites que c'étoit du poison, que je me gardasse bien d'y toucher : et que si j'en mangeois seulement la valeur d'une cuillerée, c'étoit fait de moi, et que j'étois un homme mort. LE MAITRE. Oui, je me rappelle tout cela. GILLES. Eh bien, Monsieur, pour aller plutôt rejoindre ma mere et ma petite soeur Catin, je viens d'avaler tout ce qui étoit dans deux de ces pots. LE MAITRE. Ah ! misérable, c'étoit de la gelée de pommes. GILLES. Je l'ai bien connu, Monsieur, et ce poison là n'est point désagréable à prendre : mais je sens bien qu'il fait déjà son effet. Ah ! Monsieur, je me meurs..... LE MAITRE. Oh Ciel ! se peut-il ? GILLES. Ne m'attendrissez pas, Monsieur, je vous prie, recevez mes derniers adieux. LE MAITRE. Tes derniers adieux ! GILLES. Oui, Monsieur, faites mes complimens à Jacqueline. LE MAITRE. Eh ! bête que tu es. GILLES. Ah ! Monsieur, il y a de l'inhumanité à me traiter ainsi, je brule..... LE MAITRE. Je le crois bien, vraiment, manger ainsi deux pots de confitures. GILLES. Empoisonnées, c'est-là le diable : soutenez moi, Monsieur mon cher Maître, adieu ; vous perdez un valet qui vous est bien affectionné. LE MAITRE. Il faut avouer que je suis bien la dupe de cet animal. Je connois sa gourmandise ; pour l'empêcher de manger mes confitures, je lui fis accroire que c'étoit du poison, pendant que c'est de belle et bonne gelée de pommes de Rouen, et ce sot en mange deux pots croyant se donner la mort. GILLES. Comment, Monsieur, ce n'étoit pas du poison ? LE MAITRE. Non, butord, et si tu n'as pas d'autre sujet de craindre la mort, tu peux te rassurer, et j'en suis quitte encore à bon marché. GILLES. Ma foi, je l'ai vue de bien près ; mais puisque vous m'assurez que je n'en mourrai pas, Vivat Gilles. Je n'ai pas regret de ce que j'ai avalé, car je trouvois ce poison là bien doux. LE MAITRE. Je le crois bien, or ç'a à présent que te voilà bien rassuré, auras-tu asssez d'esprit pour porter à mon Procureur, Monsieur Vuidegousset, les trente pistoles qui sont dans cette bourse ? GILLES. Oh ! Monsieur, vous pouvez compter sur ma fidélité. LE MAITRE. Ce n'est pas de ta fidélité dont je suis en doute, c'est ta balourdise qui me fait craindre qu'on ne t'escamote ces trente pistoles. GILLES. Allez, Monsieur, ne craignez rien. LE MAITRE. Eh bien ! les voici dans cette bourse. Pendant que tu iras les porter, je vais faire un tour de rempart. (Il sort). GILLES. Allez, parbleu, si j'ai jamais cru aller mourir, c'est dans ce moment. Mais aussi c'est la faute de mon maître ; de quoi s'avise-t-il de me dire que c'est-là du poison ? Mais à qui en veut ce drôle là ?
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