V.
FEMME
BANALE, FEMME MIXTE, FEMME D’ÉLITE.
Femme banale.
POUR Messaline, le plus aimable est celui qui
se trouve le plus à portée, fût-ce même, Dieu me damne, son mari !
Puis elle s’en lasse, et se fait cadeau d’un amant neuf ; puis de ce dernier se
rassasie non moins vite, et alors retourne à son légitime plus brûlante que
jamais… si toutefois quelque nouveau galant ne vient pas lui barrer le passage.
Frétillon brûle la vie par les deux bouts ;
Un beau jour elle monte en croupe sur le cheval de quelque viveur, et galope
avec lui sans souci de l’avenir, jusqu’à ce que l’haleine ou le fourrage vienne
à manquer.
Après celui-là un autre, et ainsi de suite.
Dans le monde, certaines femmes mènent le même train, - au su de tous ! hormis
d’un seul, qu’on devine.
Au résumé :
La femme banale
est celle
Qui s’accommode du premier venu,
Qui mène gaillardement la vie à trois,
Qui change d’amants,
Ou même se partage entre plusieurs.
Femme mixte.
POUR Malvina, sentiments et penchants sont une
roue qui tourne ; elle va flottant de l’esprit à la matière, comme qui dirait
d’Abeilard à Casa Nova.
Tour à tour elle cherche l’image de l’un dans les yeux de son amant, et la
verve de l’autre dans le giron de son époux.
A propos des femmes plus ou moins mixtes, il y a une quantité de petites remarques
fort piquantes à faire. Leur grand rêve est d’aimer en tout bien, tout
honneur ; tous leurs efforts tendent à délimiter invariablement l’espace
compris entre ces deux frontières éternellement contestées : le tout bien et le
tout honneur. Mais le diable est que l’amour, qui tient le compas, en fait
jouer les branches de telle sorte, au gré de ses fantaisies, que tel point du
territoire, limitrophe aujourd’hui, le lendemain se trouve être refoulé jusque
vers les départements du centre.
Femme d’élite.
LA femme d’élite est celle qui comprend
l’amour avec noblesse, élévation, et qui le ressent de même.
La femme d’élite est celle qui, à un coeur sensible, ardent et dévoué, joint
une haute intelligence.
La femme d’élite est celle qui affrontera tout pour n’aimer qu’un seul, et
l’aimer sans partage.
Ici, il n’y a ni distinction de rang, ni éclat de naissance, ni privilége de
fortune ; la femme d’élite se trouve aussi bien sous le simple bonnet de
mousseline que sous le chapeau de velours.
Anecdote.
LE baron Boyer, un des flambeaux de
l’anatomie descriptive, était fort pauvre quand il vint à Paris étudier la
médecine.
Il eut pour maîtresse sa blanchisseuse. Cette brave fille se prit à l’aimer de
coeur, si bien que, tandis que le jeune homme usait son temps sans rien gagner
dans les pavillons anatomiques, de son côté elle repassait tout le jour,
quelquefois même la nuit, afin d’amasser de quoi payer l’inscription du
trimestre et l’impôt des examens.
Et Boyer devint docteur, puis agrégé, puis professeur en titre, professeur
illustre.
Et il se maria avec Marguerite ; et, fier de sa bonne action, il avait coutume
de dire dans ses cours :
- Ma blanchisseuse m’a fait docteur ; moi je l’ai faite baronne.
Voilà une femme d’élite.
Poésie de la Femme.
L’AVARE idolâtre son trésor, le marin son navire,
l’Arabe son coursier, le voyageur les forêts vierges, le poëte les roses.
Mais, trésor, navire, coursier, forêts si vierges qu’elles soient, roses
vermeilles et parfumées, tout cela s’éclipse devant l’ombre d’une jolie femme.
Et, en effet, qu’y a-t-il de plus beau dans la création ?
Jeunes gens qui me lisez, j’en prends à témoin vos regards dévorants, vos
entretiens, l’éternelle paraphrase du Cantique des Cantiques ; j’en atteste
toutes les folies que vous faites, tous les périls que vous bravez ; les filles
d’Eve ne sont-elles pas le rêve éternel de vos nuits ? N’est-ce pas vers elles
que tendent tous vos désirs ? N’est-ce pas vis-à-vis leur image que vos têtes
se volcanisent et que les frissonnements du coeur vous remuent jusqu’au fond
des entrailles ?
C’est qu’aussi dans la femme tout vous plaît, tout vous charme, vous séduit,
vous ravit, vous enivre, vous enchante… Un accent de la voix, un regard des
yeux, un frôlement de la main, c’en est assez pour vous plonger dans un océan
de délices.
Que derrière une charmille où quelqu’une se promène rêveuse, vous la voyiez
vous dérober et vous montrer tour à tour ses belles formes à travers la
feuillée… Un ruban qui vole, une mèche de cheveux qui se déroule, un pan de la robe
qui frissonne au vent, vous donnent la fièvre, car il y a là tout un poëme !
Dans les ajustements de la femme, il n’est pas un pli qui ne recèle une
émotion.
Dans sa démarche, pas un mouvement qui ne soit une harmonie.
Dans les ondulations de sa taille, pas une inflexion qui ne soit un rêve de
volupté…
Je le répète, la femme est ce qu’il y a de plus beau dans la création.
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