I.
SOUS
L’INVOCATION DE MADAME ÈVE, NOTRE MÈRE COMMUNE.
A la voix du Créateur, le paradis terrestre était sorti tout paré de verdure et
de fleurs du sein du chaos ; l’eau tombait en cascade des rochers ; la cime des
arbres se balançait voluptueusement sous les limpides rayons de l’astre
nouveau-né ; tout respirait le bonheur et l’ivresse ; le premier homme seul
languissait dans son isolement, et se demandait pourquoi les poissons dans les
eaux, les oiseaux dans les airs, et tous les animaux sous les ombrages des
forêts, folâtraient deux à deux en se prodiguant mille caresses, car il n’avait
rien compris à ces paroles : Croissez et multipliez !
Et Dieu le prit en pitié…
Et pendant qu’il dormait, il tira une de ses côtes et en forma une délicieuse
créature, qu’il décora du doux nom d’Ève.
Et Adam se réveilla.
Et quand il vit à ses côtés un ange consolateur,
Aux longs cheveux flottant sur les épaules,
Aux bras blancs et arrondis, croisés sur une poitrine palpitante,
Aux longues paupières baissées vers le sol,
Aux joues rosées,
Aux lèvres vermeilles,
A la taille svelte et élégante,
Aux hanches voluptueuses,
Au pied souple et délicat ;
Quand il vit… enfin toutes sortes de perfections plus ravissantes les unes que
les autres, il sembla qu’un voile se déchirait de devant ses yeux ;
Le firmament resplendit de tout son éclat,
Les fleurs se balancèrent plus parfumées sur leurs tiges,
Les eaux frémirent avec une mélodie plus pénétrante,
La face de la terre fut renouvelée, la nature entière se précipita dans un
embrassement universel, et les mondes, suspendus dans leur marche,
frissonnèrent d’une même secousse, au moment où les échos du ciel retentirent
du premier baiser du premier homme !
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