VIII.
DES
FEMMES DANS LEURS RAPPORTS AVEC LES HOMMES.
LES Musulmans comptent l’année par les phases
de la lune de certaines femmes pourraient compter leur vie par les périodes du
sentiment.
Nouvelle lune : Adorateurs.
Premier quartier : Maris.
Pleine lune : Amants.
Dernier quartier : Galants.
Manèges des Femmes.
QUI dit Femme, dit amour.
La femme a été créée et mise au monde pour aimer et pour plaire. Tout chez
elle, la matière et l’esprit, aboutit à cette grande loi de son être.
Les femmes excellent à vous montrer mille choses qu’elles ont l’air de vous
cacher avec un soin extrême.
Les femmes qui ont la jambe bien faite, et celles qui ne l’ont pas, ne sautent
pas les ruisseaux de la même façon.
Pourquoi cette promeneuse, dont la croupe luxuriante me paraît plus que
problématique, fait-elle onduler ses hanches de la sorte ?
Pourquoi les dames disent-elles, et se laissent-elles dire avec tant de
complaisance, qu’elles sont nerveuses à l’excès ?
Pourquoi est-il des jeunes femmes qui couvrent de baisers et de caresses les
jeunes garçons devant les jeunes hommes, qui souhaiteraient se trouver à
pareille fête ?
Cette femme a un joli profil : vous ne la verrez jamais de face.
A-t-elle de beaux cheveux ? ils se dénoueront vingt fois le jour.
A-t-elle de jolis pieds ? Ils se croiseront et décroiseront sans cesse.
A-t-elle de jolies mains ? sa coiffure ne sera jamais tranquille.
A-t-elle de belles dents ? elle rira toujours.
Une femme ne perd pas un de ses avantages.
Tactiques.
UNE femme, eût-elle vingt adorateurs, si vous
ne lui rendez pas foi et hommage, c’est sur vous qu’elle va dresser ses
batteries.
- Mon cher ami, je me ferais un véritable plaisir de vous recevoir, mais ma
femme vous déteste. - Grande présomption pour que l’ami soit adoré.
Le côté le plus drôle de la tactique féminine, est de faire faire à leurs maris
ce qu’elles veulent, en ayant l’air de se laisser violenter pour cela même
qu’elles ont le plus vif désir de voir se réaliser.
Les femmes ont mille chemins couverts pour atteindre au même but, et les maris
n’y voient goutte.
Mais ce qu’il y a de consolant pour ces derniers, c’est qu’il est beaucoup de
femmes avec lesquelles les adorateurs ne sont pas mieux traités qu’eux-mêmes.
Le nec plus ultra de l’adresse chez la femme, consiste, par une manoeuvre
hardie, mais qui manque rarement son coup, à confesser quatre-vingt-dix-neuf
pour sauver cent.
Une cachotterie compromet, une démarche faite coram populo ébranle
d’abord, fait chuchoter ; mais in petto on finit par se répartir :
« ce serait trop audacieux, » et le couple amoureux reste maître du champ de
bataille ; c’est-à-dire qu’il a déjoué la malignité publique, qui toujours dit
beaucoup plus vrai qu’elle ne pense.
J’ai lu, dans je ne sais plus quel livre arabe, le petit conte suivant :
« Un beau janissaire fort amoureux avait convoité une des femmes de son père.
Mahomet, pour le punir, lui fit voir cette odalisque, et voici comment. Le
janissaire (c’était l’été) l’aperçut au fond de son jardin, tandis que lui-même
fumait son narguilhé sur les rives du Bosphore. Aussitôt il se lève tout
transporté, mais le grand prophète lui riva sous la plante des pieds une
tringle d’or assez longue pour aller s’attacher par l’autre extrémité aux
babouches de la belle odalisque, de sorte qu’à mesure qu’il avançait, elle
reculait, et à mesure qu’il reculait, elle accourait à lui. »
En France, les femmes n’ont pas besoin de tringle d’or pour manoeuvrer
absolument de la même manière avec leurs soupirants.
C’est quand il s’agit d’intrigues amoureuses bien et dûment consenties, que le
génie des femmes déploie ses inépuisables ressources. Je n’en finirais pas si
j’entreprenais d’énumérer un à un tous les ressorts qu’elles savent si bien
mettre en jeu pour concilier la forme avec le fond, les exigences de la société
avec les incoërcibles irruptions du coeur.
Toute la puissance de la femme gît dans son instinct, et son instinct c’est
l’amour.
Or, savez-vous ce que c’est qu’un instinct ? c’est quelque chose d’inné,
d’indestructible et d’indéclinable ; c’est une loi comme celle qui régit les
mondes, et qui fait tomber les fruits de la cime des arbres.
Il n’y a point de digues pour les fleuves ;
Point de prison pour le salpêtre ;
Point d’obstacles pour la plus faible semence ;
Les fleuves débordent, le salpêtre détonne, la graine rompt la pierre, et la
femme se joue, comme Gulliver, des entraves lilliputiennes, de tous les liens à
l’aide desquels on essaie en vain de la tenir en laisse.
Manières dont on prend les Femmes.
DE cinq manières
Par sentiment
Par gloire ;
Par vanité ;
Par intérêt ;
Par surprise.
Par sentiment.
UN homme qui, pour prendre une femme, joue
des sentiments qu’il n’a point est infâme.
Par gloire.
QUI oserait blâmer une femme d’envier celle
qui inspira ces beaux vers de Lamartine :
Oui, l’Anio murmure encore
Le doux nom de Cinthie aux rochers de Tibur
Vaucluse a retenu le nom chéri de Laure ;
Et Ferrare au siècle futur
Murmurera toujours celui d’Éléonore.
Je le dis, parce que c’est ma conviction, un sourire de femme est à la fois le
stimulant le plus énergique et le suffrage le plus cher auxquels puisse aspirer
l’homme de génie.
L’approbation de ses concitoyens, les éloges guindés des puissants du jour,
tout cela est un vain son qui frappe l’oreille et qui meurt aussitôt.
Mais une femme aux pieds de laquelle vous allez déposer vos couronnes, mais une
femme dont la bouche, en vous touchant le front, l’agrandit et le dilate, voilà
la palme inappréciable, celle dont les délices vous retentissent dans le coeur
longtemps, longtemps encore, et qui s’y réveilleront toutes les fois que ses
lèvres renouvelleront leur délicieux contact.
Femmes qui aimez par gloire, soyez bénies ! vous êtes de moitié dans les
oeuvres qu’ils enfantent, ceux qui ont mérité vos tendresses ; et la postérité
vous en tiendra compte.
Par vanité.
JE ne plains pas les femmes qui se laissent
prendre par ce ridicule sentiment ; je les méprise.
Et cependant combien se livrent à leur amant qu’elles aiment avec sobriété.
Parce qu’il est ministre ;
Parce qu’il roule équipage ;
Parce qu’il se cravate bien ;
Parce qu’il est couru ;
Parce qu’il chante comme chante Duprez ;
Parce qu’il a remporté le prix de Jokei Club ;
Parce qu’il a eu pour maîtresse une actrice en renom ;
Parce qu’il peut les mener au bal de la cour ?
Anecdote.
UN jeune seigneur, qui voulait être
aimé pour lui-même, s’ingéra de se déguiser en jardinier afin de
voir incognito la dame de ses pensées, et gagner ainsi ses bonnes grâces. Il
arriva précisément que la place d’horticulteur était vacante ; il se mit sur
les rangs, et l’obtint. Longtemps il se confondit en oeillades sans qu’on s’en
apercût, ce qui l’étonna fort, parce qu’il était très-joli garçon ; enfin, un
jour qu’il osa pousser des soupirs un peu trop patents, deux valets le prirent
par les deux épaules et le mirent à la porte en lui rondinant les omoplates
d’importance. Désagréablement désappointé, il fit ses condoléances à un de ses
amis, qui lui conseilla de s’introduire chez son inhumaine à l’aide d’un moyen
quelconque, mais de s’y présenter avec l’apparat d’un grand seigneur.
- Avant peu, ajouta-t-il, je te réponds de la réussite.
- Ce qui advint.
Des aventuriers de bas étage ont employé le dernier moyen de notre jeune
seigneur, et ont fait des conquêtes dont s’enorgueilliraient des princes de
sang.
Par intérêt.
C’EST déjà trop du titre, souffrez que je m’y
tienne.
Par surprise.
QUE de femmes succombent, qui la minute
d’avant, se croyaient encore inexpugnables !
Un homme qui prend une femme d’assaut, manque de générosité et de noblesse.
Oui, mais c’est qu’aussi bien souvent dans l’esprit des femmes généreux
est synonyme de niais.
Manière dont les Femmes se font prendre.
TELLE femme qui vous aime avec délire et qui a
perdu toute espérance de salut, vous dira, si elle est douée d’une âme forte :
Je suis à vous.
Telle autre peindra, avec des couleurs dignes du prophète Ézéchiel, l’énormité
de l’abomination que vous voulez lui faire commettre, tout en vous résistant
d’une façon à peu près négative.
Celle-ci se voue à tous les saints, et laisse échapper en se pâmant le nom de
son légitime.
Celle-là ne dit rien, et c’est ce qu’elle avait de mieux à faire.
Une cinquième, qui vous provoque par sa contenance, vous apostrophe des
épithètes les plus véhémentes, et menace de faire intervenir la maréchaussée
tout entière.
Une femme qui se livre de cette façon, ressemble à une ville prise d’assaut,
qui, par respect humain, aspire à se donner les airs d’une résistance
désespérée, et, tout en battant en retraite, vous abandonne une à une ses
citadelles croulantes.
Bizarrerie.
JULIE a dans son coeur l’idole d’un premier
amour dont elle entretient successivement tous les amants auxquels elle se
donne. - Il semblerait qu’elle soit double. Elle a une âme qui reste, et
restera toujours la propriété d’un seul ; un corps, domaine aliénable, sur
lequel chacun peut prélever la dîme.
Les Femmes sont ce que les font leurs amants.
AGLAÉ s’évanouissait aux moindres odeurs,
poussait des cris lamentables au moindre cahot de sa voiture. - Il lui vient un
amant qui boit, fume et galope. Elle s’apprivoise avec le rhum, le tabac et les
chevaux ; un tilbury ne fend jamais l’air assez vite.
- On a vu Caroline raffoler successivement :
Des vers,
De la musique,
De la peinture,
De la statuaire.
Et des sermons.
C’est une énigme qui n’est pas difficile à deviner.
- Une femme qui sent à ses côtés celui qu’elle aime, peut tout affronter, tout
! jusqu’à la mort !
Effets de la possession.
Accidents hyménéens démontrés par la statistique.
IL y a environ 45 millions de Français ; sur
ces 45 millions, on peut bien mettre un cinquième de jeunes gens nubiles, ce
qui fait neuf millions.
Nul n’a la prétention, sans doute, de dire que ces jeunes gens arrivent dans
les bras de leur fiancée, purs, je ne veux pas dire de tout contact féminin, je
spécifie, de tout contact adultère.
Or, pour un civet, il faut un lièvre ; pour un adultère, il faut une femme
mariée.
Sur ce, je vous lance mes neuf millions de jeunes gens, et sauve qui
peut !
Une objection.
ET vous prétendez avoir bonne opinion des
femmes ?
- Je ne prétends rien, sinon que Dieu a créé
Les ruisseaux pour couler,
Les soleils pour luire,
La vigne pour grimper,
Les raisins pour mûrir,
Et les femmes pour aimer.
Or,
Comme je ne trouve pas mauvais
Que les ruisseaux coulent,
Que les soleils luisent,
Que la vigne grimpe,
Et que les raisins mûrissent,
Je suis conséquent avec moi-même à l’égard de la femme.
- Diable !
C’est logique.
|