SCÈNE PREMIÈRE
La comtesse, Dame Ragonde, Dames de la suite de la
comtesse groupées différemment et occupées à des
ouvrages de femmes.
LE CHOEUR
Dans ce séjour calme et tranquille
S'écoulent nos jours innocents;
Et nous bravons dans cet asile
Les entreprises des méchants.
LA COMTESSE
(assise et brodant une écharpe)
Je tremble encore quand j'y pense;
Quel homme que ce comte Ory!
De la vertu, de l'innocence
C'est le plus cruel ennemi.
DAME RAGONDE
C'est le nôtre... Dieu! quelle audace!
D'un saint homme prendre la place!
Et me promettre mon mari!
LA COMTESSE
Par bonheur nous pouvons sans crainte
Le défier dans cette enceinte,
Qui nous protège contre lui.
Ensemble
Dans ce séjour calme et tranquille
S'écoulent nos jours innocents;
Et nous bravons dans cet asile
Les entreprises des méchants.
(L'orage qui a commencé à gronder pendant la reprise
du choeur précédent se fait entendre en ce moment avec
plus de force).
TOUTES
(effrayées)
Ecoutez!... le ciel gronde.
LA COMTESSE
Oui, la grêle et la pluie
Ebranlent les vitraux de ce noble castel.
DAME RAGONDE
Nous sommes à l'abri!... que je rends grâce au ciel!
LA COMTESSE
Et moi, lorsque l'orage éclate avec furie,
Au fond du coeur combien je plains
Le sort des pauvres pèlerins!
(En ce moment on entend au dehors,
au-dessous de la croisée à droite.)
Noble châtelaine,
Voyez notre peine;
Et dans ce domaine,
Dame de bauté,
Pour fuir la disgrâce
Dont on nous menace,
Donnez-nous, par grâce,
L'hospitalité.
LA COMTESSE
Voyez qui ce peut-être, et qui frappe à cette heure.
Jamais le malheureux qui vient nous supplier
N'a de cette antique demeure
Imploré vainement le toit hospitalier.
(Dame Ragonde sort).
(La comtesse et les autres dames chantent le choeur
suivant; et en même temps on reprend en dehors
celui qu'on a déjà entendu. L'orage redouble).
ENSEMBLE LES FEMMES
Grand Dieu! dans ta bonté suprême,
Apaise cet orage affreux!
En ce moment l'époux que j'aime
Est peut-être aussi malheureux.
LA COMTESSE
Grand Dieu! dans ta bonté suprême,
Apaise cet orage affreux!
En ce moment celui que j'aime
Est peut-être aussi malheureux.
LE CHOEUR DES CHEVALIERS
Noble châtelaine,
Voyez notre peine;
Et dans ce domaine,
Dame de beauté,
Pour fuir la disgràce
Dont on nous menace,
Donnez-nous, par grâce
L'hospitalité.
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