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Amédée de Caix de Saint-Amour
Coutumes singulières, chroniques, légendes documents curieux et inédits concernant la noblesse

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  • II La Cavalcade des Chanoines et le Couvre-Feu A LISIEUX (CALVADOS).
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II
La Cavalcade des Chanoines et le Couvre-Feu
A LISIEUX (CALVADOS).



Lisieux, l’antique cité des Lexoviens, est encore aujourdhui une des villes les plus curieuses de la Normandie. Ces plans en zig-zag, avec des angles qui enfoncent les côtés des bâtiments voisins ; ces rues étroites, tortueuses et assombries par l’ombre «qui se verse du toit de leurs maisons penchées ; ces maisons elles-mêmes se livrant à tous les caprices de la menuiserie architecturale,» et montrant aux yeux surpris et émerveillés de l’amateur et du touriste des pignons gothiques à côté de portes de la renaissance, des sculptures du XIVe siècle à côté de la salamandre de François Ier, tout cela forme un ensemble vraiment bizarre et qui charme d’autant plus qu’on y est moins habitué.

Mais le monument le plus intéressant de Lisieux, c’est sa vieille cathédrale, actuellement tombée au rang de simple église paroissiale.

Elle fut fondée vers l’an 1022, par l’évêque Herbert, et sa construction ne fut complétement achevée qu’en 1200, sous le pontificat de Guillaume de Rupierre.

En 1014, Richard II, duc de Normandie, donna aux frères de l’église de Lisieux (fratribus Lisiacensis ecclesiæ), c’est-à-dire aux membres du chapitre diocésain, un vaste domaine qui avait appartenu à Anquetil le Preux, tombé en sa disgrâce. Richard assurait ainsi pour longtemps la prédominance du clergé sur le pays.

Aussi lorsque plus tard Hugues d’Eu, issu des ducs de Normandie, et l’un des successeurs de Guillaume de Rupierre, eut pris le titre « d’évêque comte de Lysieulx », les chanoines s’emparèrent de la qualification de barons de la cathédrale ; mais ils ne se contentèrent pas d’un vain titre, et en souvenir de la charte de Richard II qui leur avait conféré jadis la suzeraineté collective de Lisieux, ils exigèrent que deux jours par an leur évêque résignât son titre de comte.

Le 10 juin, veille de la fête de saint Ursin, second patron de la cathédrale, deux chanoines, choisis d’avance par leurs collègues, s’emparaient à leur tour du titre féodal, qu’ils devaient garder jusqu’au lendemain soir, 11 juin.

Dès le matin, ils faisaient placer leur écusson sur le grand portail et au haut du choeur de la cathédrale, ainsi que sur la principale entrée de leur maison ou hôtel ; puis, précédés et suivis de tout le clergé de la ville et de la banlieue, à cheval, un bouquet à la main, et portant des guirlandes de fleurs sur l’épaule, ils parcouraient la ville, allaient de la cathédrale à toutes les portes, dont ils prenaient possession , et recevaient des habitants les clefs de leur cité. Une foule nombreuse accompagnait toujours les chanoines-comtes dans cette bizarre cérémonie, et le cortége était précédé de vingt hommes d’armes ou vassaux du chapitre, à cheval et couverts d’armures de fer comme celles des anciens chevaliers.

On appelait cette singulière et vaniteuse promenade, la Cavalcade des chanoinesCanonicorum obequitatio.

Le lendemain, jour de la saint Ursin, après l’office, les chanoines donnaient congé aux écoliers, nommaient aux bénéfices vacants et jugeaient les causes pendantes ou arrivantes au prétoire du comte.

Enfin, pendant toute la durée de leur règne éphémère, ils percevaient tous les droits de foire, de marché et de coutume, et remplaçaient ainsi l’évêque dans tous les ennuis et dans tous les bénéfices de sa charge.

Cette coutume bizarre a duré jusqu’en 1790 et ne fut supprimée que par la Révolution, qui, si elle détruisit bien des usages ridicules, supprima aussi bien des coutumes louables et souvent nécessaires.

Au nombre de ces usages utiles, est le couvre-feu, qui s’est du reste conservé dans beaucoup de villes de province, tant en France qu’en Angleterre. C’est dans un grand concile tenu à Lisieux, vers le milieu du XIe siècle, en présence du duc Guillaume et des légats du pape Victor II, que fut décrété pour la première fois l’usage du couvre-feu (ignitium), avec injonction à un chacun d’éteindre le feu de son foyer et la lumière de sa lampe, et de clore sa porte au son de la cloche.

Ajoutons que le concordat de 1801, qui donna à la France une nouvelle organisation religieuse, supprima l’évêché de Lisieux et le réunit en presque totalité à celui de Bayeux, dont le titulaire s’appelle aujourdhui évêque de Bayeux et de Lisieux.




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