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Guy de Maupassant La trahison de la comtesse de Rhune IntraText CT - Lecture du Texte |
JACQUES DE VALDEROSE, SUZANNE D'ÉGLOU
SUZANNE D'ÉGLOU, entrant à droite, l'apercevant.
Ah ! c'est vous ! vous pleurez ? Quelle ambre souffrance
JACQUES DE VALDEROSE, très exalté.
L'espérance de quoi ?
Du bonheur que j'attends.
On a de faux espoirs, monsieur, de temps en temps.
Me fuir, comment cela, me fuir ; j'ai sa promesse,
Son aveu, son amour.
De quoi me parlez-vous ?
JACQUES DE VALDEROSE, se calmant.
Mais de mes faux espoirs et de mes songes fous ;
Car je rêve sans fin, et je crois arrivées
Les choses qu'en mes jours de bonheur j'ai rêvées.
Au réveil, bien souvent, le songe était trompeur.
Quand il a disparu, c'est dur.
Je n'ai pas peur.
L'espérance que j'ai capturée est de celles
Qui ne s'envolent point, quoique battant des ailes
Dans mon cœur, et chantant comme un oiseau des bois.
Hélas ! j'ai trop souvent connu sa douce voix ;
Mais que c'est triste après, après, quand rien ne chante !
Vous voulez m'effrayer ; que vous êtes méchante !
Méchante, non, monsieur, vous ne le croyez point !
Je voudrais... Êtes-vous donc
aveugle à ce point
De ne rien deviner et de ne pas comprendre
Que les piéges d'amour sont faciles à tendre ?
Je n'en puis dire plus... pourtant... je le voudrais.
De quoi parlez-vous donc ?
SUZANNE D'ÉGLOU, avec autorité.
Que l'on n'aborde point entre gens de notre
âge.
Mais je suis la plus jeune et je suis la plus sage,
Ayant le cœur mieux clos et les yeux moins fermés.
Mais j'ai les yeux ouverts.
Non.
Pourquoi ?
Vous aimez.
Comment le savez-vous ?
Écoutez-moi ; je sais des ruses qu'on
combine.
On cherchera peut-être à gagner votre foi,
A vous faire tourner contre nous et le Roi.
A troubler les cœurs la tendresse est sujette.
Quand elle devient vile un homme la rejette.
Sachez ne point céder votre âme au tentateur,
Ni, pour un peu d'amour, vendre beaucoup d'honneur.
Je suis...
Souvenez-vous de n'être jamais traître ;
Quel qu'il
soit, de servir droitement votre maître ;
De craindre toute femme et de n'y pas songer,
Car son œil est limpide et son cœur mensonger ;
De rester toujours loin de toute vilenie ;
D'être noble d'esprit comme de nom.
Je nie
Qu'aucun amour, jamais, me puisse perdre ainsi.
Vous le promettez ?
Je le promets.
Merci. Allez voir maintenant ce qui vient par la plaine,
Et votre cœur battra, non
d'amour, mais de haine.
Et cette haine-là, monsieur, c'est le devoir.
Qu'y a-t-il donc ?
JACQUES DE VALDEROSE, sortant gaiement.
Demoiselle, au revoir.