Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText |
Guy de Maupassant La trahison de la comtesse de Rhune IntraText CT - Lecture du Texte |
SCÈNE XI
VALDEROSE, SUZANNE D'ÉGLOU
JACQUES DE VALDEROSE
Voilà donc ce qui reste après tant d'espérances !
Le bonheur le plus court est
suivi de souffrances
Où tout ce qu'on rêvait s'abîme et disparaît.
Oh ! que faire ? que faire ?... Un crime... je suis prêt.
J'ai des rages de bête et des forces d'Hercule.
Oui, je suis prêt à tout... n'aime pas qui recule.
Étreignant
sa poitrine de ses des mains.
A-t-on jamais souffert comme je souffre ici,
Aimé comme je l'aime ?
SUZANNE D'ÉGLOU, sans changer de place.
Oui, c'est toujours ainsi.
Une meule est égale à tout grain qu'elle broie,
Et ce que notre cœur peut enfermer de joie
N'est rien près de ce qu'il peut tenir de douleurs.
JACQUES DE VALDEROSE, courant à elle et lui pressant les mains malgré elle.
Ô vous, secourez-moi, plaignez-moi ! les malheurs,
Près de vous, font couler des larmes moins amères,
Femmes ! vous consolez, vous êtes les chimères
Qui soutenez nos cœurs. Secourez-moi. Vos mains
Sont des caresses d'ange aux désespoirs humains.
Vos regards endormeurs apaisent sans secousses
La chair qui crie ; et vos paroles sont si douces
Qu'on voudrait se coucher dessus. Oh ! c'est un coup
Terrible, car je l'aime, allez, ainsi qu'un fou.
Je l'aime à me tuer, même à tuer un homme
S'il le faut.
SUZANNE D'ÉGLOU, très émue et très pâle.
Taisez-vous.
JACQUES DE VALDEROSE
Certes, je l'aime comme
On n'a jamais aimé.
SUZANNE D'ÉGLOU, lui mettant une main sur la bouche et cherchant à se
dégager et à s'enfuir.
Taisez-vous donc !
JACQUES DE VALDEROSE
Je sens
Ce vide que me font tous mes espoirs absents.
SUZANNE D'ÉGLOU, suffoquant de douleur.
Moi, moi, j'entends cela, mais taisez-vous !
JACQUES DE VALDEROSE
Qu'importe !
Ayez pitié : je suis si faible et vous si forte.
SUZANNE D'ÉGLOU, éperdue et se débattant pendant que Valderose à genoux lui serre les mains.
Mais il ne comprend pas !
JACQUES DE VALDEROSE
Si vous m'abandonnez,
Je n'ai plus qu'à mourir ; secourez-moi ; tenez,
Je sens que j'ai touché votre cœur doux et tendre.
Oh ! grâce !
SUZANNE D'ÉGLOU, se dégageant
désespérément.
Laissez-moi. Je ne puis vous entendre.
Elle
s'enfuit, laissant Valderose à genoux et sanglotant.