XXII.
79 Dans Xénophon, Cyrus, au moment de mourir, parle
ainsi : “Ne croyez pas, mes très chers fils, qu’après m’être séparé de vous, je
doive n’être nulle part ou n’être plus. Alors même que je demeurais auprès de
vous, vous ne pouviez voir mon âme, mais par mes actes vous en connaissiez la
présence dans mon corps. Continuer de croire à son existence, alors même que
vous ne verrez plus rien d’elle. 80 Les grands hommes
ne seraient pas honorés comme ils le sont après leur mort, si leurs âmes
n’agissaient pas sur nous pour que leur souvenir demeure plus longtemps en
nous. Je n’ai jamais pu arriver à croire que les âmes soient vivantes alors
qu’elles sont liées à des corps mortels et frappées de mort quand elles en
sortent, je ne puis croire davantage que l’âme perde le pouvoir de penser quand
elle quitte une chose matérielle qui est elle-même sans pensée, je crois au
contraire qu’au moment où, affranchie de toute union avec la matière, elle
devient enfin elle-même dans la pureté de son essence, et alors seulement, elle
pense au sens fort qu’a le mot pour les sages. Quand la mort dissout
l’organisme humain, on voit bien où va chacune de ses parties : toutes
retournent se mêler aux éléments d’où elles étaient sorties, l’âme seule
n’apparaît aux yeux ni quand elle est présente, ni quand elle s’échappe du
corps. Vous pouvez le constater aussi,
rien ne ressemble tant à la mort que le sommeil. 81 Or c’est quand on dort que l’âme
manifeste le plus clairement sa nature divine : détendue alors et libre, elle a
d’une grande partie de l’avenir une vision anticipée. Cela permet de comprendre
quelle sera sa condition quand elle se sera entièrement dégagée des liens du
corps. S’il en est ainsi honorez-moi donc comme un dieu; alors même que l’âme
devrait périr avec le corps, respectueux des dieux qui veillent sur la beauté
du monde et le gouvernent, vous conserverez de moi un souvenir pieux et
fidèle.”
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