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"Je passe à la forme et aux usages des anciens tribunaux. Si la procédure
actuelle est plus favorable à la vérité, on conviendra aussi que l'éloquence
trouvait plus d'exercice dans ce vieux Forum, où l'on n'était pas forcé de tout
dire en quelques heures, où les remises étaient libres, où chacun prenait
l'espace qui lui semblait nécessaire, où ni le nombre des jours ni celui des
avocats n'étaient limités. Pompée dans son troisième consulat rétrécit le
premier cette carrière et donna pour ainsi dire un frein à l'éloquence, sans
que les affaires cessassent pourtant d'être toutes traitées au Forum, toutes
selon les lois, toutes devant les préteurs. Et ce qui prouve le mieux combien
étaient plus grandes les causes qui s'agitaient alors devant ces magistrats,
c'est que les questions centumvirales, aujourd'hui les plus importantes,
étaient tellement éclipsées par l'éclat des autres jugements, que, parmi les
discours de cette époque, on n'en lit pas un seul, ni de Cicéron, ni de César,
ni de Brutus, ni de Célius, ni de Calvus, ni enfin d'aucun orateur célèbre, qui
ait été prononcé devant les centumvirs, excepté les plaidoyers d'Asinius pour
les héritiers d'Urbinia. Encore furent-ils composés vers le milieu de l'empire
d'Auguste, après un long période de tranquillité, lorsque le repos inaltérable
du peuple, le calme non interrompu du sénat et le gouvernement d'un grand
prince eurent pacifié l'éloquence avec tout le reste.
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