2 Curiatius Maternus
avait lu publiquement sa tragédie de Caton, ouvrage où, s'oubliant lui-même
pour ne songer qu'à son héros, il avait, disait-on, blessé les puissances. Le lendemain de cette lecture, et lorsque la ville
entière s'occupait de ses périls, il reçut la visite de M. Aper et de Julius
Sécundus alors les deux plus célèbres talents de notre barreau. Je les fréquentais
l'un et l'autre, et, non content d'écouter curieusement leurs plaidoyers, je ne
les quittais ni à leur maison ni dehors. Un merveilleux désir d'apprendre et
une certaine ardeur de jeunesse me faisaient recueillir leurs moindres paroles,
leurs conversations, et jusqu'aux secrètes confidences de leur intimité. Ce
n'est pas que la malignité ne refusât généralement à Sécundus une élocution
facile, et ne prétendît qu'Aper devait à un heureux naturel, plutôt qu'à
l'étude et aux lettres, sa réputation d'éloquence. Le fait est que Sécundus,
toujours pur et serré, n'en avait pas moins ce qu'il fallait d'abondance ; et
Aper, de son côté, possédant une érudition ordinaire, méprisait les lettres
plutôt qu'il ne les ignorait. Il croyait sans doute que ses talents et ses
travaux en seraient plus admirés, si son génie ne paraissait emprunter l'appui
d'aucune science étrangère. Lorsque nous entrâmes dans l'appartement de
Maternus, nous le trouvâmes assis, et tenant à la main l'ouvrage qu'il avait lu
la veille.
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