Consolations
mêlées aux épreuves. Généreuses aumônes; prières pour la France.
Chaville,
28 octobre 1873
Madame la Marquise,
J'ai pris une vive part à votre affliction à l'occasion de la mort de Madame
[de la Bouteresse]
votre belle-sœur; elle était la sœur de votre cher mari, premier titre à votre affection,
que ses précieuses qualités et son vrai dévouement pour vous avaient grandement
accrue; de telles pertes ne se réparent pas ici-bas, mais Dieu les compensera
amplement au Ciel; Il ne veut pas non plus que, même en ce monde, nous restions
sans consolation; ainsi, cette privation douloureuse est déjà adoucie par les
circonstances de la mort de Madame votre belle-sœur, délivrée de longues
souffrances, et si bien préparée d'ailleurs à paraître devant le Seigneur qu'on
peut tenir pour assurée la part qui lui est faite dans le repos et le bonheur
célestes; en y pensant bien, nous n'osons pas la plaindre ni trop gémir
nous-mêmes sur un événement qui la rend heureuse; demandons plutôt qu'un sort
pareil nous soit réservé. Comment pourrions-nous, Madame la Marquise, être en
sollicitude sur la continuation de la race des Houdetot? Elle vit en votre cher
fils, qui ne paraît pas disposé à la voir s'éteindre; voilà déjà deux belles et
grosses jeunes filles pleines de vigueur, et si pressées d'arriver que la seconde
suivait presque à un pas la première; avec un peu de patience, et frères et
sœurs encore viendront à leur tour; votre entourage sera nombreux, la maison
sera pleine, vous serez grand'mère et même aïeule d'une vraie génération qui se
perpétuera jusque dans la nuit des temps; Dieu aime les familles chrétiennes,
Il les bénit et les rend fécondes, afin qu'elles continuent à l'honorer et à le
faire aimer. C'est dans cette pensée, Madame, que vous tâchez de l'adorer et de le servir vous-même; les vôtres, tout l'annonce, ne feront
pas autrement. Ayons bonne confiance, ne gâtons pas le bel horizon que l'avenir
met devant nous.
J'espère que la santé de Madame d'Hurbal est tout à fait remise et qu'elle sera
forte pour venir faire sa saison d'hiver à Paris; c'est là qu'elle trouvera, à
son choix, toutes sortes de joies chrétiennes, instructions et pieuses
solennités; à la campagne, c'est surtout en contemplant les grandes œuvres de
Dieu dans l'ordre naturel que l'âme s'édifie, mais, dans les grandes villes,
elle est vivifiée par les pompes de notre culte et par les effusions de la
parole divine; heureux sont ceux qui, tout à tour, peuvent jouir de ce double
bienfait!
Je vous remercie par avance, Madame, de la charitable aumône que vous destinez
à nos œuvres; je ne saurais la refuser puisqu'elle sera pour vous un mérite
devant Dieu et un secours pour ceux que nous désirons assister, mais je me
permets d'insister pour que vous la proportionniez, non à vos aspirations
généreuses, mais aux charges nombreuses auxquelles vous avez à subvenir.
Je ne passe pas un jour sans demander instamment, au St Sacrifice
surtout, que vos vœux pour tout ce qui vous est cher et pour vous aient leur
accomplissement; je crois que Dieu le veut et me le commande, puisqu'il a
tourné vers mon indignité votre confiance qu'à tant de titres beaucoup d'autres
mériteraient infiniment mieux; je ne m'en reconnais d'autres, pour moi, que les
sentiments de respect et de profond dévouement avec lesquels je suis
Votre humble et obéissant serviteur et
ami Le Prevost
P. S. Toutes les âmes
chrétiennes se disposent à prier avec ardeur pour que l'ordre et la paix soient
rendus à l'Eglise et à la
France; je joins ici deux petites feuilles indiquant les
exercices qu'on a résolu de faire; si vous en désirez un certain nombre, je
m'empresserai de vous les envoyer.
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