Ce qui est vraiment fait pour Dieu ne reste pas sans
effet. Dispositions pour suppléer au manque de personnel.
MLP. stimule le dévouement d'un postulant et affermit une vocation encore
fragile.
Vaugirard, 13
juillet 1856
Cher Monsieur l'abbé,
C'était, aujourd'hui dimanche, la fête du Sacré-Cœur de
Jésus dans le diocèse de Paris; j'ai fait, à l'occasion de cette solennité, un
appel tout particulier aux tendres miséricordes du Sauveur, afin d'obtenir de
Lui les moyens de constituer nos œuvres dans de bonnes conditions, qui nous
permettent de faire tout le bien que nous voudrions réaliser pour sa gloire. Je
sais, par l'expérience que nous en faisons trop souvent, combien on souffre,
quand on a un zèle sincère, de n'accomplir qu'à moitié et tout imparfaitement
des choses qu'on aurait à cœur d'exécuter consciencieusement et sans rien
négliger; c'est une des croix des œuvres naissantes; mais nous pouvons
considérer, cher Monsieur l'abbé, qu'avec la persévérance et le courage, les
entreprises qui sont vraiment faites pour Dieu ne demeurent pas indéfiniment
dans cet état d'imperfection. L'heure vient où la patience est couronnée et où
des ressources plus abondantes sont données par la divine bonté; ne nous
lassons donc pas de prier et de travailler, nos vœux seront entendus, notre
labeur aura sa récompense.
J'entrevois, comme je vous l'ai dit, la possibilité de
vous donner un sujet assez bien formé [M. Carment], sur lequel vous pourriez
vous reposer pour vous remplacer dans la surveillance générale de la maison et
concerter avec vous toutes les mesures d'ordre et de bonne direction qui vous
paraîtraient utiles; il y aurait toutefois, et inévitablement, un apprentissage
à faire pendant quelque temps par celui qui partagerait ainsi vos travaux. Ma
seule difficulté, c'est de combiner les choses de telle sorte que sa place
puisse être à peu près remplie chez nous; j'y travaille bien sincèrement. J'ai
aussi un jeune frère cordonnier [M. Thuillier], sachant bien son état et
capable de former quelques enfants; il est en ce moment chargé de divers soins
dont je tâcherai aussi de le dégager; enfin, il ne me paraît pas impossible
qu'un de nos plus expérimentés frères [M. Lantiez] aille, durant 15 jours,
installer les deux premiers et régler avec vous l'ordre habituel de leurs
travaux et exercices; tout cela est en élaboration; que le Seigneur daigne nous
assister et nous arriverons à nos fins.
Je regrette que votre jeune ecclésiastique [M. Daviron]
ne se soit pas courageusement décidé, il nous eût mis hors de peine; il ne m'a
pas écrit jusqu'ici. Ne pensez-vous pas, cher Monsieur l'abbé, que si nous
arrivions, dans un temps donné, à exécuter les mesures que nous projetons, ce
jeune ecclésiastique serait peut-être blessé en voyant qu'un autre, plus
nouveau venu dans la maison, jouit de votre confiance et semble appelé à lui
succéder dans l'emploi qu'il avait jusqu'ici?
J'ai reçu une bonne lettre de M. de Lauriston qui, je
crois, va venir nous voir; il y a, assurément, de grandes ressources dans ce
cœur vraiment délicat et dans cet esprit si bien cultivé; s'il fait un effort
généreux et se met simplement à l'œuvre avec nous, ses facultés, cessant d'être
isolées, seront toutes renouvelées et doubleront en puissance. Mais il faut
pour cela un secours de la grâce. Unissez-vous avec nous, cher Monsieur l'abbé,
pour l'obtenir; il me semble que tout l'avenir de cet excellent Monsieur dépend
de cette divine et désirable assistance.
Le jeune f. Augustin [Bassery] paraît s'asseoir dans sa
position; il vous a écrit hier, je pense qu'il vous aura dit sa pensée en toute
simplicité; je n'ai pas vu sa lettre qu'il avait montrée à M. Myionnet. Je
pense que dans quelque temps, il pourra, s'il persévère, voir sans inconvénient
les jeunes amis que vous désireriez rapprocher de lui, mais il est encore bien
peu affermi, un peu de délai me semble très désirable; ces jeunes gens venant
du dehors l'entretiendront de leurs intérêts, de leurs plaisirs, rapprocheront
leur situation de la sienne; ce serait grande tentation pour un enfant de 19
ans que les rêves et illusions du monde éblouiraient aisément; en attendant,
ces jeunes gens ne pourraient-ils aller voir à Nazareth (rue Stanislas, 11, à
Paris) nos frères qui s'occupent là des jeunes ouvriers et pourraient leur
donner de bons entourages. Vous pourriez, cher Monsieur l'abbé, les adresser
soit à M. Maignen, soit à M. l'abbé Hello.
J'aurais été bien heureux d'assister à votre fête de
famille du 21 juillet; ces occasions sont favorables pour bien unir les membres
d'une association chrétienne, mais je ne prévois pas que moi ni quelque autre
de mes frères puissions quitter la Communauté en ce moment; si pourtant la chose me
semblait praticable, je m'y prêterais avec empressement. Je souhaite
sincèrement de rendre notre union aussi vraie, aussi cordiale que possible, je
saisirai vivement toutes les occasions d'y arriver.
Adieu, cher Monsieur l'abbé, votre dernière lettre m'a
été particulièrement aimable, on y sent les commencements bien marqués de cette
confiante affection qui rendra nos rapports vraiment utiles et vraiment
édifiants pour nos âmes.
Votre bien sincèrement dévoué et affectionné serviteur en
N.S.
Le Prevost
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