Le secret de la paix: "apprendre à souffrir
volontiers".
Vaugirard, 19
novembre 1861
Bien cher enfant en N.S.,
J'apprends avec joie, par votre lettre, que votre indisposition a disparu et
que votre santé se remet entièrement; vous allez, comme par le passé, bien
employer vos forces pour la gloire de Dieu et pour l'utilité de votre œuvre;
marchez toujours ainsi, cher enfant. Je ne m'étonne point que vous rencontriez
quelques contrariétés et dégoûts; où n'y en a-t-il pas? Nous n'en manquons pas
ici, quand vous y étiez, vous en aviez votre part; dans les patronages, nos
frères ne sont pas sans peines et sans gémissements, partout la croix; le plus
sage est de porter celle que le Seigneur nous donne, de peur qu'un sort plus
dur encore ne nous advienne en voulant changer. L'unique secret pour avoir la
paix, c'est d'apprendre à souffrir volontiers, hors de cela, il n'y a
point de repos. Souffrir dans nos emplois, dans le support du prochain,
souffrir en nous-même et par nos propres imperfections, voilà le lot commun;
plus on s'irrite, plus on murmure, plus on rend la croix pénible et lourde à
porter; regardez votre crucifix quand vous êtes en épreuve, et dites: si je
n'arrive à porter ma croix avec J.C., je ne serai jamais un chrétien sérieux.
Et alors, que seriez-vous? Un chrétien faible, chancelant, moitié à Dieu,
moitié au monde, sans appui ni joie vraie ni de l'un ni de l'autre, ou bien tout
à fait au monde avec les déceptions, les remords et la crainte de l'éternité;
être tout à Dieu est le meilleur lot; Il vous l'a donné dans sa miséricorde,
gardez-le précieusement, appréciez votre bonheur.
Rappelez, je vous prie, à notre f. Caille que jeudi 21, fête de la Présentation, on fait
ordinairement le renouvellement des vœux.
Votre frère va mieux que vous ne semblez le supposer, le médecin ne montre
aucune inquiétude; il dit que l'os avait subi une petite atteinte qui devait
nécessairement disparaître avec quelque lenteur, mais que le rétablissement se
fait sensiblement.
Adieu, bien cher ami, soutenez-vous toujours par la piété, par la Sainte Communion
surtout, c'est la vie surnaturelle, elle demeurera en vous et vous préservera
de toute atteinte sérieuse.
Votre ami et Père en N.S.
Le Prevost
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