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SCENE III Une chambre du palais de l'inquisition. | «» |
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Une chambre du palais de l'inquisition.
MARIQUITA, seule, assise au pied de son lit. - Pauvre Marie, où es-tu ? que deviendras-tu ? Mariquita la folle à l'inquisition ! cela me ferait rire... La pauvre folle sera pourtant brûlée... Oh ! cela fait frissonner !... cela fait tant de mal de se brûler à la chandelle, et tout son corps dans la flamme ! (Pleurant). Là ! ils veulent me brûler, moi qui suis si bonne catholique ! moi qui n'ai pas voulu épouser le caporal Hardy seulement parce qu'il était hérétique ; et c'était un si bel homme ! cinq pieds neuf pouces ! et puis, si je l'avais suivi en Angleterre, le capitaine O'Trigger l'aurait fait sergent comme il l'avait promis, et moi j'aurais été cantinière... Ah ! que j'ai été bête ! - DAMN THEIR EYES, comme ils disaient, au diable ces cafards ! Ce sont tous des libertins. Peut-être que ces deux gros joufflus qui m'ont dit de belles paroles empêcheront le grand maigre de me mettre au feu ! Brrrr ! ne pensons plus à cela. Le mal vient assez vite. Bah ! vive la joie ! chantons, pour nous distraire, cette chanson qu'ils prennent pour de l'hébreu. (Elle chante).
«Ils mirent Grain-d'orge sur le carreau pendant qu'ils lui préparaient de
nouveaux tourments ; et, sitôt qu'il donnait signe de vie, ils le secouaient et
le retournaient.
«Puis sur une flamme dévorante ils desséchèrent la moelle de ses os...» Hélas !
pauvre Grain-d'orge ! comme il devait souffrir ! et c'est comme cela que je
souffrirai, moi. Hélas ! faut-il que je sois brûlée !
ANTONIO, entrant. - En ce monde
- et dans l'autre.
MARIQUITA, s'éloignant avec effroi.
- Ha ! déjà ! quoi, déjà !
ANTONIO - Maria !
MARIQUITA, de même. - Seulement un
quart d'heure encore !
ANTONIO - Maria... je suis à toi... tout
à toi... je ne suis plus l'inquisiteur... je suis Antonio... je veux être...
MARIQUITA, de même. - Mon bourreau
! vous êtes mon bourreau !
ANTONIO - Non, non... pas ton bourreau...
ton ami... nous ne serons qu'un corps et qu'une âme... Soyons comme Adam et Eve.
MARIQUITA, s'approchant. - Comment !
mon père, vous mon amant !
ANTONIO - Amant, amant ! oui, ton amant !
aimons-nous toujours.
MARIQUITA - Oui !... mais faites-moi sortir
d'ici.
ANTONIO - Oui, mais aime-moi d'abord.
MARIQUITA - Nous aurons le temps ensuite.
Sauvons-nous, c'est le plus pressé.
ANTONIO, avec délire. -
Mariquita, vois-tu, j'abjure mes voeux ; je ne suis plus prêtre, je veux être
ton amant... ton mari, ton amant... Nous allons nous sauver ensemble dans les déserts... nous mangerons
ensemble des fruits sauvages comme les ermites...
MARIQUITA - Bah ! il vaudrait mieux tâcher
d'aller à Cadiz. Il y a toujours des vaisseaux pour l'Angleterre. C'est un bon
pays. On dit que les prêtres y sont mariés. Il n'y a pas d'inquisition.
Le capitaine O'Trigger...
ANTONIO - Cesse, mon épouse, ne parle pas
de ces capitaines anglais... je n'aime pas à t'entendre parler d'eux.
MARIQUITA - Déjà jaloux ? Partons vite.
ANTONIO - Tout à l'heure. Mais montre-moi
que tu m'aimes auparavant.
MARIQUITA - Eh bien ! vite. - Vous êtes
bien innocent !...
ANTONIO - Innocent ! Innocent ! moi le
plus grand pécheur ! un réprouvé ! un damné ! un damné ! mais je t'aime, et je
renonce au paradis pour contempler tes yeux.
MARIQUITA - Partons, partons, et puis nous
ferons l'amour ensuite comme deux tourtereaux. Tiens. - (Elle
l'embrasse).
ANTONIO, criant. - Qu'est-ce que
l'enfer quand on est heureux comme moi !
RAFAEL, entrant et se signant. -
Vive Jésus ! que vois-je ?
ANTONIO - Rafael !
RAFAEL - Scélérat ! c'est donc ainsi que
tu profanes la croix que tu portes ?
ANTONIO - Seigneur Rafael, je ne suis
plus prêtre, je suis l'époux de Mariquita... Bénissez notre mariage...
mariez-nous. (Il se met à genoux).
RAFAEL - La malédiction de Dieu sur ta
tête !
ANTONIO, le prenant au collet. -
Marie-moi, ou je te tue ! (Ils luttent quelque temps. Antonio renverse
Rafael ; celui-ci tire un poignard).
MARIQUITA - Prends garde à toi,
l'innocent !
ANTONIO lui arrache le poignard. -
Tiens, maudit ! (Il le frappe).
RAFAEL - Ha !... je suis mort ! et le
diable m'attend !... Antonio, tu es plus fin... que moi... Qui l'eût dit !....
Va, je te pardonne pour la ruse, et puis... parce que je ne suis pas.... me venger... Adieu... je vais
commander la chaudière... En attendant.... jouis de ton reste... Domingo... je
l'ai enfermé... j'ai écarté les surveillants... mais tu m'as prévenu... Tu
n'es pas si bête... que je l'avais...
ANTONIO, atterré. - Tu ne dis pas
tes prières ?
RAFAEL, riant. - Mes prières !...
ha, ha, ha !... m'y voilà. (Il meurt).
MARIQUITA - Je vais prendre sa robe, et
nous passerons sans être reconnus.
ANTONIO - En une heure je suis devenu
fornicateur, parjure, assassin.
MARIQUITA - En voyant cette fin tragique,
vous direz, je crois, avec nous qu'UNE FEMME EST
UN DIABLE.
ANTONIO - C'est ainsi que finit la
première partie de la TENTATION DE SAINT ANTOINE. Excusez les fautes de l'auteur.
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