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ACTE PREMIER SCÈNE II Au château. LA BARONNE, CÉCILE, UN ABBÉ, UN MAÎTRE DE DANSE. La baronne, assise, cause avec l’abbé en faisant de la tapisserie. Cécile prend sa leçon de danse. |
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Au château.
LA BARONNE, CÉCILE, UN ABBÉ, UN MAÎTRE DE DANSE.
La baronne, assise, cause avec l’abbé en faisant de la tapisserie. Cécile prend sa leçon de danse.
LA BARONNE.
C’est une chose assez singulière que je ne trouve pas mon peloton bleu.
L’ABBÉ.
Vous le teniez il y a un quart d’heure ; il aura roulé quelque part.
Si mademoiselle veut faire encore la poule, nous nous reposerons après cela.
Je veux apprendre la valse à deux temps.
Madame la baronne s’y oppose. Ayez la bonté de tourner la tête, et de me faire des oppositions.
L’ABBÉ.
Que pensez-vous, madame, du dernier sermon ? ne l’avez-vous pas entendu ?
LA BARONNE.
C’est vert et rosé, sur fond noir, pareil au petit meuble d’en haut.
L’ABBÉ.
Plaît-il ?
LA BARONNE.
Ah ! pardon, je n’y étais pas.
L’ABBÉ.
J’ai cru vous y apercevoir.
LA BARONNE.
Où donc ?
L’ABBÉ.
À Saint-Roch, dimanche dernier.
LA BARONNE.
Mais oui, très bien. Tout le monde pleurait ; le baron ne faisait que se moucher. Je m’en suis allée à la moitié, parce que ma voisine avait des odeurs, et que je suis en ce moment-ci entre les bras des homéopathes.
Mademoiselle, j’ai beau vous le dire, vous ne faites pas d’oppositions. Détournez donc légèrement la tête, et arrondissez-moi les bras.
Mais, monsieur, quand on ne veut pas tomber, il faut bien regarder devant soi.
Fi donc ! C’est une chose horrible. Tenez, voyez ; y a-t-il rien de plus simple ? Regardez-moi ; est-ce que je tombe ? Vous allez à droite, vous regardez à gauche ; vous allez à gauche, vous regardez à droite ; il n’y a rien de plus naturel.
LA BARONNE.
C’est une chose inconcevable que je ne trouve pas mon peloton bleu.
Maman, pourquoi ne voulez-vous donc pas que j’apprenne la valse à deux temps ?
LA BARONNE.
Parce que c’est indécent. Avez-vous lu Jocelyn ?
L’ABBÉ.
Oui, madame, il y a de beaux vers ; mais le fond, je vous l’avouerai…
LA BARONNE.
Le fond est noir ; tout le petit meuble l’est ; vous verrez cela sur du palissandre.
Mais, maman, miss Clary valse bien, et mesdemoiselles de Raimbaut aussi.
LA BARONNE.
Miss Clary est Anglaise, mademoiselle. Je suis sûre, l’abbé, que vous êtes assis dessus.
L’ABBÉ.
Moi, madame ! sur Miss Clary !
LA BARONNE.
Eh ! c’est mon peloton, le voilà. Non, c’est du rouge ; où est-il passé ?
L’ABBÉ.
Je trouve la scène de l’évêque fort belle ; il y a certainement du génie, beaucoup de talent, et de la facilité.
Mais, maman, de ce qu’on est Anglaise, pourquoi est-ce décent de valser ?
LA BARONNE.
Il y a aussi un roman que j’ai lu, qu’on m’a envoyé de chez Mongie. Je ne sais plus le nom, ni de qui c’était. L’avez-vous lu ? C’est assez bien écrit.
L’ABBÉ.
Oui, madame. Il semble qu’on ouvre la grille. Attendez-vous quelque visite ?
LA BARONNE.
Ah ! c’est vrai ; Cécile, écoutez.
Madame la baronne veut vous parler, mademoiselle.
L’ABBÉ.
Je ne vois pas entrer de voiture ; ce sont des chevaux qui vont sortir.
CÉCILE, s’approchant.
LA BARONNE.
Non. Ah ! oui. Il va venir quelqu’un ; baissez-vous donc que je vous parle à l’oreille. −C’est un parti. Êtes-vous coiffée ?
Un parti ?
LA BARONNE.
Oui, très convenable. – Vingt-cinq à trente ans, ou plus jeune ; – non, je n’en sais rien ; très bien ; allez danser.
Mais, maman, je voulais vous dire…
LA BARONNE.
C’est incroyable où est allé ce peloton. Je n’en ai qu’un de bleu, et il faut qu’il s’envole.
Madame la baronne, je vous souhaite le bonjour. Mon neveu n’a pu venir avec moi ; il m’a chargé de vous présenter ses regrets, et d’excuser son manque de parole.
LA. BARONNE.
Ah bah ! vraiment, il ne vient pas ? Voilà ma fille qui prend sa leçon ; permettez-vous qu’elle continue ? Je l’ai fait descendre, parce que c’est trop petit chez elle.
J’espère bien ne déranger personne. Si mon écervelé de neveu…
LA BARONNE.
Vous ne voulez pas boire quelque chose ? Asseyez-vous donc. Comment allez-vous ?
Mon neveu, madame, est bien fâché…
LA BARONNE.
Écoutez donc que je vous dise. L’abbé, vous nous restez, pas vrai ? Eh bien ! Cécile, qu’est-ce qui t’arrive ?
Mademoiselle est lasse, madame.
LA BARONNE.
Chansons ! si elle était au bal, et qu’il fût quatre heures du matin, elle ne serait pas lasse, c’est clair comme le jour. – Dites-moi donc, vous,
J’en ai peur ; et s’il faut tout dire…
LA BARONNE.
Ah bah ! il refuse ? Eh bien ! c’est joli.
Mon Dieu, madame, n’allez pas croire qu’il y ait là de ma faute en rien. Je vous jure bien par l’âme de mon père…
LA BARONNE.
Enfin il refuse, pas vrai ? C’est manqué ?
Mais, madame, si je pouvais sans mentir…
On entend un grand tumulte au dehors.
LA BARONNE.
Qu’est-ce que c’est ? regardez donc, l’abbé.
L’ABBÉ.
Madame, c’est une voiture versée devant la porte du château. On apporte ici un jeune homme qui semble privé de sentiment.
LA BARONNE.
Ah ! mon Dieu ! un mort qui m’arrive ! Qu’on arrange vite la chambre verte. Venez, Van Buck, donnez-moi le bras. [