Victor Hugo
Les Burgraves

PREMIÈRE PARTIE L’AÏEUL

SCÈNE II.

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SCÈNE II.

OTBERT, RÉGINA.

 

OTBERT.

 

Quoi !

Régine, est-il possible ! est-ce vous que je voi ?

 

RÉGINA.

 

Otbert ! Otbert ! je vis, je parle, je respire ;

Mes pieds peuvent marcher, ma bouche peut sourire,

Je n’ai plus de souffrance et je n’ai plus d’effroi,

Je vis, je suis heureuse, et je suis toute à toi !

 

OTBERT, la contemplant.

 

Ô bonheur !

 

RÉGINA.

 

Cette nuit, j’ai dormi, mais – sans fièvre.

Ton nom, si j’ai parlé, seul entrouvrait ma lèvre.

Quel doux sommeil ! vraiment, non, je n’ai pas souffert.

Quand le soleil levant m’a réveillée, Otbert,

Otbert ! il m’a semblé que je me sentais naître.

Les passereaux joyeux chantaient sous ma fenêtre,

Les fleurs s’ouvraient, laissant leurs parfums fuir aux cieux ;

Moi, j’avais l’âme en joie, et je cherchais des yeux

Tout ce qui m’envoyait une haleine si pure,

Et tout ce qui chantait dans l’immense nature ;

Et je disais tout bas, l’œil inondé de pleurs :

Ô doux oiseaux, c’est moi ! c’est bien moi, douces fleurs !

 

– Je t’aime, ô mon Otbert !

 

Elle se jette dans ses bras. Tirant le flacon de son sein.

 

Cette fiole est la vie.

Tu m’as guérie, Otbert ! ami ! tu m’as ravie

À la mort. Défends-moi de Hatto maintenant.

 

OTBERT.

 

Régina, ma beauté, mon ange rayonnant,

Ma joie ! Oui, je saurai terminer mon ouvrage.

Mais ne m’admire pas. Je n’ai pas de courage,

Je n’ai pas de vertu, je n’ai que de l’amour.

Tu vis ! devant mes yeux je vois un nouveau jour.

Tu vis ! je sens en moi comme une âme nouvelle.

Mais regarde-moi donc ! ô mon Dieu, qu’elle est belle !

Vrai, tu ne souffres plus ?

 

RÉGINA.

 

Non. Plus rien. C’est fini.

 

OTBERT.

 

Soyez béni, mon Dieu !

 

RÉGINA.

 

Mon Otbert, sois béni !

 

Tous deux restent un moment silencieux se tenant embrassés.

Puis Régina s’arrache des bras d’Otbert.

 

Mais le bon comte Job m’attend. – Mon bien suprême !

J’ai voulu seulement te dire que je t’aime.

Adieu.

 

OTBERT.

 

Reviens !

 

RÉGINA.

 

Bientôt. Mais je cours, il m’attend.

 

OTBERT, tombant à genoux et levant les yeux au ciel.

 

Merci, Seigneur, elle est sauvée !

 

Guanhumara au fond du théâtre.

 


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