Jean-Henri Fabre
Souvenirs entomologiques - III
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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES - LIVRE III

CHAPITRE VI LA THÉORIE DU PARASITISME

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CHAPITRE VI

LA THÉORIE DU PARASITISME

 

La Mélecte fait ce qu’elle peut, telle qu’elle est douée. Je m’en tiendrais là si je n’avais à peser un grave reproche qui lui est fait. On l’accuse d’avoir perdu, par défaut d’usage et paresse, les outils de travailleur dont elle était nantie au début, dit-on. Se trouvant bien de ne rien faire, élevant sa famille sans frais, aux détriments d’autrui, elle aurait graduellement inspiré à sa race l’horreur du travail. Les instruments de récolte, de moins en moins employés, se seraient réduits, effacés, comme organes inutiles ; l’espèce se serait modifiée en une autre ; et finalement, de l’honnête ouvrière du début, la paresse aurait fait un parasite. Me voilà conduit à une théorie du parasitisme, fort simple, séduisante et digne de tous les honneurs de la discussion. Exposons-la d’abord.

 

Quelque mère, sur la fin des travaux, pressée de pondre et trouvant à sa convenance des cellules approvisionnées par ses pareilles, a pu se décider à leur confier ses œufs. Le temps manquant pour l’édification du nid et la récolte, usurper l’œuvre d’autrui était une nécessité pour la retardataire, désireuse de sauver sa famille. Ainsi dispensée des lenteurs et des fatigues du travail, affranchie de tout souci autre que celui de la ponte, elle laissa progéniture qui fidèlement hérita de la paresse maternelle, et la transmit à son tour, de mieux en mieux accentuée, à mesure que les générations se succédaient, car la concurrence vitale faisait de cette façon expéditive de s’établir une condition des plus favorables au succès de la descendance. En même temps, les organes de travail, sans emploi, s’atrophiaient, disparaissaient, tandis que certains détails de forme et de coloration se modifiaient plus ou moins pour s’adapter aux circonstances nouvelles. Ainsi s’est définitivement fixée la lignée parasite.

 

Cette lignée cependant n’est pas tellement transformée qu’on ne puisse, dans certains cas, remonter à ses origines. Le parasite a gardé plus d’un trait de ces ancêtres travailleurs. Ainsi les Psithyres ont une extrême ressemblance avec les Bourdons, dont ils sont les parasites et les dérivés. Les Stelis conservent la physionomie ancestrale des Anthidies ; les Cœlioxys rappellent les Mégachiles.

 

Ainsi parle le transformisme avec luxe de preuves tirées, non seulement de la conformité dans l’aspect général, mais aussi de la similitude dans les particularités les plus minutieuses. Rien n’est petit, j’en suis convaincu tout autant qu’un autre ; j’admire la précision inouïe des détails donnés pour base à la théorie. Suis-je convaincu ? À tort, ou à raison, ma tournure d’esprit ne tient pas en grande faveur des minuties de structure ; un article des palpes me laisse assez froid ; une touffe de poils ne me semble pas argument sans réplique. Je préfère interroger directement l’animal, et lui laisser dire ses passions, son genre de vie, ses aptitudes. Son témoignage entendu, nous verrons ce que devient la théorie du parasitisme.

 

Avant de céder la parole à la bête, pourquoi ne dirais-je pas ce que j’ai sur le cœur ? Et tenez, tout d’abord, je n’aime pas cette paresse, favorable, dit-on, à la prospérité de l’animal. J’avais toujours cru, et je m’obstine encore à croire, que l’activité seule fortifie le présent et assure l’avenir, aussi bien de l’animal que de l’homme. Agir, c’est vivre ; travailler, c’est progresser. L’énergie d’une race se mesure à la somme de son action.

 

Non, je n’aime pas du tout cette paresse scientifiquement préconisée. Nous avons bien assez, comme cela, de brutalités zoologiques : l’homme, fils du macaque ; le devoir, préjugé d’imbéciles ; la conscience, leurre de naïfs ; le génie, névrose ; l’amour de la patrie, chauvinisme ; l’âme, résultante d’énergies cellulaires ; Dieu, mythe puéril. Entonnons le chant de guerre et dégainons le scalp ; nous ne sommes ici que pour nous entre-dévorer ; l’idéal est le coffre à dollars du marchand de porc salé de Chicago ! Assez, bien assez comme cela ! Que le transformisme ne vienne pas maintenant battre en brèche la sainte loi du travail. Je ne le rendrai pas responsable de nos ruines morales ; il n’a pas l’épaule assez robuste pour un pareil effondrement ; mais enfin il y a contribué de son mieux.

 

Non, encore une fois, je n’aime pas ces brutalités qui, reniant tout ce qui donne quelque dignité à notre misérable vie, étouffent notre horizon sous la cloche asphyxiante de la matière. Ah ! ne venez pas m’interdire de penser, ne serait-ce qu’un rêve, à la personnalité humaine responsable, à la conscience, au devoir, à la dignité du travail. Tout s’enchaîne ; si l’animal se trouve bien, pour lui et pour sa race, de ne rien faire et d’exploiter autrui, pourquoi l’homme, son descendant, se montrerait-il plus scrupuleux ? On irait loin avec le principe de la paresse, mère de la prospérité. J’en ai assez dit pour mon compte ; je laisse la parole à la bête, plus éloquente.

 

Est-on bien sûr que les mœurs parasitaires soient dérivées de l’amour de l’inaction ? Le parasite est-il devenu ce qu’il est parce qu’il a trouvé excellent de ne rien faire ? Le repos est-il pour lui avantage si grand que, pour l’obtenir, il ait renié ses antiques usages ? Eh bien, depuis que je fréquente l’hyménoptère dotant sa famille de l’avoir des autres, je n’ai encore rien vu qui, chez lui, dénotât le fainéant. Le parasite, tout au contraire, mène vie pénible, plus rude que celle des travailleurs. Suivons-le sur un talus calciné par le soleil. Comme il est affairé, soucieux ; comme il arpente d’un pas brusque la nappe ensoleillée ; comme il se dépense en recherches interminables, en visites le plus souvent infructueuses ! Avant d’avoir fait rencontre d’un nid qui lui convienne, il a plongé cent fois dans des cavités sans valeur, dans des galeries non encore approvisionnées. Et puis, si bénévole que soit l’hôte, le parasite n’est pas toujours des mieux reçus dans l’hôtellerie. Non, tout n’est pas rose dans son métier. La dépense de temps et de fatigue qu’il lui faut pour caser un œuf, pourrait bien être égale et même supérieure à celle du travailleur pour édifier sa cellule et remplir de miel. Ce dernier a travail régulier et continu, excellente condition pour le succès de sa ponte ; l’autre a besogne ingrate et chanceuse, subordonnée à une foule d’accidents qui compromettent le dépôt des œufs. Il suffit d’avoir vu les longues hésitations d’un Cœlioxys, recherchant les cellules des Mégachiles, pour reconnaître que l’usurpation du nid d’autrui n’est pas sans difficultés sérieuses. S’il s’est fait parasite pour rendre l’éducation des siens plus aisée et plus prospère, il a été certes fort mal inspiré. Au lieu du repos, rude besogne ; au lieu de la famille florissante, lignée réduite.

 

À des généralités, forcément vagues, adjoignons des faits précis. – Un Stelis (Stelis nasuta, Latr.) est parasite du Chalicodome des murailles. Lorsque l’Abeille maçonne a terminé sur son galet son dôme de cellules, le parasite survient, longtemps explore le dehors du domicile, et se propose, lui chétif, d’introduire ses œufs dans la forteresse de ciment. Tout est clos de la façon la plus rigoureuse ; une couche de crépi, épaisse d’un centimètre au moins, enveloppe de partout l’amas central des cellules, elles-mêmes scellées, chacune avec un épais tampon de mortier. Et c’est le miel de ces loges, si fortement défendues, qu’il s’agit d’atteindre en perçant la paroi, presque aussi dure que le roc.

 

Le parasite bravement se met au travail, le fainéant se fait âpre laborieux. Atome par atome, il perfore l’enceinte générale, il s’y creuse un puits tout juste suffisant pour son passage ; il arrive à l’opercule de la loge et la ronge jusqu’à ce que les provisions convoitées apparaissent. Cette effraction est besogne lente et pénible où le faible Stelis s’exténue, car le mortier est presque l’équivalent du ciment romain. De la pointe du couteau, je ne l’entame moi-même qu’avec difficulté. Quels patients efforts ne suppose donc pas ce travail avec les minuscules pinces du parasite !

 

J’ignore au juste le temps que met le Stelis à faire le puits d’entrée ; n’ayant jamais eu l’occasion ou plutôt la patience de le suivre du commencement à la fin de l’ouvrage ; ce que je sais bien, c’est qu’un Chalicodome des murailles, incomparablement plus gros et plus robuste que son parasite, démolissant sous mes yeux le couvercle d’une cellule scellée de la veille, n’a pu venir à bout de son entreprise dans les quelques heures d’un après-midi. J’ai lui venir en aide pour reconnaître, avant la fin de la journée, le but de son effraction. Quand le mortier de la Maçonne a fait prise, sa résistance est celle de la pierre. Or le Stelis n’a pas seulement à percer le couvercle du magasin à miel ; il doit percer en outre le revêtement général du nid. Quel temps lui faut-il donc pour venir à bout de pareil travail, énorme pour l’ouvrier !

 

Tant d’efforts aboutissent. Le miel apparaît. Le Stelis se glisse jusqu’aux provisions et dépose à leur surface, côte à côte avec l’œuf respecté du Chalicodome, un nombre variable de ses propres œufs. Entre tous les nouveau-nés, étrangers et fils de la Maçonne, les vivres seront en commun.

 

La demeure violée ne peut rester ainsi, exposée aux maraudeurs du dehors ; le parasite doit murer lui-même la brèche qu’il vient de pratiquer. De démolisseur, le Stelis se fait donc constructeur. Au pied du galet, il cueille un peu de cette terre rouge caractéristique de nos plateaux caillouteux à végétation de lavande et de thym ; il en fait mortier en l’imbibant de salive ; et des pelotes ainsi préparées, il comble le puits d’entrée avec les soins et l’art d’un vrai maître maçon. Seulement, son œuvre tranche par la couleur sur celle, du Chalicodome. Celui-ci va récolter sa poudre à ciment sur la grande route voisine, dont le macadam est en cailloux calcaires, et très rarement fait usage de la terre rouge sur laquelle repose le galet où le nid est édifié. Apparemment ce choix est dicté par des propriétés chimiques mieux en rapport avec la solidité de la construction. Le calcaire de la route, gâché avec de la salive, fournit ciment plus dur que ne le ferait l’argile rouge. Toujours est-il que le nid du Chalicodome est blanchâtre à cause de l’origine de ses matériaux. Lorsque sur ce fond pâle, un point rouge apparaît, large de quelques millimètres, c’est le signe certain qu’un Stelis a passé par là. Ouvrons la cellule située sous la tâche rouge : nous y trouverons établie la nombreuse famille du parasite. Le point ferrugineux est l’enseigne infaillible de la demeure usurpée, du moins avec la nature du terrain de mon voisinage.

 

Voilà donc le Stelis d’abord mineur acharné, usant la mandibule contre le roc ; puis pétrisseur d’argile et plâtrier restaurateur de plafonds crevés. Son métier ne paraît pas des moins rudes. Or, que faisait-il avant de s’adonner au parasitisme ? D’après son aspect, nous assure le transformisme, il était Anthidie, c’est-à-dire qu’il travaillait la molle ouate cueillie sur les tiges sèches des plantes laineuses ; et la façonnait en bourses, où s’amassait la poussière pollinique récoltée sur les fleurs à l’aide d’une brosse ventrale. Ou bien encore, issu d’une série voisine des ouvriers en cotonnades, édifiait-il des cloisons de résine dans la rampe spirale d’un escargot mort. Tel était le métier de ses ancêtres.

 

Comment ! pour éviter travail trop long et trop pénible, pour se faire la vie douce, pour se donner du loisir favorable à l’établissement de sa famille, l’antique ourdisseur de coton ou bien l’antique collecteur de larmes de résine, se serait fait rongeur de ciment durci ; lui qui léchait le nectar des fleurs se serait décidé à mâcher le tuf ! Le malheureux s’exténue à sa besogne de forçat lorsqu’il lime la pierre du bout de la dent. Pour éventrer une cellule, il dépense plus de temps qu’il n’en mettrait à façonner une bourse d’ouate et à la remplir de pâtée. S’il a cru progresser, faire mieux dans son intérêt et dans celui des siens, en abandonnant les délicates occupations d’autrefois, avouons qu’il s’est étrangement mépris. La méprise ne serait pas plus grande si les doigts habitués aux tissus de luxe quittaient le velours et la soie pour aller manier les blocs du carrier ou casser des cailloux sur la route.

 

Non : l’animal ne commet pas la sottise d’aggraver volontairement son genre de vie ; conseillé par la paresse, il ne quitte pas un état pour en embrasser un autre plus pénible ; s’il se trompe une fois, il n’inspire pas à sa descendance le désir de persévérer dans une coûteuse aberration. Non : le Stelis n’a pas abandonné l’art délicat du feutrage en coton pour abattre des murs et broyer du ciment, genre de travail de trop peu d’attrait pour faire oublier les joies de la récolte sur les fleurs. Par fainéantise, il ne dérive pas d’un Anthidie. Il a toujours été ce qu’il est aujourdhui : patient travailleur à sa manière, ouvrier tenace dans la corvée qui lui est échue.

 

La mère qui, pressée de pondre, a la première, dans les anciens âges, violé la demeure de ses pareilles pour y déposer ses œufs, a reconnu, dites-vous, son indélicate méthode très propre au succès de sa race comme économie de peine et de temps. L’impression laissée par cette nouvelle tactique a été si profonde, que l’atavisme, en a fait hériter la descendance, dans des proportions toujours plus grandes, si bien que les mœurs parasitaires se sont définitivement fixées. Le Chalicodome des hangars et puis l’Osmie tricorne vont nous apprendre ce que nous devons penser de cette conjecture.

 

J’ai raconté ailleurs l’installation de mes ruches de Chalicodomes contre les murs d’un porche s’ouvrant au midi. Là sont appendues à hauteur d’homme, à portée commode de l’observation, des tuiles enlevées pendant l’hiver des toitures voisines, avec leurs nids énormes et leur population. Depuis cinq à six ans, le mois de mai venu, j’assiste assidûment aux travaux de mes maçonnes. Du registre des notes recueillies sur leur compte, j’extrais les expériences suivantes relatives à mon sujet.

 

Déjà, lorsque je dépaysais les Chalicodomes pour étudier leur aptitude à retrouver le nid, j’avais reconnu que si l’absence se prolongeait trop, les retardataires trouvaient, à leur arrivée, leurs cellules closes. Des voisines en avaient profité pour y pondre après avoir achevé la construction et l’approvisionnement. Le bien abandonné profitait à une autre. L’usurpation constatée, l’abeille revenant de son long voyage se consolait bientôt de la mésaventure. Elle se mettait à rompre les scellés d’une cellule quelconque, voisine de la sienne ; ce que les autres laissaient faire ; trop préoccupées sans doute de l’œuvre présente pour chercher noise à la violatrice de l’œuvre passée. Le couvercle détruit, avec une sorte de hâte fiévreuse qui veut rendre vol pour vol, l’abeille maçonnait un peu, approvisionnait un peu comme pour reprendre le fil de ses occupations, détruisait l’œuf présent, déposait le sien et clôturait. Il y avait là un trait de mœurs digne d’examen approfondi.

 

Sur les onze du matin, au plus fort des travaux, je marque de couleurs diverses pour les distinguer l’un de l’autre, une dizaine de Chalicodomes occupés soit à bâtir soit à dégorger du miel. Je marque de la même manière les cellules correspondantes. Une fois le signe coloré bien sec, je capture les dix abeilles et les mets isolément dans des cornets de papier. Le tout est enfermé dans une boîte jusqu’au lendemain. Après vingt-quatre heures de captivité, je lâche les recluses. En leur absence, leurs cellules ont disparu sous une couche de constructions récentes ; ou bien, si elles sont encore à découvert, elles sont closes et d’autres en ont profité.

 

Toutes les dix, sauf une, regagnent, aussitôt libres, leur tuile respective. Elles font mieux, tant leur mémoire est fidèle malgré les troubles d’une incarcération prolongée : elles regagnent la cellule qu’elles ont bâtie, la chère cellule usurpée ; elles en explorent minutieusement le dehors, ou du moins l’étroit voisinage quand elle a disparu sous des constructions nouvelles. Si le domicile n’est pas désormais inaccessible, il se trouve du moins occupé par un œuf étranger et la porte en est solidement close. À ce revers de fortune, les expropriées opposent la brutale loi du talion : œuf pour œuf, loge pour loge. Tu m’as volé ma cellule, je te volerai la tienne. Et sans hésiter longtemps, elles se mettent à forcer le couvercle d’une loge à leur convenance. C’est tantôt de leur propre demeure qu’elles reprennent possession si l’accès en est possible ; tantôt et plus souvent, c’est de la demeure d’autrui, même assez loin du logis primitif, qu’elles s’emparent.

 

Patiemment elles rongent le couvercle de mortier. Le crépi général n’étant déposé qu’à la fin des travaux sur l’ensemble des cellules, il leur suffit de démolir l’opercule, travail dur et lent, mais non disproportionné à la vigueur de leurs mandibules. Elles pulvérisent donc la porte, la rondelle de ciment. L’effraction s’accomplit le plus paisiblement du monde, sans qu’aucune des voisines, parmi lesquelles ne peut manquer de se trouver la principale intéressée, intervienne et proteste contre ce but odieux. Autant l’abeille est jalouse de sa loge actuelle, autant elle est oublieuse de sa loge d’hier. Pour elle, le présent est tout ; le passé n’est rien et l’avenir pas davantage. La population de la tuile laisse donc faire en paix les enfonceuses de portes ; nulle n’accourt à la défense d’un logis qui pourrait bien être son œuvre. Ah ! comme les choses se passeraient autrement si la cellule était encore sur le chantier ! Mais elle date d’hier, d’avant-hier et l’on n’y songe plus.

 

C’est fait : le couvercle est démoli, l’accès est libre. Quelque temps, l’abeille se tient inclinée sur la cellule, la tête plongeant à demi, comme en contemplation. Elle part, elle revient indécise ; enfin son parti est pris. À la surface du miel, l’œuf est happé et jeté à la voirie sans plus de cérémonie que l’abeille n’en mettrait à débarrasser le logis d’une souillure. J’ai vu, j’ai revu cet odieux méfait ; je confesse l’avoir provoqué à nombreuses reprises. Pour établir son œuf, la Maçonne est d’une féroce indifférence pour l’œuf des autres, ses compagnes.

 

J’en vois après qui approvisionnent, dégorgent du miel et brossent du pollen dans la cellule déjà complètement approvisionnée ; j’en vois qui maçonnent un peu à l’orifice, qui appliquent au moins quelques truelles de mortier. On dirait que l’abeille, bien que les vivres et l’édifice soient à perfection, reprend les travaux au point où elle les a laissés il y a vingt-quatre heures.

 

Finalement, l’œuf est pondu et l’orifice clôturé. Sur le nombre de mes incarcérées, une plus impatiente que les autres, renonce aux lenteurs de l’érosion de l’opercule et se décide au rapt de par le droit du plus fort. Elle déloge la propriétaire d’une cellule à demi approvisionnée, fait longtemps bonne garde sur le seuil du logis, et quand elle se sent maîtresse des lieux, se met à compléter l’approvisionnement. Je suis l’expropriée du regard. Je la vois s’emparer par effraction d’une cellule close et se comporter en tous points comme les Chalicodomes retenus longtemps captifs.

 

Cette expérience avait portée trop grande pour ne pas mériter la confirmation du fait répété. Presque chaque année, je l’ai reprise, toujours avec le même succès. J’ajoute seulement que parmi les abeilles mises, par mes artifices, dans la nécessité de réparer le temps perdu, quelques-unes se montrent d’humeur plus accommodante. J’en ai vues bâtissant à nouveau, comme si rien d’extraordinaire ne s’était passé ; d’autres détermination bien rare, allant s’établir sur une autre tuile, comme pour éviter une société de larrons ; d’autres enfin apportant des pelotes de mortier et perfectionnant avec zèle le couvercle de leur propre cellule, bien que celle-ci renfermât un œuf étranger. Néanmoins le cas le plus fréquent est celui de l’effraction.

 

Encore un détail qui n’est pas sans valeur. Il n’est pas nécessaire d’intervenir soi-même et d’incarcérer quelque temps des Chalicodomes pour assister aux violences que je viens de raconter. Si l’on suit assidûment les travaux de l’essaim, une surprise peut vous être ménagée de loin en loin. Un Chalicodome survient qui, sans motifs à vous connus, fracture une porte et fait sa ponte dans la cellule violée. D’après ce qui précède, je vois dans l’abeille coupable une retardataire, retenue loin du chantier par un accident, ou bien emportée à distance par un coup de vent. De retour, après une absence de quelque durée, elle trouve sa place prise, sa loge utilisée par une autre. Victime d’une usurpation comme les séquestrées dans un cornet de papier, elle se comporte comme elles et se dédommage de sa perte en forçant la cellule d’autrui.

 

Enfin il importait de savoir comment agissent, après leur coup de violence, les Maçonnes qui viennent d’enfoncer une porte, d’expulser brutalement l’œuf inclus et de le remplacer par leur propre ponte. Le couvercle refait à neuf et tout remis en ordre, vont-elles continuer leur brigandage en exterminant l’œuf des autres pour faire place au leur ? En aucune manière. La vengeance, ce plaisir des dieux et peut-être aussi des abeilles, est suffisante après une cellule éventrée. Toute colère est apaisée lorsque est casé l’œuf pour lequel on avait tant travaillé. Désormais les incarcérées comme les retardataires par accident, reprennent, pêle-mêle avec les autres, leur habituel travail. Honnêtement elles construisent, honnêtement elles approvisionnent, sans plus songer à mal. Le passé est complètement oublié jusqu’à nouveau désastre.

 

Revenons aux parasites. Une mère, par hasard, s’est trouvée maîtresse du nid d’autrui. Elle en a profité pour lui confier sa ponte. L’expéditive méthode, si commode pour la mère et si favorable au succès de sa race, a fait impression vive jusqu’au point de transmettre à la descendance la paresse maternelle. Par degrés, le travailleur s’est ainsi constitué parasite.

 

À merveille. Cela marche tout seul, comme sur des roulettes, tant qu’il suffit de jeter nos conceptions sur le papier. Mais consultons un peu les réalités, s’il vous plaît ; avant d’argumenter sur le probable, informons-nous de ce qui est. Voici le Chalicodome des hangars qui nous en apprend de singulières. Fracturer le couvert d’un logis qui ne lui appartient pas, jeter l’œuf à la porte et le remplacer par le sien, est chez lui pratique usitée de tout temps. Je n’ai pas besoin d’intervenir pour lui faire commettre l’effraction ; il la commet de lui-même lorsque ses droits sont lésés à la suite d’une absence trop prolongée. Depuis que sa race pétrit du ciment, il connaît la loi du talion. Des siècles de siècles, comme il en faut aux évolutionnistes, ont invétéré en lui l’usurpation violente. De plus, le rapt est pour la mère d’une commodité sans pareille. Plus de ciment à gratter du bout des mandibules sur le sentier durci, plus de mortier à pétrir, plus de pisé à construire, plus de pollen à récolter en des voyages cent et cent fois repris. Tout est prêt, vivre et couvert. Jamais occasion meilleure de se donner un peu de bon temps. Rien ne s’y oppose. Les autres, les travailleuses, sont d’une bonhomie imperturbable. Leurs cellules violées les laissent d’une profonde indifférence. Nulle rixe à craindre, nulle protestation. C’est le moment ou jamais de se laisser couler à la paresse.

 

D’ailleurs la progéniture en sera du mieux avantagée. On fera choix des emplacements les plus chauds, les plus salubres ; on multipliera sa ponte en lui consacrant tout le temps qu’il faudrait dépenser en des occupations onéreuses. Si l’impression que produit le rapt du bien d’autrui est assez vive pour se transmettre par atavisme, combien ne doit pas être profonde l’impression du moment, alors que le Chalicodome vient de faire le coup. Le souvenir du précieux avantage est tout frais, il date de l’instant même ; la mère n’a qu’à poursuivre pour se créer une méthode d’installation des plus favorables pour elle et pour les siens. Allons ! pauvre abeille, laisse donc là le travail qui t’éreinte ; suis les conseils du transformisme, et deviens parasite puisque tu en as les moyens !

 

Mais non : sa petite vengeance accomplie, la Maçonne se remet à maçonner, la récolteuse se remet à récolter avec un zèle inaltérable. Elle oublie le méfait d’un moment de colère et se garde bien de transmettre à ses fils l’inclination à la paresse. Elle sait trop bien que l’activité, c’est la vie ; que le travail, c’est la grande joie de ce monde. Quelles myriades de cellules n’a-t-elle pas fracturées depuis qu’elle bâtit ; quelles superbes occasions, si nettes, si probantes, n’a-t-elle pas eues de s’affranchir de la fatigue ! Rien n’a pu la convaincre : faite pour le travail, elle persiste dans la vie laborieuse. Que n’a-t-elle au moins produit un rameau dérivé, envahisseur de cellules par démolition de portes. Le Stelis fait bien un peu comme cela, mais qui s’aviserait d’affirmer une parenté entre le Chalicodome et lui. Rien de commun entre les deux. Je réclame un dérivé du Chalicodome des hangars, vivant de l’art de crever les plafonds. Jusqu’à ce qu’elle me le montre, la théorie me fera sourire quand elle me parlera d’antiques travailleurs renonçant à leur métier pour devenir fainéants parasites.

 

Je réclame aussi, avec la même instance, un dérivé de l’Osmie tricorne, dérivé démolisseur de cloisons. J’exposerai ailleurs de quelle façon je suis parvenu à faire nidifier tout un essaim de cette Osmie sur la table de travail de mon cabinet et dans des tubes de verre, qui me font assister aux intimes secrets de l’œuvre de l’apiaire. Pendant trois à quatre semaines, chaque Osmie est d’une scrupuleuse fidélité à son tube, qui laborieusement s’emplit d’une série de chambres délimitées par des cloisons de terre. Des signes de coloration différente peints sur le thorax me permettent de me reconnaître au milieu de tout ce personnel. Chaque galerie de cristal est la propriété exclusive d’une seule Osmie ; nulle autre n’y pénètre, n’y maçonne, n’y amasse. Si par étourderie, oubli momentané de son domicile dans le tumulte de la cité, quelque voisine vient seulement regarder à la porte, la propriétaire l’a bientôt mise en fuite. Ces indiscrétions-là ne sont pas tolérées. Un logis à chacune, et chacune à son logis.

 

Tout est pour le mieux jusque vers la fin des travaux. Les tubes sont alors fermés à l’orifice avec un épais tampon de terre ; presque tout l’essaim a disparu ; il reste sur les lieux une vingtaine de dépenaillées, à toison rasée, tondue par un labeur d’un mois. Ces retardataires n’ont pas fini leur ponte. Les tubes inoccupés ne manquent pas, car j’ai soin d’enlever en partie ceux qui sont pleins et de les remplacer par d’autres n’ayant pas encore servi. Bien peu se décident à prendre possession de ces domiciles neufs, ne différant en rien des premiers ; et encore n’y construisent-elles qu’un petit nombre de cellules, assez souvent de simples ébauches de cloisons.

 

Il leur faut autre chose : le nid d’autrui. Elles forent le tampon terminal des tubes peuplés, travail sans grande difficulté car ce n’est plus ici le dur ciment du Chalicodome, mais un simple opercule de boue desséchée. L’entrée déblayée, une loge se présente avec ses provisions et son œuf. De sa brutale mandibule, l’Osmie happe cette délicatesse, l’œuf ; elle l’éventre et va le rejeter au loin. Pire que cela : elle le mange sur place. Il m’a fallu voir cette horreur à plusieurs reprises pour ne pas en douter. Notons que l’œuf dévoré peut fort bien être l’œuf même de la coupable. Impérieusement dominée par les besoins de la famille présente, l’Osmie n’a plus souvenir de la famille passée.

 

L’infanticide perpétré, la scélérate approvisionne un peu. C’est chez tous la même nécessité de reculer dans la série des actes pour renouer le fil des occupations, interrompues. Puis elle pond son œuf et refait consciencieusement l’opercule démoli. Le dégât peut aller plus loin. À telle de ces retardataires, une loge ne suffit pas : il en faut deux, trois, quatre. Pour parvenir à la plus reculée, l’Osmie saccage au complet toutes celles qui précèdent. Les cloisons sont abattues, les œufs sont mangés ou rejetés, les provisions sont balayées au dehors, souvent même transportées à distance par gros lopins. Poudreuse des platras de démolition, enfarinée du pollen dévalisé, glutineuse des œufs éventrés, l’Osmie est méconnaissable dans sa besogne de bandit. La place faite, tout reprend l’ordre normal. Des provisions sont laborieusement apportées pour remplacer celles qui ont été jetées à la voirie ; des œufs sont déposés, un sur chaque amas de pâtée ; les cloisons sont reconstruites, et le massif tampon scellant le tout est refait à neuf. Des méfaits de ce genre se renouvellent si souvent, que je suis obligé d’intervenir et de mettre en sûreté les nids que je désire conserver intacts.

 

Rien encore ne peut m’expliquer ce brigandage, éclatant à la fin des travaux comme une épidémie morale, comme une aberration de maniaque. Passe encore si l’emplacement manquait ; mais les tubes sont là, tout à côté, vides et très convenables pour recevoir la ponte. L’Osmie n’en veut pas ; elle préfère larronner. Est-ce lassitude, dégoût du travail après une période de frénétique activité ! Point, car lorsqu’est dévalisée une file de cellules, après la démolition et le gaspillage, revient, avec toutes ces charges, le travail ordinaire. La fatigue n’est pas allégée ; elle est aggravée. Mieux valait incomparablement, pour continuer sa ponte, élire domicile dans un tube inoccupé. L’Osmie en juge autrement. Ses raisons d’agir ainsi m’échappent. Y aurait-il chez elle des caractères mal faits, se complaisant dans la ruine du prochain ? Qui sait ? Il y en a bien chez l’homme.

 

Dans le secret de ces réduits naturels, l’Osmie se conduit, je n’en doute pas, comme dans mes galeries transparentes. Sur la fin des travaux, elle viole les demeures d’autrui. En se bornant à la première loge, qu’il n’est pas besoin de vider pour parvenir aux suivantes, elle peut utiliser les provisions présentes et abréger d’autant la partie la plus longue de son travail. Comme de semblables usurpations ont eu largement le temps de s’invétérer, de s’incarner dans la descendance, je demande un dérivé de l’Osmie qui mange l’œuf de son aïeule pour établir le sien.

 

Ce dérivé, on ne le montrera pas, mais on pourra dire : il se forme. Par les rapts que je viens de décrire se prépare un parasite futur. Le transformisme affirme dans le passé, il affirme dans l’avenir, mais le moins possible il nous parle du présent. Des transformations se sont faites, des transformations se feront ; le fâcheux est qu’il ne s’en fait pas. Des trois termes de la durée, un lui échappe, celui-là même qui directement nous intéresse et seul est affranchi des fantaisies de l’hypothèse. Ce silence sur le présent ne me plaît guère, pas plus que ne me plairait le fameux tableau du passage de la mer Rouge peint pour une chapelle de village. L’artiste avait jeté sur la toile un large ruban du plus vif vermillon ; et c’était tout.

 

Oui, voilà bien la mer Rouge, disait le curé examinant le chef-dœuvre avant de le payer ; voilà bien la mer Rouge ; mais où sont les Hébreux ?

 

–Ils sont passés, répliquait le peintre.

 

–Et les Égyptiens ?

 

–Ils vont venir.

 

Des transformations se sont passées, des transformations vont venir. De grâce ne pourrait-on nous montrer des transformations qui se font ? Est-ce que le réel pour le passé et le réel pour l’avenir excluraient le réel pour le présent ? Je ne comprends pas.

 

Je réclame un dérivé du Chalicodome et un dérivé de l’Osmie qui, depuis l’origine de leurs races, se dévalisent avec entrain dans l’occasion et travaillent chaudement à la création d’un parasite, heureux de ne rien faire. Y sont-ils parvenus ? Non. Y parviendront-ils ? On l’affirme. Pour le moment, rien. Les Osmies et les Chalicodomes d’aujourdhui sont ce qu’ils étaient lorsque fut gâchée la première truelle de ciment ou de boue. Combien donc faut-il de siècles de siècles pour faire un parasite ? Trop, je le crains, pour ne pas nous rebuter.

 

Si le dire de la théorie est fondé, se mettre en grève et vivre d’expédients n’a pas toujours suffi pour déterminer le parasitisme. Dans certains cas, l’animal a changer de régime, de la proie passer à la nourriture végétale, ce qui bouleversait de fond au comble les plus intimes caractères de son être. Que dirions-nous du loup renonçant au mouton pour paître l’herbe, sur les conseils de la paresse ? Les plus téméraires reculeraient devant l’absurde hypothèse. Et cependant le transformisme nous y conduit tout droit. En voici un exemple.

 

En juillet, je fends en long les bouts de roncenidifie l’Osmie tridentée. Dans la file de cellules, les inférieures ont déjà le cocon de l’Osmie ; les supérieures contiennent la larve achevant de consommer ses provisions ; les terminales ont les vivres intacts avec l’œuf de l’Osmie. Cet œuf est cylindrique, arrondi aux deux extrémités, d’un blanc diaphane, et mesure de quatre à cinq millimètres de longueur. Par un bout, il repose obliquement sur la pâtée, de façon que l’autre bout se relève à quelque distance du miel. Or, en multipliant mes visites aux cellules récentes, une dizaine de fois j’ai fait rencontre précieuse. Sur le bout libre de l’œuf de l’Osmie, un autre œuf est fixé, tout différent de forme, blanc et diaphane comme le premier, mais beaucoup plus petit, plus étroit, obtus à une extrémité et assez brusquement conique à l’autre. Il mesure 2 millimètres de longueur sur demi-millimètre de largeur. C’est l’œuf d’un parasite, incontestablement, parasite qui s’impose à mon attention par sa curieuse méthode d’installer sa famille.

 

Il éclot avant celui de l’Osmie. Aussitôt née, la minuscule larve se met à tarir l’œuf rival, dont elle occupe le haut, loin du miel. L’extermination est rapidement sensible. On voit l’œuf de l’Osmie qui se trouble, perd son brillant, devient flasque et se ride. En vingt-quatre heures, ce n’est plus qu’une gaine vidée, une pellicule chiffonnée. Voilà toute concurrence écartée ; le parasite est maître de céans. La jeune larve détruisant l’œuf était assez active ; elle explorait la chose dangereuse dont il importait de se débarrasser au plus vite ; elle relevait la tête pour choisir et multiplier les points d’attaque ; maintenant, couchée de son long à la surface du miel, elle ne bouge plus ; mais au flux onduleux du canal digestif, se reconnaît son avide consommation des vivres amassés par l’Osmie. En deux semaines, la pâtée est épuisée et le cocon se tisse. C’est un ovoïde assez ferme, d’un brun de poix très foncé, caractères qui le font aussitôt distinguer du cocon cylindrique et pâle de l’Osmie. L’éclosion a lieu en avril, mai. Le mot de l’énigme est enfin connu. Le parasite de l’Osmie est le Sapyga punctata, V. L.

 

Or, où classer ledit hyménoptère, vrai parasite dans toute la rigueur du terme, c’est-à-dire consommateur des provisions d’autrui ? Son aspect général et sa structure en font un genre voisin des Scolies pour tout regard quelque peu familiarisé avec les formes entomologiques. D’ailleurs les maîtres en taxonomie, si scrupuleux dans la comparaison des caractères, s’accordent à placer les Sapyges à la suite des Scolies, un peu avant les Mutilles. Les Scolies vivent de proie, les Mutilles aussi. Le parasite de l’Osmie, s’il dérive réellement d’un ancêtre transformé, a donc pour origine un mangeur de chair, lui qui maintenant est mangeur de miel. Le loup fait plus que devenir mouton : il se convertit en consommateur de sucreries. Du gland de chêne ne sortira jamais un pommier, dit quelque part le gros bon sens de Franklin. Ici la passion de la confiserie devrait sortir de l’amour de la venaison. Une théorie pourrait bien ne pas avoir l’équilibre stable quand elle conduit à de telles aberrations.

 

J’écrirais un volume si je voulais continuer l’exposé de mes doutes. C’est assez pour le moment. L’homme, l’insatiable questionneur, d’âge en âge se transmet les pourquoi sur les origines ; les réponses se succèdent, aujourdhui proclamées vraies, demain reconnues fausses ; et la divine Isis reste toujours voilée.

 


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