Jean-Henri Fabre
Souvenirs entomologiques - VII
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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES - LIVRE VII

X LE RHYNCHITE DU PEUPLIER

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LE RHYNCHITE DU PEUPLIER

Insinuer sa ponte en des points où les vers trouveront nourriture à leur convenance, varier quelquefois le régime avec un tact botanique de merveilleuse sûreté, là se borne en général le savoir de la mère Curculionide. Chez elle peu ou point d’industrie. Les délicatesses de la layette et du biberon ne la concernent pas. À cette rustique maternité, je ne connais qu’une exception, apanage de certains Charançons qui, pour doter les jeunes d’une conserve alimentaire, savent rouler une feuille, à la fois logement et ration.

 

Parmi ces préparateurs de saucisses végétales, le plus habile est le Rhynchite du peuplier (Rhynchites populi, Lin.), humble de taille, mais splendide de costume. Il a sur le dos les rutilances de l’or et du cuivre ; sur le ventre, le bleu de l’indigo. Qui désirerait le voir opérer n’a qu’à visiter, au bord des prairies, sur la fin du mois de mai, les ramilles inférieures du vulgaire peuplier noir.

 

Tandis que, là-haut, les souffles caressants printaniers agitent la majestueuse quenouille de verdure et font trembloter le feuillage sur des queues aplaties, en bas, dans une couche d’air calme, les tendres pousses de l’année sont au repos.

 

surtout, loin des hauteurs agitées, contraires aux laborieux, travaille le Rhynchite. L’atelier se trouvant de la sorte à hauteur de l’homme, rien d’aisé comme de suivre les manœuvres du rouleur.

 

Aisé oui, mais bien pénible, sous un soleil étourdissant, si l’on veut suivre l’insecte dans le détail de ses méthodes, dans les progrès de son ouvrage. C’est, de plus, très dispendieux en courses, mangeuses de temps ; c’est d’ailleurs peu favorable aux observations précises, qui demandent loisir indéfini, visites assidues à toute heure du jour. L’étude au milieu des aises du chez soi est bien préférable ; mais il faut, avant tout, que l’animal s’y prête.

 

Le Rhynchite remplit excellemment cette condition.

 

C’est un pacifique, un zélé, qui travaille sur ma table avec le même entrain que sur son peuplier. Quelques pousses tendres implantées dans du sable frais, sous cloche en toile métallique, et renouvelées à mesure qu’elles se fanent, remplacent l’arbre dans mon cabinet. Non intimidé en rien, le Charançon s’y livre à son industrie jusque sous le verre de ma loupe. Il me fournit autant de rouleaux que je peux en désirer.

 

Suivons-le dans son travail. Sur la pousse de l’année, issue par faisceaux à la base du tronc, la pièce à rouler est choisie, non parmi les feuilles inférieures, déjà d’un vert correct et d’une texture ferme ; non plus parmi les feuilles terminales, en voie de croissance. En haut, c’est trop jeune, insuffisant d’ampleur ; en bas, c’est trop vieux, trop coriace, trop laborieux à dompter.

 

La feuille choisie appartient aux rangs intermédiaires. D’un vert douteux encore, où le jaune domine, tendre et lustrée de vernis, elle a, de guère s’en faut, les dimensions finales. Ses dentelures se gonflent en délicats bourrelets glanduleux d’où transpire un peu de cette viscosité qui goudronne les bourgeons au moment où leurs écailles se disjoignent.

 

Un mot maintenant de l’outillage. Les pattes sont armées de doubles griffettes en crocs de romaine. Le dessous des tarses porte épaisse brosse de cils blancs. Avec cette chaussure, l’insecte grimpe très prestement sur les parois verticales les plus glissantes ; il peut, le dos en bas, stationner, courir à la façon des mouches sur le plafond d’une cloche de verre. À ce trait seul se devine le subtil équilibre que lui imposera son travail.

 

Sans être exagéré, comme celui des Balanins, le bec, le rostre courbe et vigoureux, se dilate au bout en spatule que terminent de fines cisailles. C’est un excellent poinçon dont le rôle intervient tout le premier.

 

En l’état, effectivement, la feuille ne peut s’enrouler. C’est une lame vivante qui, par l’afflux de la sève et la tonicité des tissus, reprendrait la configuration plane à mesure que l’insecte travaillerait à l’incurver. Le nain n’est pas de force à dompter pareille pièce, à la convoluter tant qu’elle gardera les ressorts de la vie. C’est évident à nos yeux ; c’est évident aussi aux yeux du Charançon.

 

Comment obtenir le degré d’inerte souplesse requis en la circonstance ? Nous dirions : « Il faut détacher la feuille, la laisser choir à terre, puis la manipuler sur le sol quand elle sera fanée à point. » Mieux avisé que nous en ce genre d’affaires, le Curculionide ne partage pas notre avis. Il se dit : « À terre, au milieu des embarras du gazon, mon travail serait impraticable. Il me faut les coudées franches ; il me faut la suspension dans l’air, où rien ne fait obstacle.

 

« Condition plus grave : ma larve refuserait saucisse rance et desséchée ; elle exige nourriture conservant quelque fraîcheur. Le rouleau que je lui destine ne doit pas être feuille morte, mais feuille affaiblie, non privée en plein des sucs que l’arbre lui verse. Il me faut sevrer ma pièce, et non la tuer à fond, de manière que la mourante persiste à sa place le peu de jours que durera l’extrême jeunesse du ver. »

 

La mère, son choix fait, se campe donc sur la queue de la feuille, et là, patiemment, elle plonge le rostre, le tourne avec une insistance qui dénote le haut intérêt de ce coup de poinçon. Une petite plaie s’ouvre, assez profonde, devenue bientôt point mortifié.

 

C’est fini : les aqueducs de la sève sont rompus, ne laissent parvenir au limbe que de maigres suintements. Au point blessé, la feuille cède sous le poids : elle penche suivant la verticale, se flétrit un peu et ne tarde pas à prendre la souplesse requise. Le moment de la travailler est venu.

 

Ce coup de poinçon représente, avec bien moins de science toutefois, le coup de dard de l’hyménoptère prédateur. Ce dernier veut pour ses fils une proie tantôt morte et tantôt paralysée ; il sait, avec la précision d’un anatomiste consommé, en quels points il convient de plonger l’aiguillon pour obtenir soit mort soudaine, soit simple abolition des mouvements.

 

Le Rhynchite désire pour les siens une feuille assouplie, demi-vivante, paralysée en quelque sorte, qui se laisse aisément façonner en rouleau : il connaît à merveille la cordelette, le pétiole, où sont rassemblés en un menu paquet les vaisseaux dispensateurs de l’énergie foliaire ; et c’est là, uniquement là, jamais ailleurs, qu’il insinue sa percerette. D’un seul coup, à peu de frais, s’obtient ainsi la ruine de l’aqueduc. Où donc le porte-bec a-t-il appris son judicieux métier de tarisseur de sources ?

 

La feuille du peuplier est un rhombe irrégulier, une lance dont les côtés se dilatent en ailerons pointus. C’est par l’un de ces deux angles latéraux, celui de droite ou celui de gauche indifféremment, que débute la confection du rouleau.

 

Malgré la position pendante de la feuille, qui laisse d’égal accès le dessus et le dessous du limite, l’insecte ne manque jamais de prendre position au-dessus. Il a ses motifs, dictés par les lois de la mécanique. La face supérieure de la pièce, plus lisse et moins rebelle à la flexion, doit se trouver en dedans de la volute ; la face inférieure, de plus grand ressort à cause de ses fortes nervures, doit occuper le dehors. La statique du Charançon à petite cervelle concorde avec celle des savants.

 

Le voici à l’ouvrage. Il est placé sur la ligne d’enroulement, trois pattes sur la partie déjà roulée, les trois opposées sur la partie libre. D’ici comme de là, solidement fixé avec ses griffettes et ses brosses, il prend appui sur les pattes d’un côté tandis qu’il fait effort avec les pattes de l’autre. Les deux moitiés de la machine alternent comme moteurs, de manière que tantôt le cylindre formé progresse sur la lame libre, et que tantôt, au contraire, la lame libre se meut et s’applique sur le rouleau déjà fait.

 

Ces alternatives n’ont, du reste, rien de régulier ; elles dépendent de circonstances connues de l’animal seul. Peut-être n’est-ce qu’un moyen de se reposer un peu sans suspendre un travail incompatible avec des interruptions. De même nos deux mains mutuellement se soulagent en prenant à tour de rôle la charge transportée.

 

Il faut avoir assisté, des heures durant, à la tension obstinée des pattes, qui tremblotent exténuées et sont menacées de tout remettre en question si l’une d’elles lâche prise mal à propos ; il faut avoir vu avec quelle prudence le rouleur ne dégage une griffe que lorsque les cinq autres sont fermement ancrées, pour se faire image exacte de la difficulté vaincue. D’ici ce sont trois points d’appui, de là trois points de traction ; et les six, un à un, petit à petit se déplacent sans laisser un instant leur système mécanique faiblir. Pour un moment d’oubli, de lassitude, la pièce rebelle déroule sa volute, échappe au manipulateur.

 

Le travail s’accomplit en outre dans une position peu commode. La feuille pend, très oblique ou même verticale. La surface en est vernissée, aussi lisse que verre. Mais l’ouvrier est chaussé en conséquence. Avec ses semelles en brosse, il escalade le vertical et le poli ; avec ses douze crocs de romaine, il harponne le glissant.

 

Ce bel outillage n’enlève pas à l’opération toute sa difficulté. Avec la loupe j’ai de la peine à suivre les progrès de l’enroulement. Les aiguilles d’une montre ne marchent pas avec plus de lenteur. Longtemps, au même point, l’insecte stationne, les griffettes toujours fixées ; il attend que le pli soit dompté et ne réagisse plus. Ici, en effet, aucun encollage qui fasse prise et maintienne soudées les nouvelles surfaces en contact. La stabilité dépend de la seule flexion acquise.

 

Aussi n’est-il pas rare que l’élasticité de la pièce ne surmonte les efforts de l’ouvrier et ne déroule en partie l’ouvrage plus ou moins avancé. Tenacement, avec la même impassible lenteur, l’insecte recommence, remet en place la partie insoumise. Non, ce n’est pas le Charançon qui se laisse émouvoir par l’insuccès ; il sait trop bien de quoi sont capables patience et longueur de temps.

 

D’habitude, le Rhynchite travaille à reculons. Sa ligne finie, il se garde bien d’abandonner le pli qu’il vient de faire et de revenir au point de départ pour en commencer un autre. La partie ployée en dernier lieu n’est pas encore suffisamment assujettie ; livrée trop tôt à elle-même, elle pourrait se rebeller, s’étaler à nouveau.

 

L’insecte insiste donc en ce point extrême, plus exposé que les autres ; puis, sans lâcher prise, il s’achemine à reculons vers l’autre bout, toujours avec patiente lenteur. Ainsi se donne au pli frais surcroît de fixité et se prépare le pli qui suit. À l’extrémité de la ligne, nouvelle station prolongée et nouveau recul. De même le soc de labour alterne le travail des sillons.

 

Plus rarement, lorsque sans doute la feuille est reconnue de flaccidité sans péril, l’insecte abandonne, sans le retoucher en sens inverse, le pli qu’il vient de faire, et grimpe vite au point initial pour en pratiquer un autre.

 

Enfin nous y sommes. Allant et revenant de haut en bas et de bas en haut, l’insecte, à force de tenace dextérité, a roulé sa feuille. Il en est à l’extrême bord du limbe, à l’angle latéral, l’opposé de celui par où l’ouvrage a commencé. C’est ici la clef de voûte d’où dépend la stabilité du reste. Le Rhynchite redouble de soins et de patience.

 

Du bout du rostre, dilaté en spatule, il presse, un point après l’autre, le bord à fixer, de même que le tailleur dompte avec son fer les lèvres récalcitrantes d’une couture. Longtemps, très longtemps, il comprime, immobile ; il attend convenable adhésion. Point par point, tout le liséré de l’angle est méticuleusement scellé.

 

Comment s’obtient l’adhésion ? Si quelque fil intervenait, on prendrait volontiers le rostre pour une machine à coudre, implantant d’aplomb son aiguille dans l’étoffe. Mais la comparaison n’est pas permise : il n’est fait emploi d’aucun filament en ce travail. L’explication de l’adhérence est ailleurs.

 

La feuille est jeune, avons-nous dit ; les fins bourrelets de ses dentelures sont des glandeslarmoient des traces de glu. Ce peu de viscosité, c’est la colle, la cire à cacheter. Par la pression du bec, l’insecte la fait sourdre plus abondante des glandules. Il lui suffit alors de maintenir le sceau en place et d’attendre que le cachet visqueux ait pris consistance. C’est, en son ensemble, notre méthode de sceller une lettre. Pour peu que cela tienne, la feuille, dénuée de ressort à mesure qu’elle se fane davantage, bientôt ne réagira plus et gardera d’elle-même l’enroulement imposé.

 

L’ouvrage est terminé. C’est un cigare du diamètre d’une forte paille et d’un pouce environ de longueur. Il pend d’aplomb au bout du pétiole meurtri et coudé. La journée entière n’a pas été de trop pour le confectionner. Après un bref relâche, la mère entreprend une seconde feuille, et, travaillant de nuit, obtient autre rouleau. Deux dans les vingt-quatre heures, c’est tout pour les plus laborieuses.

 

Or, quel est le but de la rouleuse ? Se préparerait-elle des conserves à son usage personnel ? Évidemment non : jamais l’insecte, s’il ne s’agit que de lui-même, n’accorde tels soins aux préparatifs du manger. C’est en vue seule de la famille qu’il thésaurise industrieusement. Le cigare du Rhynchite est la dot de l’avenir.

 

Déployons-le. Entre les couches du rouleau, voici un œuf ; souvent en voici deux, trois et même quatre. Ils sont ovalaires, légèrement jaunes et semblables à de fines perles d’ambre. Leur adhésion avec la feuille est très faible ; la moindre secousse les détache. Ils sont répartis sans ordre, plus ou moins reculés dans l’épaisseur du cigare, et toujours isolés, un par un. Il s’en trouve au centre de la volute, presque sur l’angledébute l’enroulement ; il s’en rencontre entre les diverses couches, jusqu’au voisinage du bord cacheté à la glu avec le sceau du rostre.

 

Sans interrompre le travail du rouleau, sans relâcher la tension de ses griffes, la pondeuse les a déposés entre les lèvres du pli en formation, à mesure qu’elle les sentait venir, mûris à point, au bout de l’oviducte. Elle procrée en plein labeur d’atelier, entre les rouages de la machine qui se détraquerait pour un moment de repos. Manufacture et ponte marchent de concert. De vie courte, deux ou trois semaines, de famille coûteuse à établir, la mère Rhynchite craindrait de perdre son temps en relevailles.

 

Ce n’est pas tout : sur la même feuille, non loin du rouleau qui péniblement se convolute, presque toujours se tient le mâle. Que fait-il là, le désœuvré ? Assiste-t-il au travail en simple curieux qui, passant d’aventure, s’est arrêté pour voir fonctionner la mécanique ? S’intéresse-t-il à l’ouvrage ? Des velléités lui viendraient-elles de donner au besoin un coup d’épaule ?

 

On le dirait bien. De temps à autre, je le vois se ranger à la suite de la manufacturière, dans le sillon du pli, s’agriffer au cylindre et collaborer un peu. Mais cela se fait sans zèle et gauchement. Un demi-tour de roue à peine, et c’est assez pour lui. Ce ne sont pas là ses affaires. Il s’éloigne, à l’autre bout de la feuille ; il attend, il regarde.

 

Tenons-lui compte de cet essai, car l’aide paternelle pour l’établissement de la famille est très rare chez les insectes ; félicitons-le de son renfort, mais pas outre mesure : son coup d’épaule est intéressé. C’est pour lui un moyen de déclarer sa flamme et de faire valoir ses mérites.

 

Voici qu’en effet, après divers refus malgré les avances d’une brève collaboration au rouleau, l’impatient est accepté. Les choses se passent sur le chantier de travail. Une dizaine de minutes, l’enroulement est suspendu, mais les pattes de l’ouvrière, âprement contractées, se gardent bien de lâcher prise : leur effort cessant, la volute aussitôt se déroulerait. Pas de chômage pour cette brève fête, la seule joie de l’animal.

 

L’arrêt de la machine, toujours en tension pour maintenir dompté le récalcitrant rouleau, est de courte durée. Sans quitter la feuille, le mâle se retire dans le voisinage, et le travail reprend. Tôt ou tard, avant que les scellés soient mis à l’ouvrage, nouvelle visite de l’oisif, qui, sous prétexte de collaboration, accourt, implante un instant les grilles sur la pièce roulante, s’enhardit et recommence ses exploits avec le même entrain que si rien encore ne s’était passé.

 

Et cela se répète des trois, des quatre fois durant la confection d’un seul cigare, à tel point qu’on se demande si chaque germe déposé n’exige pas le concours direct de l’insatiable empressé.

 

Certes, des couples se forment, nombreux, au soleil sur les feuilles non encore piquées. Là vraiment les ébats nuptiaux sont des fêtes que n’altèrent pas les sévères exigences du travail. On se gaudit sans réserve, on se bouscule entre rivaux, on pâture la demi-épaisseur d’une feuille qui se laboure de traits dénudés rappelant une capricieuse écriture. Avant les fatigues de l’atelier, les liesses en joyeuse compagnie.

 

D’après les règles entomologiques, ce festival fini, tout devrait rentrer dans le calme, et chaque mère devrait désormais travailler à ses cigares sans dérangement. Ce qui est la loi générale ici fléchit. Je n’ai jamais vu façonner un rouleau sans qu’un mâle fût aux aguets dans le voisinage ; et si j’avais la patience d’attendre, je ne manquerais pas d’assister à de multiples pariades. Ces noces réitérées pour chaque germe me déroutent. Où, sur la foi des livres, j’attendais l’unité, je constate l’indéfini.

 

Ce cas n’est pas isolé. J’en mentionnerai un second plus frappant encore. Il m’est fourni par le Capricorne (Cerambyx heros). J’en élève quelques couples en volière, avec des quartiers de poire pour nourriture et des rondins de chêne pour l’établissement des œufs. La pariade dure presque tout le mois de juillet. Pendant quatre semaines, le haut encorné ne cesse de chevaucher sa compagne, qui, enlacée de son cavalier, erre à sa guise et choisit de la pointe de l’oviducte les fissures de l’écorce favorables au dépôt des œufs.

 

De loin en loin, le Cérambyx met pied à terre, va se restaurer au quartier de poire. Puis subitement il trépigne comme affolé ; d’un élan frénétique il revient, se remet en selle et reprend sa position, dont largement il use, de jour, de nuit, à toute heure.

 

Au moment de la mise en place d’un œuf, il se tient coi ; de sa langue poilue, il lustre le dos de la pondeuse, caresse de Capricorne ; mais l’instant d’après il renouvelle ses tentatives, le plus souvent suivies de succès. Ce n’est jamais fini !

 

Ainsi pendant un mois la pariade persiste ; elle ne cesse que lorsque les ovaires sont épuisés. Alors, usés l’un et l’autre, n’ayant plus rien à faire sur le tronc du chêne, les deux conjoints se séparent, languissent quelques jours et périssent.

 

Que conclure de cette extraordinaire persistance chez le Cérambyx, le Rhynchite et bien d’autres ? Simplement ceci : nos vérités sont provisoires ; battues en brèche par les vérités de demain, elles s’embroussaillent de tant de faits contradictoires que le dernier mot du savoir est le doute.

 


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