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À l’exemple de saint François, son père bien-aimé, Fra Giovanni allait dans l’hôpital de Viterbe soigner les lépreux. Il leur donnait à boire et lavait leurs plaies.
Et s’ils blasphémaient, il leur disait : « Vous êtes les préférés de Jésus-Christ. » Et il y avait des lépreux très humbles qu’il assemblait dans une chambre et avec lesquels il se réjouissait comme une mère au milieu de ses enfants.
Mais les murs de l’hôpital étaient épais, et le jour n’entrait que par des fenêtres étroites et hautes. Et, dans cet air malin, les lépreux avaient peine à vivre. Et Fra Giovanni vit que l’un d’eux nommé Lucide, qui était d’une grande patience, dépérissait dans l’air mauvais.
Fra Giovanni aimait Lucide et il lui disait :
« Mon frère, vous êtes Lucide, et il n’est pas de pierre plus pure que votre cœur, aux yeux de Dieu. »
Et, s’apercevant que Lucide souffrait plus que les autres de l’odeur pernicieuse qu’on respirait dans l’hôtellerie, il lui dit un jour :
« Ami Lucide, chère brebis du Seigneur, tandis qu’on respire ici la peste, nous buvons, dans les jardins de Sainte-Marie-des-Anges, le parfum des cytises. Venez avec moi dans la maison des petits frères. Vous y verrez et vous y goûterez le beau ciel, et vous serez soulagé. »
En parlant de la sorte, il prit le lépreux par le bras, le couvrit de son manteau et le conduisit à Sainte-Marie-des-Anges.
Arrivé à la porte du couvent, il appela le frère portier avec des cris joyeux :
« Ouvrez, dit-il, ouvrez à l’ami que je vous amène. Il se nomme Lucide et il est bien nommé, car c’est une perle de patience. »
Le portier ouvrit la porte. Mais quand il vit entre les bras de Fra Giovanni un homme dont le visage livide et comme muet était couvert d’écailles, il reconnut un lépreux. Et, tout épouvanté, il courut avertir le frère gardien. Ce gardien se nommait Andréa de Padoue, et il menait une vie très sainte. Pourtant, quand il apprit que Fra Giovanni amenait un lépreux au couvent de Sainte-Marie-des-Anges, il fut irrité. Il vint à lui, le visage enflammé de colère, et lui dit :
« Restez dehors avec cet homme. Vous êtes insensé d’exposer ainsi vos frères à la contagion. »
Fra Giovanni, sans rien répondre, baissa la tête. Toute joie s’était effacée de son visage. Et Lucide, voyant sa peine :
« Mon frère, lui dit-il, je suis affligé de ce que vous êtes contristé à cause de moi. »
Et Fra Giovanni baisa le lépreux sur la joue.
Puis il dit au gardien :
« Mon père, me permettrez-vous de me tenir dehors auprès de cet homme et de partager mon repas avec lui ? »
« Faites à votre volonté, puisque vous vous mettez au-dessus de la sainte obéissance. »
Et, ayant dit, il rentra dans la maison.
Il y avait devant la porte du couvent un banc de pierre sous un figuier. Sur ce banc, Fra Giovanni posa son écuelle. Et tandis qu’il soupait avec le lépreux, le gardien se fit ouvrir la porte. Il vint se placer sous le figuier, et dit :
« Fra Giovanni, pardonnez-moi de vous avoir offensé. Je viens partager votre repas. »