Ernest Capendu
Le Marquis de Loc-Ronan
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IV M. DE BOISHARDY

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IV

M. DE BOISHARDY

M. de Boishardy connaissait Marcof depuis longtemps. Comme tous les braves cœurs qui s’étaient trouvés en contact avec cette nature si loyale, si franche et si forte, M. de Boishardy s’était épris pour le marin d’une amitié étroite et vive. L’expansion de Marcof le toucha profondément. Ces deux hommes, au reste, étaient bien faits pour se comprendre et s’aimer. D’une bravoure à toute épreuve, d’une hardiesse à défier toutes les témérités, d’un sens droit, d’un coup d’œil ferme et rapide, tous deux étaient créés pour la vie d’aventurier dans ce qu’elle a de noble et de périlleux.

 

M. de Boishardy est certes l’un des personnages historiques de la chouannerie qui ont légué le plus de souvenirs vivaces sur la vieille terre bretonne. Gentilhomme obscur, peu soucieux des plaisirs de la cour, il avait vu sa jeunesse s’écouler dans une existence toute rustique. À vingt ans, il avait servi comme officier dans le régiment de royale-marine ; cinq ans plus tard, il donnait sa démission et rentrait dans ses terres. Grand amateur de gibier et de beautés champêtres, il chassait le loup, le sanglier et les jeunes filles, lorsque éclatèrent les premiers troubles de l’Ouest. Fermement attaché à son roi, il avait songé tout d’abord à lever l’étendard de l’insurrection.

 

Comme tous les hommes dont la destinée est de devenir populaire, il avait été doué par la nature de vertus réelles ; à côté de chacune se trouvait un défaut qui lui servait pour ainsi dire de repoussoir. Subissant les lois de ses passions, il faisait bon marché de la vie d’un homme, lorsque cet homme se dressait sur sa route comme un obstacle, et que, pour passer, il fallait l’abattre et marcher sur son cadavre. Énergique, vigoureux et puissant, il avait à un haut degré la générosité de la force.

 

Ses aventures amoureuses l’avaient rendu célèbre dans les paroisses. À sa vue, les mères tremblaient, les maris pâlissaient, mais les jeunes filles et les jeunes femmes souriaient en faisant une gracieuse révérence au don Juan bas-breton, qui faisait le sujet de bien des causeries intimes au bord de la fontaine et le soir sous la saulaie.

 

Boishardy inspirait deux sentiments opposés aux paysans. Les uns le redoutaient à cause de sa force et de son audace, les autres l’admiraient à cause de sa bravoure et de son adresse. Tous l’aimaient pour sa familiarité franche et cordiale, ses élans de rude bonté et sa gaieté entraînante. À quinze lieues à la ronde chacun en parlait et chacun voulait le voir.

 

Cette popularité lui devint d’un puissant secours lorsqu’il voulut soulever le pays. Mêlé d’abord aux intrigues de La Rouairie, ainsi que nous l’avons vu, il se lança à corps perdu dans le soulèvement de 1793, dès que la Vendée eut arboré l’étendard de la contre-révolution, et il ne tarda pas à devenir l’un des chefs les plus renommés et les plus redoutés de la chouannerie bretonne. Charette se mit en rapport avec lui ; Jean Chouan l’écoutait souvent comme un oracle ; La Rochejacquelein était son ami. En avril, Boishardy avait débuté par parcourir les fermes et les communes, en appelant les paysans aux armes.

 

– C’est à vous de voir, leur disait-il, si vous voulez défendre vos enfants, vos femmes, vos biens et vos corps, et si vous n’aimez pas mieux obéir à un roi qu’à un ramassis de brigands qui forment la Convention nationale.

 

La plupart de ceux auxquels il s’adressait n’hésitèrent pas à marcher. Ses premiers et rapides succès contre les bleus entraînèrent les autres, si bien qu’en quinze jours il se trouva à la tête d’une petite armée, et bientôt il alla rejoindre Cathelineau sous les murs de Nantes. Son nom, son titre d’ancien officier, sa force prodigieuse, sa hardiesse et son intrépidité, lui valurent promptement un commandement supérieur dans l’armée vendéenne.

 

Après la mort de Cathelineau, lorsque les royalistes furent rejetés de l’autre côté de la Loire, Boishardy fut chargé de la périlleuse mission de garder et d’observer tout le haut pays, de Saint-Nazaire à Redon. La Rochejacquelein, comptant sur lui plus peut-être que sur aucun autre chef, lui confia ses munitions, ses réserves d’artillerie et ses papiers les plus importants, puis il lui ordonna de s’établir à Saint-Gildas, au milieu de la forêt, et de garder ses précieux dépôts jusqu’à ce que la guerre prît une nouvelle face. Les royalistes, tout en marchant à l’est, espéraient toujours repasser bientôt en Vendée et reconquérir le territoire envahi par les bleus. L’espèce de relais formé par Boishardy leur devenait donc de la plus grande utilité. Aussi, en dépit de son ardeur et de sa soif des combats, le brave gentilhomme était-il forcé depuis quelque temps à demeurer dans une inaction presque complète, opposée à sa fiévreuse nature. Le projet de Marcof d’aller à Nantes délivrer le marquis de Loc-Ronan lui souriait donc d’autant mieux qu’il le mettait à même de payer de sa personne et de se rapprocher des ennemis de sa cause.

 

À peine venait-il de prendre cette résolution, que Fleur-de-Chêne entra dans la pièce. Il attendait respectueusement que son chef l’interrogeât. Boishardy lui fit signe d’approcher.

 

– Ne m’as-tu pas dit que quelqu’un désirait me parler ? demanda-t-il.

 

– Oui, commandant.

 

– Qui cela ?

 

– Celui de nos gars que vous aviez envoyé en mission il y a près de quinze jours.

 

– Il est revenu ?

 

– Il arrive à l’instant.

 

– Bien !

 

– Faut-il le faire entrer ?

 

– Oui, répondit Boishardy, et se retournant vers Marcof : nous allons avoir des nouvelles de la Cornouaille, dit-il.

 

– Et de La Bourdonnaie ? ajouta Marcof.

 

– Oui.

 

– Qui donc avez-vous envoyé là ?

 

– Un homme sûr.

 

– Qui se nomme ?

 

– Keinec.

 

– Tonnerre !… qu’il entre vite !

 

Fleur-de-Chêne sortit et Keinec pénétra près des deux chefs. En voyant Marcof, le jeune homme ne put retenir un mouvement de joie ; le marin lui tendit les mains par un geste tout amical, et comme Keinec les saisit pour les lui baiser, Marcof l’arrêta vivement en le pressant sur sa poitrine. Boishardy les regardait avec étonnement.

 

– Vous connaissez donc Keinec ? demanda-t-il à Marcof.

 

– Oui, répondit le marin ; son père m’a arraché à la mort et a été tué en me sauvant ; lui-même m’a rendu de grands services ; enfin c’est un enfant auquel j’ai appris à combattre et que je regarde comme mon matelot.

 

– Tant mieux ! car Keinec est un brave cœur et un gars solide. J’ai été, moi aussi, à même de l’apprécier.

 

En entendant ce double éloge, Keinec rougit de plaisir. Boishardy s’assit, et, s’adressant au jeune homme :

 

– Tu as accompli ta mission ? dit-il.

 

– Oui, commandant.

 

– Tu as vu La Bourdonnaie ?

 

– Je l’ai vu.

 

– Quelles nouvelles de la Cornouaille ?

 

– Les bleus ravagent toujours le pays ; la guillotine est en permanence à Brest comme ailleurs ; ils tuent, ils tuent tant que le jour dure.

 

– Après ?

 

– Ceux d’Audierne, de Rosporden et de Quimper ont traqué les gars dans les forêts.

 

– Ils les ont pris ?

 

– Quelques-uns ont été arrêtés et massacrés.

 

– Et Yvon ? fit Marcof vivement.

 

– Il est mort !

 

– Tué ?

 

– Martyrisé par les républicains !

 

– Tonnerre ! s’écria le marin en prenant sa tête dans ses mains par un magnifique mouvement de colère.

 

– Fouesnan, Penmarckh, Plogastel, Plomélin, Tréogat, Plohars, ont été réduits en cendres ; les habitants se sont sauvés dans les forêts.

 

– Et que fait le comte de La Bourdonnaie ? demanda Boishardy.

 

– Il ravage aussi les campagnes et détruit tout ce qui appartient aux amis des bleus ; il brûle tout et coupe les communications dans l’intérieur ; les convois des républicains sont tous arrêtés par nos gars et ne peuvent plus arriver à Brest. Avant un mois, la ville sera prise par la famine.

 

– C’est tout ?

 

– Non.

 

– Qu’y a-t-il encore ?

 

– Un papier que je dois vous remettre.

 

Keinec ôta sa veste, déchira la doublure et en retira une feuille de parchemin. Boishardy avança vivement la main pour la prendre ; il l’ouvrit et la parcourut avec une attention extrême. C’était une sorte de feuille d’appel disposée d’une façon bizarre. Sur une première colonne, on lisait des noms ; sur une seconde, la désignation exacte et détaillée de la position politique et financière de chacun des individus désignés ; enfin suivaient les indications nombreuses relatives à la demeure, au pays, à la ville ou au village habités par chacun d’eux. Puis, devant tous les noms sans exception, on voyait, tracée à l’encre rouge, une des lettres : S. – R. – T.

 

– Qu’est-ce que cela ? fit Marcof en se penchant en avant.

 

– Les noms de ceux qui, depuis Brest jusqu’à La Roche-Bernard, en suivant le littoral, s’obstinent à ne vouloir pas prendre les armes.

 

– Et que veulent dire ces lettres ?

 

– S. – R. – T. ?

 

– Oui.

 

– Surveiller, Rançonner, Tuer.

 

– Je comprends.

 

– Je vais faire copier cette liste et expédier des doubles à tous nos amis du pays de Vannes. Avant trois fois vingt-quatre heures, chaque individu désigné sera traité en conséquence.

 

– Est-ce que de pareilles mesures ont déjà été prises ?

 

– Oui.

 

– Avec succès ?

 

– Certes.

 

Marcof fit un geste d’étonnement.

 

– Désapprouvez-vous cette façon d’agir ? demanda Boishardy.

 

– Non, répondit le marin ; mais je suis surpris que l’on fasse ainsi marcher des hommes et qu’ils se rallient à ceux qui les menacent ou qui frappent.

 

– Que voulez-vous ? le résultat est contre vous.

 

– C’est possible ; mais je n’aurais pas confiance en mes troupes si je commandais à de pareils soldats.

 

– Bah ! après deux ou trois rencontres avec les bleus, ils se battent aussi bien que les autres. Et puis, d’ailleurs, nous allons en avant. Pouvons-nous risquer de laisser des traîtres derrière nous ?

 

– C’est juste.

 

– Donc, le temps d’expédier une demi-douzaine de nos courriers féminins, et je suis à vous pour ce qui nous est personnel.

 

Boishardy se plaça devant la table et prit des papiers.

 

– Mais, fit observer Marcof, pouvez-vous bien vous absenter huit jours ? Le placis se passera-t-il de vous ?

 

– Sans aucun doute.

 

– Votre absence, cependant, peut nuire à la sécurité générale.

 

– Elle sera ignorée, répondit Boishardy à voix basse en désignant Keinec.

 

– Ne craignez pas de parler devant lui. Je réponds de Keinec, dit Marcof à voix basse. D’ailleurs, puisque vous voulez venir avec moi, il est bon je pense, que quelqu’un ici connaisse l’endroit où nous sommes.

 

– Cela est vrai. Vous avez raison. Il faut que l’on sache où nous trouver, ou du moins où nous serons allés tous deux.

 

– Autant Keinec qu’un autre pour lui confier ce secret.

 

– Mieux qu’un autre, même, répondit Boishardy.

 

Puis s’adressant au jeune homme.

 

– Écoute, continua-t-il, je vais mettre notre existence à tous deux entre tes mains. Un seul mot de toi pourra nous perdre si ce mot est entendu d’un bleu ou d’un traître. Marcof et moi nous partirons cette nuit pour Nantes. Pour tous nos gars, à l’exception de Fleur-de-Chêne, il faut que nous soyons allés près de La Rochejacquelein. Tu comprends ?

 

– Parfaitement, répondit l’amoureux d’Yvonne.

 

– Songe que la moindre indiscrétion peut nous perdre ; si, en mon absence, on attaquait le placis, tu dirais à nos hommes de tenir ferme et que tu vas me prévenir, que tels sont mes ordres. Alors tu courrais près de Cormatin et tu lui annoncerais à lui seul notre absence, en l’invitant à venir prendre le commandement du placis. Il viendrait. Je donnerai des instructions semblables à Fleur-de-Chêne, afin qu’en cas de malheur l’un de vous puisse agir. Et maintenant, comme nous allons à Nantes, comme nous nous risquons dans l’antre de Carrier, il est fort possible que nous n’en revenions pas. Si dans dix jours tu ne nous avais pas revus, tu irais trouver M. de La Rochejacquelein et tu lui remettrais le papier cacheté que je laisserai dans le tiroir de cette table. À défaut de La Rochejacquelein, tu t’adresserais à Stofflet. Tu entends bien, n’est-ce pas ?

 

– Oui, commandant.

 

– Nous pouvons nous fier à toi ?

 

– Eh bien ! non, dit résolument Keinec.

 

– Comment ! s’écria Boishardy stupéfait, tandis que Marcof faisait un geste d’étonnement.

 

– Je dis qu’il vous faut prendre un autre confident, fit le jeune homme d’un ton ferme.

 

– Pourquoi ?

 

– Je vais vous le dire, commandant.

 

Et Keinec s’approcha solennellement des deux hommes.

 

– Vous venez de me confier que vous alliez à Nantes ? dit le jeune homme d’un ton respectueux mais parfaitement ferme et déterminé.

 

– Oui, mon gars, répondit Boishardy en regardant avec étonnement son interlocuteur.

 

– Avec Marcof ?

 

– Oui encore.

 

– J’irai avec vous.

 

– Toi !

 

– Sans doute. Vous allez dans la caverne de Carrier, comme vous le dites vous-même. Il y a dix-neuf chances sur vingt pour que vous vous laissiez emporter par votre indignation, et que vous soyez menacés. Un bras de plus aide toujours. Acceptez le mien.

 

Boishardy regarda Marcof. Keinec surprit ce coup d’œil, et saisissant la main du marin :

 

– Marcof, lui dit-il, tu sais si je te suis dévoué, si je t’aime, si je te suis fidèle ? Eh bien ! tu vas à Nantes accomplir quelque grand acte de courage, quelque sublime œuvre de dévouement, j’en suis sûr. Je ne le sais pas, mais je le devine. D’ailleurs, je ne demande pas ton secret ; garde-le. Que m’importe ? Ne me dis rien ; seulement ne repousse pas ma prière. Laisse-moi t’accompagner ! Sers-toi de moi comme le chef se sert du soldat, comme le maître se sert du chien. J’obéirai à tes moindres ordres, je te le jure, sans même essayer d’en soupçonner le but, si ce but est un secret que je doive ignorer. Mais tu vas risquer ta vie, je veux aller avec toi ! Je le veux et je le ferai !

 

– Et si je te refusais, moi ? fit Boishardy.

 

– Si je t’ordonnais de rester au placis ? ajouta Marcof.

 

– Vous auriez tort, répondit Keinec d’un ton toujours respectueux, mais plus fermement résolu encore ; car je suivrais vos pas malgré vous ! Je désobéirais ! Je vous ai toujours bien servi, monsieur de Boishardy. Je t’ai toujours regardé comme un chef, comme un père respecté, Marcof. Tu m’as vu à l’œuvre, et vous savez que vous pouvez compter tous deux sur mon entier dévouement ; ne me repoussez pas, je vous le répète. Emmenez-moi avec vous, je vous en conjure. Laissez-moi combattre à vos côtés, triompher près de vous ou mourir avec vous. Avant de servir la cause du roi, je veux servir la tienne, Marcof. C’est mon droit, et vous ne pouvez le méconnaître. D’ailleurs, je n’ai jamais rien demandé pour les services que j’ai pu rendre jusqu’ici. Pour prix de mon sang prodigieusement versé, je n’exige rien que la faveur de vous suivre. C’est la première et la seule grâce que j’aie sollicitée. Encore une fois, je vous en conjure, je vous en supplie, accordez-la-moi.

 

Keinec s’arrêta. En parlant ainsi, il s’était avancé encore, et fléchissait le genou devant les deux chefs. Son regard, plus éloquent que ses paroles, adressait une muette prière et dénotait l’émotion qui s’était emparée de son cœur. On sentait que le jeune homme, profondément impressionné, exprimait simplement ce qu’éprouvait son âme. Puis à côté de cette simplicité de langage se devinait une résolution de fer que l’on aurait pu briser peut-être, mais qu’à coup sûr on n’aurait pas fait plier. Boishardy et Marcof se regardèrent de nouveau. Le premier fit un léger signe de tête. Marcof posa la main sur l’épaule de Keinec.

 

– Sois prêt cette nuit à trois heures ; nous partirons ensemble, lui dit-il enfin.

 

– Merci ! s’écria le jeune homme.

 

Et Keinec, réunissant dans les siennes les mains des deux hommes, les porta chaleureusement à ses lèvres. Puis, relevant la tête avec fierté, il salua et sortit.

 

– Si j’avais dix mille gars semblables à celui-ci, s’écria Boishardy lorsque le jeune homme se fut retiré, j’accomplirais ce que Cathelineau n’a pu faire avec soixante mille et nous marcherions sur Nantes bannière au vent.

 

– Je crois qu’à nous trois nous ferons bien des choses, répondit Marcof.

 

– Je le crois aussi.

 

– Maintenant, reprit le marin, maintenant, mon cher Boishardy, que tout est convenu entre nous et que vous allez risquer votre vie pour sauver celle du marquis de Loc-Ronan, il faut que vous connaissiez un secret que je vais vous confier.

 

– Pourquoi ?

 

– Parce que, si Philippe vient à être massacré, si je suis tué aussi, il faut qu’après nous il existe une main pour châtier les coupables. Cette main sera la vôtre, et jamais une main plus loyale n’aura accompli un acte de justice. Je vais vous confier la vie entière de Philippe, et je n’ajouterai même pas que je m’adresse à votre honneur.

 

Marcof prit une liasse de papiers qu’il avait déposée près de ses armes en entrant dans la pièce. C’étaient les manuscrits qu’il avait trouvés dans l’armoire de fer du château de Loc-Ronan. Marcof le Malouin les déposa sur la table devant Boishardy.

 

– Lisez cela, dit-il, je vous raconterai le reste ensuite.

 

Et le marin, laissant son compagnon qui déjà feuilletait les papiers avec une curiosité ardente, sortit à pas lents de la cabane, et se dirigea vers le côté opposé du placis. Fleur-de-Chêne était près de l’autel improvisé. Marcof l’appela.

 

– Où est Jahoua ? lui demanda-t-il.

 

– Dans la cabane de Mariic, là sur la droite, répondit le chouan en désignant du doigt la petite maisonnette dans laquelle venait de pénétrer Keinec.

 

Marcof en gagna l’entrée et en franchit le seuil. Il trouva les deux jeunes gens ensemble, et causant tous deux les mains dans les mains, comme deux frères.

 

– Je vais à Nantes, disait Keinec au fermier ; je vais à Nantes, et Nantes est la seule ville de Bretagne dans laquelle nous n’ayons pas encore pénétré.

 

– Tu espères donc toujours ? répondit Jahoua.

 

– Dieu est bon, et sa puissance est infinie !

 

– Bien parlé, mon gars ! dit Marcof en entrant.

 

Et, approchant un siège du lit du malade, il s’assit à son chevet.

 


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