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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 1201 - 1300 (1867 - 1868)
    • 1240  à M. de Varax
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1240  à M. de Varax

Fête de N.D. de La Salette. Terrible accident aux ateliers; protection de Marie. Vœux de cinq scolastiques. Grandeur et mérite des petits faits de chaque jour: "à nous de les relever par l'intention qui les transforme, les rend glorieux pour Dieu et méritoires pour nous; laissons nos pieds sur la terre, mais ayons la tête et le cœur dans le Ciel".

 

Chaville, 25 septembre 1867

            Mon bien bon ami et fils en N.S.,

            Je suis heureux que les eaux d'Allevard vous aient été salutaires; vous allez nous revenir remonté et fort, sinon gros, ce qui n'est pas absolument nécessaire; je me réjouis aussi de ce que Mme de Varax est venue, par sa présence, mettre un aimable couronnement à votre voyage; quelque douce que vous ait été la solitude absolue, la solitude à deux, c'est-à-dire avec une affection tout intime, vous sera encore meilleure.

            Ici, où votre pensée de religieux vous reporte quelquefois, tout marche selon nos coutumes. La fête de N.D. de la Salette a été aussi édifiante que nous le pouvions souhaiter. Bien qu'on ait fait une ouverture à la grande chapelle du Sacré Cœur pour avoir une entrée et vue sur le sanctuaire de la Salette, ce dernier, à toutes les messes de la matinée, a toujours été rempli d'une foule empressée. L'après-midi, 12 ou 1500 personnes suivaient la procession et prenaient part aux exercices; cependant, nous ne faisons aucune annonce pour ne pas nous écarter des recommandations de l'Archevêché.

            N.D. de la Salette nous a visiblement protégés dans l'un de nos ateliers, où un terrible accident, survenu ces jours derniers, eût pu être funeste pour plusieurs de nos enfants. C'est à l'atelier des pointes d'acier que ce triste événement est arrivé. La meule d'une roue qui tourne avec une extrême rapidité a éclaté tout à coup avec explosion, mettant en pièces un grand poêle de fonte placé près de là et brisant la tête du malheureux jeune ouvrier ou patron qui dirigeait les travaux. Les soins les plus empressés du médecin et de nos frères d'abord, les efforts du chirurgien de l'hospice ensuite n'ont pu rappeler à lui le pauvre jeune homme qui a expiré une heure et demie après, muni de l'extrême-onction seulement, la connaissance ne lui étant pas revenue, au moins apparemment. Cet événement nous a navrés. Ce jeune homme, intelligent, laborieux, dévoué à son œuvre, remarquablement instruit et distingué de tout point, était plein d'avenir; il était seul avec sa mère et avait réuni tous les éléments d'une fortune presque assurée; tout périt avec lui, la pauvre mère va demeurer en grand veuvage. Dieu a ses secrets; nous espérons que le pauvre jeune homme aura trouvé grâce devant Lui, il nous semble que sa droiture de cœur devait le tenir pas loin du Dieu de vérité et de miséricorde; vous prierez certainement pour lui et pour sa mère. Pas un des douze enfants qui entouraient la roue n'a été atteint. Que le Seigneur et N.D., protectrice de nos ateliers, en soient bénis!

            Puisque je parle de prière, priez pour notre f. Alexandre [Legrand]; on fait en ce moment (M. Chaverot avec lui) une neuvaine de messes à St-Lazare, rue de Sèvres, et toute la communauté s'y unit. Elle se terminera demain vendredi, anniversaire du trépas de St Vincent de Paul.

            Ce même jour aura lieu la cérémonie des vœux de cinq de nos jeunes séminaristes et du f. Lebrun, de Metz, lesquels ne peuvent assister à la retraite. Ils ont pris deux jours de récollection et vont tous prononcer leurs engagements en grande joie de cœur. Je regrette que cet avis vous arrive si tard, mais, qui sait! leurs bons anges vous apporteront peut-être quelque pressentiment.

            Je reçois à l'instant pour vous d'Arras l'avis ci-joint, que nos frères n'ont pu comprendre et pour lequel nous n'avons rien vu de praticable qu'un renvoi immédiat vers vous. M. Trousseau demande si ce ne serait pas pour du vin non payé. Demander des explications promptes à la succursale d'Arras nous semblerait le parti unique à prendre. Je viens de consulter votre livre de dépenses. La pensée de M. Trousseau pourrait être juste, car je trouve, aux 7 et 8 juillet, le paiement des droits d'entrée et du port d'une pièce de vin, mais je ne vois ensuite aucun paiement pour le prix du vin lui-même.

            Je crois que le jeune Lefebvre s'accoutume peu à peu à Vaugirard; il a eu d'abord un peu d'ennui mêlé de quelque malaise, l'un et l'autre s'aidant réciproquement; il va maintenant; il semble être doux et flexible, mais un peu trop peut-être, comme c'est ordinaire aux natures artésiennes.

            J'ai une très grande estime pour la flanelle et je crois qu'elle vous convient parfaitement. Il n'est arrivé aucune lettre intéressante pour vous. Un remerciement de M. de Bonnière pour le St Vincent, et d'une sœur de St-Charles pour divers objets à elle par vous envoyés.

            Chose que vous croirez à peine: à l'heure qu'il est, je ne sais encore au juste à quel jour commencera notre retraite; nos frères s'en désespèrent; j'ai multiplié les moyens, messagers, lettres; le r.p. Olivaint, passant d'une retraite à l'autre, n'entend plus, n'écrit plus. Quand M. Hello l'a vu de notre part, la dernière fois, il allait commencer celle du séminaire de St-Sulpice pour le clergé diocésain, grande affaire assez préoccupante, je le comprends, pour lui laisser peu de liberté d'esprit; M. Paillé va retourner vers lui.

            Nous aurons définitivement, je crois un petit échantillon de cours de philosophie cette année à Chaville pour M. Girard et M. Mœs.

            Je crois vous avoir tout dit par le menu. Je voudrais, au lieu de tous ces détails, vous avoir entretenu seulement de choses spirituelles et portant plus directement à Dieu, mais hélas! le courant de la vie se compose de faits terre à terre, non sans dessein et pour nous tenir bien humbles; à nous de les relever par l'intention qui les transforme, les rend glorieux pour Dieu et méritoires pour nous. Cette disposition est vraiment marquée du sceau divin et pleine de consolation pour l'âme; laissons donc nos pieds sur la terre, mais ayons la tête et le cœur dans le Ciel.

            Adieu, bien cher ami et fils; tous avec moi vous embrassent ici, en attendant mieux, puisque nous serons bientôt réunis.

                                                                                             Le Prevost

 




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