Projet de mouvement de personnel. Invitation à
abréger son séjour en famille.
Chaville, 30
juin 1868
Bien cher ami et fils en N.S.,
J'ai proposé hier au Conseil de remplacer M. Hubert à Amiens par M. Bérard; la
pensée a été acceptée, mais on y a vu cette difficulté que M. Hubert devra, en
ce cas, servir de second à M. Jean-Marie [Tourniquet] à Rome, lequel presse
très vivement l'envoi de l'aide dont il a un très grand besoin. Or, je ne crois
pas qu'on doive opérer la mutation projetée à Amiens avant votre retour, parce
qu'il importe que M. Bérard soit, dès l'abord, posé et bien dirigé dans son
emploi; le départ de M. Hubert serait donc retardé jusqu'à votre arrivée. Je ne
désespère pas de faire patienter un peu M. Jean-Marie, bien que sa situation
devienne de plus en plus difficile à cause de son isolement, mais il est
vraiment nécessaire que ce malaise soit autant abrégé qu'il dépendra de nous de
le faire. Je crois donc, mon bien cher ami, qu'il sera tout à fait désirable
que vous ne donniez à votre absence que la durée réellement utile au bien de
votre santé. Ce but à atteindre est essentiel, j'y donne toute l'importance
qu'il commande, mais il sera bien de ne pas concéder beaucoup à l'agrément en
présence, d'une part, de la gêne où se trouve M. Jean-Marie, et de l'autre, du
vide que laisse si gravement à Amiens votre absence.
C'est vous faire, n'est-il pas vrai, une mesure un peu stricte et prendre notre
vie bien au sérieux; mais n'est-ce pas ainsi qu'elle sera selon Dieu et
méritante pour nous? N'est-ce pas ainsi également que nous l'aimerons davantage
et que nous la ferons aimer aux autres? Enfin, n'est-ce pas ainsi que vous
deviendrez un saint, et n'est-ce pas le désir le plus ardent de votre cœur?
Vous prendrez toutefois ceci selon l'esprit, et non selon la lettre; assurez
bien votre santé, la gloire de Dieu y est intéressée; prenez pour cela le temps
vraiment convenable et je serai content, mais demeurez autant que possible dans
cette limite pour que rien ne soit en réelle souffrance. L'explication est un
peu longue, mais il fait bien chaud aujourd'hui.
Je n'ai pas, d'ailleurs, beaucoup de choses à consigner ici; dans ce pays de
Chaville, il se fait peu de nouvelles, et je n'ai pu rester hier à Nazareth que
deux ou trois heures. Le festin annuel de St-Pierre, pour le Cercle
de MM. les étudiants, s'y préparait avec fracas et ne devait, me disait-on, s'y
accomplir, musiques et comédies comprises, qu'aux dépens d'une partie de la
nuit. Sous peine d'insomnie inévitable, il m'a fallu revenir en hâte à
Chaville.
Tous nos ff. font des vœux pour que vous ayez un bon voyage, et surtout pour qu'il
vous donne autant de forces que vous avez de zèle et d'amour du bien. Je sais
d'avance qu'accompli en compagnie de votre bonne mère, il n'ôtera rien, tant
s'en faut, à votre piété; faites agréer, je vous prie, à Mme de
Varax mes respectueux souvenirs et croyez vous-même, bien cher ami, à tous mes
bien tendres sentiments en N.S.
Votre ami et Père
Le Prevost
P. S. Le coutumier ou annuaire pour juillet porte, outre la neuvaine
préparatoire à la fête de St Vincent de Paul, l'indication d'une
prière spéciale demandée par le Supérieur pour affaires importantes de la Communauté411: Pater,
Ave, et les trois invocations: O Marie conçue etc. St Joseph,
priez etc. St Vincent de Paul, priez etc. Ce sera un bon mémento
pour votre voyage.
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