Au sujet d'une composition littéraire. MLP. y apporte
quelques corrections. Situation précaire de la communauté
romaine. Nouvelles alarmantes de Rome "inondée d'hommes à sinistres
figures qui semblent oiseaux de mauvais présage".
Chaville, 2
septembre 1868
Mon bien cher enfant,
Votre petit dialogue, à cela près des fautes énormes du typographe qu'il faut
corriger avec soin, me semble intéressant et fait bien ressortir la pensée
vraie et trop souvent réalisée de l'incertitude dans les principes comme dans
la conduite.
Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que, si le personnage de Gustave
était un peu plus dessiné, il y aurait avantage pour le tableau. Si vous aviez
pu, par exemple, ménager une scène entre lui et Karl, et où celui-ci, non se
posant en mentor, mais amené par quelque provocation (non méchante, mais venant
de la conscience mal contente de Gustave) avait accentué davantage pour
celui-ci la vue de sa mollesse et de son inconséquence, les blâmes et mépris
des deux anciens sociétaires, témoins de la scène ou en ayant eu
connaissance, seront plus motivés; le défaut signalé deviendrait aussi plus
frappant. Peut-être ce que je propose est-il difficile, car il ne faudrait pas
rendre Gustave odieux. Les autres caractères: Karl, Follichon, sont bien.
La retraite commence le 28 septembre (27 au soir pour les diligents).
Votre tout affectionné ami et Père
Le Prevost
P. S. Je reçois des nouvelles de Rome. La Commission et le
malencontreux règlement ont été jetés par terre par le Colonel de Charette et Mgr
Bastide. Donc, paix de ce côté. Mais le pauvre Jean-Marie [Tourniquet] est
absolument seul pour les deux Cercles et pour le remplacement de M. Descemet.
M. Charrin continue à être malade et demande, comme M. Girard, à revenir. M.
Jean-Marie ne le croit pas d'ailleurs assez vigoureux en volonté pour une
pareille position. Les zouaves vont revenir à Rome pour le 15 ou le 20 au plus
tard, plus tôt peut-être. Nous ne pouvons laisser M. Jean-Marie sans secours.
Rome est inondée d'hommes à figures sinistres qui semblent oiseaux de mauvais
présage; on a escaladé deux ou trois fois, la nuit, les murs de la Villa Strozzi pour
voler ou faire pis; on a essayé trois fois d'incendier une caserne qui est
voisine et à laquelle touche une poudrière; on est parvenu à toujours éteindre
l'incendie.
Je pense qu'il faut nous réunir lundi pour le Conseil à Nazareth, à 2h.1/2.
Avertissez ceux que vous verrez. Peut-être même plus tôt serait mieux: vendredi
par exemple, à Vaugirard; je vais en parler à M. Paillé qui est à St-Cloud,
s'il revient à Chaville.
|