1341  à M. Maignen

MLP. cherche à guérir le frère Maignen d'un accès de misanthropie. Ses frères n'ont pas qu'un côté noir; il faut apercevoir le côté blanc et le côté noir, et "bénir Dieu qui se montre dans le premier, en Le priant d'éclairer aussi le second".

Chaville, 14 septembre 1868

            Mon bien cher enfant en N.S.,

            Chacun de nous a un bon et un mauvais côté, un côté blanc et un côté noir, et peut être, conséquemment, jugé ou sévèrement ou favorablement, selon la disposition de l'esprit et selon l'aspect par lequel nous sommes envisagés. En ce moment, vous regardez vos voisins du côté noir et je ne m'étonne point que vous tourniez à la misanthropie. Regardez du côté opposé, et vous aurez d'autres sentiments. Il est une troisième manière de voir qui convient à une âme chrétienne et charitable, c'est d'apercevoir ensemble le côté blanc et le côté noir et de bénir Dieu qui se montre dans le premier, en le priant d'éclairer aussi le second. C'est ce que vous faites le plus souvent et ce que vous ferez encore quand un peu d'irritation, qui vous a surpris ces temps-ci, sera passé. Je tiendrai compte, aussi bien que je le pourrai, de vos observations en ce qu'elles ont de fondé; ceux qui en sont l'objet ont pour excuse, M. Paillé, son état de souffrance qui était depuis quelques mois plus pénible que de coutume, M. Hello, le manque d'avertissements et de direction suivie. La droiture de leur intention trouvera grâce devant Dieu qui les relèvera l'un et l'autre et qui ne permettra pas que ses dons, si abondants en eux, soient amoindris. Il leur donnera une lumière plus grande pour voir les points imparfaits qu'ils ont à corriger. Mais croyons bien nous-mêmes, cher ami, que nous avons besoin aussi d'une semblable lumière, la parabole de la paille et de la poutre ne demeure pas sans raison dans l'Evangile; tout passe, mais la parole éternelle ne passe point.

            Adieu, mon cher enfant, ne négligez pas le conseil qu'on donne souvent en direction spirituelle de prier pour ceux qu'on a quelque peine à supporter; votre charité y gagnera, vos frères en auront du profit et vous même aurez un vrai mérite devant Dieu.

            Votre tout affectionné ami et Père en J. et M.

                                                                                             Le Prevost