Couverture | Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText
Jean-Léon Le Prevost
Lettres

IntraText CT - Lecture du Texte

  • Lettres 1301 - 1400 (1868 - 1869)
    • 1353  à M. Tourniquet
Précédent - Suivant

Cliquer ici pour désactiver les liens aux concordances

1353  à M. Tourniquet

Récit des derniers moments du frère Girard. Nouvelles de la Communauté. Accident à Rome. Les frères, "affairés, toujours en l'air" ne font pas suivre les messages. Envoi de l'Annuaire. Devoir de maintenir la charité fraternelle dans son cœur.

 

Chaville, 2 novembre 1868

            Mon bien cher ami et fils en N.S.,

            Nos lettres se croisent très ordinairement à cause de la lenteur des messagers qui les portent; il suit de là qu'elles ne se font guère réponse l'une à l'autre. Ainsi, je vois dans vos dernières missives que vous semblez heureux dans la persuasion que notre cher f. M. Girard allait se guérir bientôt; hélas! la guérison, c'était pour lui la mort. Il déclinait de plus en plus depuis quelque temps; après une courte absence que j'ai faire avec M. Myionnet pour assister à la bénédiction de la chapelle du patronage d'Angers, je l'ai trouvé définitivement alité; c'était le mercredi et le samedi suivant, 24 octobre, il a rendu son âme à Dieu à 9h.1/2 du matin, au moment même où, à ma messe à N.D. de la Salette, nous priions pour lui avec les personnes qui y étaient réunies. Il est mort sans aucune agonie, s'éteignant dans l'épuisement absolu de ses forces où l'avait mis son dérangement d'entrailles. La connaissance ne l'a quitté que peu d'instants avant qu'il expirât. Il avait reçu les sacrements avec une grande piété et, une heure à peu près avant de mourir, il répondait encore aux prières qu'on faisait pour lui. Comme M. Faÿ lui avait demandé la veille s'il faisait de bon cœur à Dieu son sacrifice, il avait répondu, après un moment de recueillement: "Oui, vivre pour travailler, ou rester languissant et inutile, ou bien mourir, j'accepte, quelle qu'elle soit, la très sainte volonté de Dieu." C'est en ces dispositions qu'il a quitté ce monde; nous espérons que le Seigneur l'aura reçu dans sa miséricorde. Ses restes sont déposés dans le caveau de Chaville, bien qu'il n'eût point fait de vœux; il s'était donné tout entier de cœur par avance, la famille l'a regardé comme lui appartenant bien; maintenant, il grossit la petite phalange des nôtres qui nous attend (au moins c'est notre espérance) dans le monde meilleur. Vous aurez assurément prié bien pieusement pour lui; ici, tous nos ff. ecclésiastiques ont dit plusieurs messes à son intention et nos ff. laïcs ont offert aussi leurs communions et œuvres dans le même sentiment.

            Il est bien tard de vous dire que nous avons été bien émus de l'accident fâcheux dont vous et notre f. Jouin avez failli être les victimes414; la divine Providence, comme le remarque si bien notre f. Emile [Beauvais], est intervenue visiblement pour vous protéger en cette occurrence. Nous lui avons bien rendu grâce pour la protection dont Elle vous a couverts et nous y voyons une heureuse assurance qu'Elle vous garantira encore contre tout danger à l'avenir; nous ne manquons pas, du reste, de le Lui demander en priant ensemble tous les jours pour vous.

            C'est avec raison que vous vous plaignez de l'inexactitude qu'on met à s'acquitter de vos commissions; tous affairés, toujours en l'air, ayant peine à se rencontrer, à s'entendre entre eux, nos ff., involontairement, laissent en souffrance beaucoup de choses qu'ils auraient à cœur de faire; je vais mettre toute l'attention possible désormais à remettre vos messages en mains sûres, en prenant soin de noter la date de cette remise, le nom de ceux qui l'auront reçue, afin de suivre et poursuivre, s'il est nécessaire, les négligents.

            J'ai reçu, par M. Bailly, le morceau du vêtement du Saint Père; c'est un précieux souvenir; je le partage avec M. Hello qui vous en remercie avec moi. Les vêtements de M. Girard ne sont pas encore arrivés ici; il n'y a pas de retard, mais je vous le marque ici pour renseignement. J'ai recommandé à M. Georges [de Lauriston] de vous envoyer le Coutumier.

            Le r.p. de Boylesve, envoyé dans une maison de Province, ne nous gratifie plus de livres. Je me réjouis de la pensée que M. Keller vous en enverra; nous le lui rappellerons. Les libraires, sur un premier appel, n'ont presque rien donné; M. Girard voulait aller les voir pour faire lui-même ses demandes; Dieu ne lui en a pas laissé le temps.

            Je ne relève point les quelques mots de votre lettre concernant quelques dissentiments de MM. Emile [Beauvais] et Charrin; je veux croire qu'ils ont le sentiment de leur devoir et qu'ils se rendront dignes de la confiance que la Communauté a mise en eux en les envoyant à un poste d'honneur; je n'insiste donc pas, bien assuré que ce seul mot, sans nulle réprimande ni menace suffira; ils sont chrétiens et serviteurs de Dieu, ils recourront à Dieu qui maintiendra la charité dans leur cœur. Du reste, il n'y a qu'une seule Communauté pour nous à Rome, malgré la séparation où vous trouvent vos occupations durant quelques heures chaque jour; vous êtes le Supérieur de cette petite colonie, tracez à chacun ce qu'il a à faire et, avec la grâce du Seigneur, ceux que vous dirigez obéiront.

            Offrez à Mgr Bastide mes respectueux souvenirs, s'il n'a pas tout à fait oublié les jours où il m'a été donné d'avoir avec lui des rapports de charité. Les liens qu'on forme ainsi sont ordinairement plus forts et durent plus que tous les autres.

            Adieu, mon bien cher enfant, je vous embrasse tous et je prie le Seigneur de vous bénir.

            Votre ami et Père en J. et M.                             Le Prevost

 





414 En se rendant de bon matin du palais Mariscotti à la Villa Strozzi, les deux frères avaient été renversés par un cheval.





Précédent - Suivant

Couverture | Index | Mots: Alphabétique - Fréquence - Inversions - Longueur - Statistiques | Aide | Bibliothèque IntraText

Best viewed with any browser at 800x600 or 768x1024 on Tablet PC
IntraText® (V89) - Some rights reserved by EuloTech SRL - 1996-2008. Content in this page is licensed under a Creative Commons License