Le frère Lemaire, d'Amiens, pense quitter l'Institut; ses
défauts. Déplacements hebdomadaires de MLP. Examen des
Constitutions par l'Archevêché de Paris.
Chaville, 7
janvier 1869
Mon bien cher ami et fils en N.S.,
Je vous enverrai volontiers M. Lemaire, si tant est que je le puisse ; il était
ces jours-ci en telle disposition que, révolté entièrement contre l'autorité de
M. Myionnet, pourtant patient et maniable, il a déclaré vouloir partir malgré
ses vœux, a dit qu'il écrivait à son frère pour qu'il lui trouvât une place à
Amiens et a montré en paroles et en actes une entière insubordination. Le
malheur de ce pauvre enfant, c'est un esprit d'une étroitesse extrême qui ne
permet pas de faire pénétrer jusqu'à sa vue intérieure aucune vérité haute, aucun
principe de conduite, et avec cela un orgueil indomptable. Tant qu'il n'est pas
contrarié, que son amour-propre excessif a quelque pâture, il va très bien,
sauf les exercices pieux qu'il goûte peu et dont il s'exempte par tous les
prétextes possibles; d'ailleurs laborieux, menant bien un service matériel,
conduisant bien les enfants dans la discipline et, en général, dévoué dans ses
emplois. Jusqu'ici, avec beaucoup de ménagement et de condescendance, on est
parvenu à en tirer parti, mais ayant été un peu chargé en ces derniers temps,
ne sachant pas se servir des aides qu'on lui donne et dont il devient jaloux
dès qu'ils sont un peu capables, il est hors des gonds et je doute qu'il
veuille même finir ses vœux d'une année. Si, retournant à Vaugirard aujourd'hui,
je le trouve calmé et revenu à quelque bon sens, je vous l'enverrai, sinon nous
ferons pour le mieux; son départ, s'il nous quitte absolument, nous crée un
nouveau vide, car il conduit avec succès depuis longtemps un des ateliers. Nos
ff. vous conseillent de vous accommoder temporairement de M. Mitouard, homme de
conscience, pieux et qui ne manque pas d'intelligence. Ce conseil est à la fois
désintéressé et sage.
Je vous envoie un mot pour M. Gérold, j'espère qu'il suffira; si vous le voyiez
en danger, nous verrions, mais je ne sais, en vérité, comment on le
remplacerait.
Je suis à Chaville le samedi depuis 3h. de l'après-midi jusqu'au lundi 11h.1/2.
Ensuite, à Nazareth jusqu'au mardi 1h. De là, à Chaville jusqu'au jeudi 2h.1/2;
le reste du temps est pour Vaugirard.
J'ai vu M. Icard qui examine notre Constitution et que je reverrai lundi; il
n'admet à aucun prix qu'on agisse sans consulter l'archevêché et sans soumettre
la pièce à son examen; j'ai promis de suivre son conseil, je crois qu'on ne
pouvait éviter ce pas; Dieu, espérons-le, nous aidera à le franchir.
Adieu, mon bien cher enfant, je vous ai vu bien peu de temps; l'éternité
viendra!
Votre ami et Père en N.S.
Le Prevost
Dites bien à nos ff., à MM. Caille, Marcaire, Bérard, Barthélemy, Trousseau que
c'est une vraie peine pour moi de ne pas leur écrire; le temps me fait défaut.
|