Sollicitude de père. Scrupule d'artiste. Soins
d'administration.
Chaville, 2
juin 1869
Mon bien cher ami et fils en N.S.,
Vous êtes d'ordinaire si exact à répondre à mes lettres que je m'inquiète
aisément dès que votre correspondance avec moi offre le moindre retard. Je vous
ai écrit jeudi ou vendredi dernier, peut-être avant, pour vous
demander l'adresse de NN.SS. Svegliati, de Luca et Termoz; vous ne me l'avez
pas envoyée; il n'y a guère lieu de s'en étonner, car vous avez bien des choses
à reprendre et à suivre après une si longue absence. Mais je suis frappé de
cette pensée que peut-être le changement subit de climat vous aura, comme à
moi, causé quelque malaise plus ou moins incommode; c'est ce qui me pousse à
vous écrire ici de nouveau; l'adresse demandée ne pressait pas tellement que je
ne pusse l'attendre, d'autant que je suis un peu confus d'offrir, dans un pays
où les choses d'art sont communes, des objets de mince valeur.
Commencez-vous à voir clair dans vos installations? MM. Gérold et Ginet
voient-ils sans trop de peine que leur venue ou retour ici soient un peu
différés? M. Trousseau a-t-il en perspective le moment où il pourra être
ordonné?
J'ai reçu de Mgr d'Amiens [Mgr Boudinet], en réponse à
l'annonce de notre approbation, une excellente et bien aimable lettre; offrez-lui nos remerciements quand vous le verrez.
Je crois que vous devriez faire copier par M. Ginet (à qui ce serait un
exercice de latinité) les formules diverses que vous avez réunies pour les
correspondances avec Rome; vous pourriez alors garder pour vous ou l'original,
ou cette copie, et me renvoyer l'un des deux avec les autres documents
concernant nos gestes à Rome; il est bien que je garde ici les pièces qui
devront nous servir en temps utile.
Nos ff. de Rome ont été indisposés ensemble ou tour à tour, M. Jouin plus que
les autres; ils commencent à se remettre; un jeune séminariste, le jeune
Rabusier, ancien protégé à St-Charles de M. Jean-Marie [Tourniquet],
va le rejoindre comme postulant de notre Congrégation; le Comité l'accepte
ainsi; j'espère qu'il pourra aider utilement nos ff., M. Jean-Marie paraît
faire fonds sur lui.
Nous allons ici comme de coutume; M. Xavier [Walter] traîne l'aile, le
surnaturel semble être insuffisant et nous n'avons pas su l'obtenir pour lui;
nous ne prions sans doute pas assez; daigne le Seigneur nous inspirer les
moyens d'attirer en nous cet esprit de prière!
Le Commandant Cirlot reste encore bien malade, il faut se souvenir de lui
devant Dieu.
Adieu, mon bien cher ami et fils, je demande instamment au Cœur Sacré de Jésus
de mettre en toutes vos âmes et en tous vos actes sa divine charité, afin que
vous viviez dans une aimable et sainte union.
Votre tout affectionné ami et Père
Le Prevost
P. S. M. Fonlupt va mieux, mais il n'est pas entièrement remis; le soleil, qui
se montre enfin, va le réconforter.
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