Motifs de charité qui déterminent MLP. à faire le voyage
d'Amiens pour l'ordination du frère Trousseau, et ce,
malgré son grand état de faiblesse.
Chaville, 14
septembre 1869
Mon bien cher ami et fils en N.S.,
Je compte partir vendredi au train de 10h. du matin (si je ne me trompe), afin
d'arriver chez vous dans l'après-midi. Si je ne considérais que le fonds dont
je dispose en santé présentement, je ne me mettrais point en route, car ma
faiblesse est telle que je puis à peine supporter une marche de quelques
minutes, et je ne la soutiens même qu'avec difficulté dans cette mesure. Je
partirai néanmoins, désirant donner cette marque d'affection à M. Trousseau et
aussi vous faire à tous une visite. A mon grand regret, elle sera bonne au
point de la charité seulement, car je ne vois guère que je puisse autrement
vous être quelque peu utile dans vos affaires, ayant l'esprit aussi lassé que
le corps. Je pensais donc abréger pour cette fois mon séjour à Amiens et revenir
ici samedi au soir, à moins que quelque circonstance de poids vous semble,
ainsi qu'à M. Caille, exiger plus longtemps ma présence. Ce n'est pas
assurément pour m'épargner une fatigue plus ou moins grande que je prévois
ainsi les choses, mais uniquement parce que je me sens impuissant à une action
efficace et suivie.
Durant quatre ou cinq jours que j'ai passés en Normandie, j'ai dû me refuser à
tout mouvement perceptible au dehors, étant incapable de le supporter. Le
voyage pour le retour, bien qu'assez court, m'avait réduit à un épuisement
complet. Ces détails, trop longs, tendent seulement à excuser l'insuffisance
très grande dont je suis présentement humilié. Je prends toutefois nourriture
et sommeil; j'espère donc, si telle est la volonté de Dieu, que cet
affaiblissement cessera peu à peu, après que la température sera moins molle.
J'ai reçu une lettre bonne de M. Bouchy; il me paraît en bonne disposition et
doit vous revenir cette semaine.
Adieu, la poste part; on court pour lui faire prendre ce mot.
Votre tout affectionné ami et Père
Le Prevost
Communiquer à M. Caille. Amitiés aux ff. Nous prions pour M. Trousseau.
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