1492  à M. de Varax

Vie des Œuvres. Ne pas se mésestimer. Voir le bon en nous et en autrui, c'est ainsi que "Dieu nous regarde puisqu'Il daigne nous aimer".

Vaugirard, 7 janvier 1870

            Mon bien cher enfant en N.S.,

            Je commence par réparer une maladresse de ma part; hier, retraite du mois, entouré de tous nos ff. du dehors et de la Maison-Mère, j'ai chargé un d'eux de porter à M. Henry [Piquet] le mot que vous lui écriviez concernant quelque travail d'atelier; ce mot ne lui a pas été remis et je ne puis me souvenir à qui je l'ai confié, il paraît être égaré; écrivez donc quelques lignes directement à M. Henry pour y suppléer.

            2° - M. Georges [de Lauriston], trop chargé et d'ailleurs absolument seul pour s'occuper de son sermon annuel, est découragé et ne bouge d'aucune façon pour le mettre en bon chemin. Il faudrait qu'il fût un peu aidé pour cela, le moindre secours lui suffirait, mais je ne vois personne qui puisse lui rendre ce bon office. Voilà la pensée qui nous est venue et qu'agréent nos ff. ici avec grande satisfaction. Avant de vous rendre à Angers, où le remplacement de M. d'Arbois n'est pas urgent, vous pourriez passer ici quinze jours ou trois semaines pour rendre un peu cœur à M. Georges en prenant quelque intérêt à ses affaires par quelques vues échangées, quelques petites tentatives communes; il n'en faudra pas davantage pour le réconforter; ce qui nous est dur surtout, comme vous l'avez éprouvé à Amiens, c'est de nous trouver seuls et de n'être à même, ni de nous concerter, ni d'être un peu sérieusement secondés. Je vais écrire un mot en ce sens à M. d'Arbois, afin qu'il mette cette prévision dans ses arrangements. J'avais prié M. Lantiez de vous parler en ce sens, je ne sais s'il l'a fait.

            Pour la discipline de l'orphelinat, ne pourriez-vous y essayer M. Eugène [Dufour], et prendre M. Lemaire rue de Noyon pour aider au patronage. Nous rapellerions bien M. Lemaire ici, où il serait très utile à M. Myionnet pour les ateliers, mais je ne vois personne qui puisse vous être envoyé en remplacement, ayant l'ombre d'acquis ou de disposition pour la discipline. En tout cas, il faut que M. Lemaire obéisse; je crois que la persuasion, jointe à la fermeté, ne sera pas sans résultat.

            Je crois que vous pensez et parlez trop mal de vous; nous ne devons voir ni nous-même, ni les autres à la loupe; l'humanité n'a pas été conçue (depuis la chute) pour être regardée ainsi; prise en masse et en choisissant le point, on y trouve assez de bon pour la supporter; c'est ainsi, sans doute, que Dieu nous regarde puisqu'Il daigne nous aimer; prenons son Cœur miséricordieux, afin d'avoir pitié du prochain et de nous-même.

            Venez bientôt (quand vous le croirez opportun); nous nous consolerons et nous réconforterons ensemble. M. Lantiez paraît être content de la besogne qu'il trouve déjà faite et paraît être bien disposé à la continuer.

            Adieu, mon bien cher ami; c'est aujourd'hui samedi, j'ai autour de moi plusieurs choses qui ne seront pas faites; que ces deux mots partent donc, sans rien de plus, sinon mon affectueux attachement en J. et M.

                                                                                             Le Prevost