détails sur la
mort édifiante du frère Gallais. Espérance de MLP. au milieu des
épreuves:"soumettons-nous avec amour et espérons!"
Repos nécessaire pour M. de Varax. Nouvelles des frères. Comment remplacer le
frère Gallais.
Chaville, 7
avril 1870
Mon bien cher ami et fils en N.S.,
La mort de notre cher f. Gallais a été, comme vous l'avez senti, un coup bien
douloureux pour nous. Il est revenu souffrant, fatigué, pour prendre un peu de
repos à Chaville; c'était le repos profond de la mort qu'il y devait trouver.
Je ne sais si on vous a dit que c'est en pratiquant courageusement la charité
qu'il a été atteint de la maladie contagieuse (la petite vérole) à laquelle il
a succombé. Un bon jeune homme de son œuvre, qu'il était allé voir et consoler
à l'hospice, lui a communiqué ce mal; à diverses reprises, la sœur de la salle
l'avait averti que l'épidémie était, cette année, des plus malignes; il n'y
avait pas assez pris garde, sentant que sa présence était un grand bien pour le
jeune mourant; il était resté plusieurs heures près de lui; le lendemain, après
l'avoir conduit au cimetière, il était contraint lui-même de s'aliter pour ne
plus se relever.
Dès son arrivée à Chaville, j'avais senti en lui un mouvement de grâce
extraordinaire, et j'ai observé en lui la même disposition tant qu'il a gardé
sa connaissance; il nous a prévenus à temps et a demandé à se confesser, et, au
milieu de souffrances extrêmes, il a montré une patience parfaite avec une
soumission touchante à la volonté de Dieu, ne cessant, par ses pieuses
aspirations, de s'élever vers Lui; malgré les soins les plus courageux et les
plus dévoués de nos ff. qui ont veillé près de lui nuit et jour, il a expiré
doucement samedi, vers 9h. du matin. Dès jeudi, il semblait avoir perdu
connaissance, ne parlant plus et ne pouvant rien prendre; quand je vins lui
dire adieu avant mon départ pour Vaugirard, il ne put me répondre, ni sans
doute m'entendre quand je lui donnai un dernière bénédiction; ses yeux, gonflés
par le mal, étaient absolument fermés.
Dimanche, 120 jeunes gens de Grenelle, quelques groupes des autres patronages,
et tous ceux de nos ff. qui ont pu s'échapper de leurs œuvres se sont réunis à
nous pour son convoi. Voilà dix des serviteurs placés par Dieu dans notre
petite famille qu'Il a rappelés à Lui; ce sont autant de plaies qui, tour à
tour, ramènent quelque gémissement en nous, quand leur souvenir se réveille;
puissions-nous, autant de fois, nous incliner sous la main divine avec
soumission profonde. Tout à l'heure, cherchant, comme souvent, quelque consolation
au livre de l'Imitation, je trouvai: "Si vous retirez vos
consolations de moi, que la soumission à votre volonté et à cette
justice par laquelle vous m'éprouvez dans les maux me tienne lieu d'une souveraine
consolation. Car vous ne serez pas toujours en colère et vous n'userez pas
éternellement de menaces." Donc, soumettons-nous avec amour, et espérons!
Vous avez, vous aussi, particulièrement occasion de vous soumettre, puisque
vous êtes en ce moment éprouvé physiquement et moralement; prenez aussi pour
vous, cher ami, cette douce parole d'espérance vous ne serez pas toujours en
colère; l'heure de la consolation reviendra. Quand la saison sera venue où
vous trouverez utile de prendre le repos dont vous sentez chaque année le
besoin, nous aviserons à soutenir de notre mieux les choses à Angers durant
votre absence, et l'équilibre de votre santé se rétablira. Quant au poste que
vous avez à Angers, Dieu vous y ménagera des joies comme il vous en faut, dès
que les occasions de faire du bien aux âmes seront, avec le temps, devenues
fréquentes pour vous.
M. Perthuisot semble déjà sentir le bon effet de ses rapports avec vous,
puisqu'il commence à comprendre et à goûter la vie religieuse; je crois que le
fonds en lui ne manque pas, mais que la culture a fait jusqu'ici défaut.
Pour M. Ginet, je crois que son règlement d'études doit être bien suivi et
comprendre le latin, l'histoire et un peu de littérature, le tout mêlé des exercices
pieux et d'autant de travail manuel qu'il en aura besoin pour soutenir sa
liberté d'esprit.
Le remplacement de M. Gallais vous préoccupe, sans doute, comme nous; c'est, en
effet, une grave difficulté pour le Conseil de la Congrégation. Nous
allons, je pense, arranger un état provisoire que le Cercle des jeunes gens,
dont s'occupait uniquement M. Gallais, pourra momentanément supporter, au moins
nous l'espérons, sous la conduite de M. Baumert assisté d'Ed. Lainé, lequel
sera lui-même aidé par un frère donné par nous. Je viens en même temps d'écrire
à Rome pour rappeler un postulant [G. Coquerel] que j'ai autorisé à y faire un
séjour temporaire et qui pourra nous être utile, quand il aura fait son temps
de noviciat. Il était Président du Cercle des jeunes gens à Tours; il est
cultivé, a 27 ans et m'a été recommandé par des ecclésiastiques, de nous
connus, comme ayant de grandes aptitudes pour nos œuvres. Prions pour que Dieu
en fasse un instrument pour son service. Il aide, depuis six semaines ou deux
mois, nos ff. à Rome.
Adieu, mon bien cher enfant, ne manquez pas, s'il vous revient quelques moments
de bien-être intérieur, de les partager avec moi.
Votre tout affectionné ami et Père en N.S
Le Prevost
|