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Jean-Léon Le Prevost
Lettres

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  • Lettres 1 - 100 (1827 - 1843)
    • 42  à M. Pavie
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42  à M. Pavie

Encouragements, après l'échec de son projet de mariage, à tirer les leçons du passé. Leur ami Gavard a perdu sa mère. Eloge du jeune Edouard Guépin. Lacordaire à Notre-Dame. MLP. exhorte son ami à donner à La Gerbe une note plus catholique.

 

2 avril 1835

Où en êtes-vous, mon cher Victor, votre pauvre cœur, si ulcéré, a-t-il retrouvé un peu de calme et de repos. De toutes vos lettres, la dernière que vous m'avez écrite est la plus triste et celle qui m'a le plus tourmenté. Cependant, le premier moment passé, je n'ai pu trouver en moi le moindre regret pour le fond de cette chose. Votre vie n'allait pas par là dans sa véritable voie, tout votre être n'eût pu ressortir et avoir sa valeur. Les années d'ardeur et d'imagination passées, vous ne vous seriez pas, comme il vous le faut, trouvé au centre d'une vraie famille avec des devoirs tout naturellement déduits d'une situation bonne et simple. Gardez la voie commune, allez, mon ami, c'est la meilleure. C'est une grande audace de se faire exception et si les motifs ne sont alors pleinement purs et justifiés devant Dieu, il en résulte une vie constamment tiraillée de droite et de gauche, pénible à suivre et dont la fin reste incertaine. Vous avez de pleines et larges facultés, regardez bien quel meilleur et plus parfait emploi vous en pouvez faire, non pour vous seul, mais pour tous, et faites-le pendant que le choix vous reste ouvert et libre. Dieu est venu à votre aide pour cette fois, il arrache violemment à vos mains d'enfant un jouet terrible qui pouvait vous briser; mais l'expérience mûrit et rend homme. Dieu vous laissera maître peut-être désormais, la responsabilité de vous-même vous restera, pensez-y. la volonté est un rude fardeau à porter. Ecrivez-moi bientôt, mon ami, pour m'assurer que vous êtes aujourd'hui plus rassis, que le côté défectueux de tout ce passé vous apparaît maintenant clairement, que vous y renoncez de cœur et ne voulez plus laisser désormais à l'imagination part si grande dans l'ordre de votre avenir. Pardonnez-moi de prendre si exclusivement les choses d'un seul côté. je n'étais que trop disposé, vous le savez, à les voir favorablement tant qu'il y eut moyen de le faire; la situation me semble aujourd'hui tranchée du côté négatif et j'y appuie d'autant plus fortement que votre intérêt, comme ma propre inclination, m'y poussait de deux parts à la fois.

Vous avez appris sans doute de notre ami Gavard la perte qu'il a faite de sa mère. Il a veillé près d'elle trois jours et trois nuits pour avoir un dernier regard ou un mot d'adieu, mais il n'y avait plus regard ni parole et notre pauvre ami n'a rien obtenu. Où va donc l'âme, en quel réduit se cache-t-elle alors, et par quelle voie secrète passe-t-elle de ce monde au monde meilleur? Partir ainsi à la dérobée, c'est bien triste, et pour qui s'en va et pour qui reste, n'est-ce pas ami, que vous ne choisiriez pas de mourir ainsi?

J'ai revu notre ami Ed. Guépin, cette âme est, je l'espère, bien acquise à Dieu. Je n'ai vu en aucune autre un abandon si naïf, une volonté si simple et si ouverte pour la vérité. Je crois que Dieu et lui s'aimeront tendrement.

M. Lacordaire, vous le savez, fait merveille à Notre-Dame et cela est d'autant plus consolant que l'empressement de l'auditoire dépasse de beaucoup le mérite de l'enseignement et montre qu'il y a disposition providentielle dans les esprits. Il y a ici vraiment bien des motifs d'espérance. J'espère que cela vous gagne et qu'il est de même autour de vous. Vous, ami, foyer, là-bas, de toute union, poussez donc un peu dans cette voie de charité tous ceux dont Dieu vous a fait le chef. Transfigurez votre Gerbe, ami, cela serait beau et digne de vous. L'affaire Levassor aujourd'hui tuée sans retour. Adieu, mon très cher Victor, aimez-moi, je vous aime tendrement.

Le Prevost

 

 




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