Epreuves
multipliées du moment. M. Lantiez pense entrer chez les Jésuites: MLP.
s'abandonne à la volonté du Seigneur. Nouvelles des
œuvres. Les frères ont besoin
d'être suivis spirituellement.
Chaville,
12 juillet 1870
Mon bien cher ami et fils en N.S.,
Je pense avec vous qu'il est difficile, supposé le retour de M. de Varax pour
le 8 ou 9 août à Angers, que vous délaissiez la communauté et les œuvres pour
un temps trop long; nous devrions donc nous résigner à ce que votre arrivée
parmi nous fût différée jusqu'au 24 ou 25 de ce mois, ou même huit jours encore
plus tard, si nous ne sommes pas pressés grandement par M. Boucault comme on
peut le craindre. Jusqu'ici, nous n'entendons pas parler de lui. Ce sera une
peine réelle et sentie par tous de ne pas vous avoir avec nous à la fête de St
Vincent de Paul, où nous serons peu forts en nombre et le cœur moins dilaté que
de coutume. C'est aussi un vrai détriment pour Vaugirard d'être si longtemps
sans direction suivie, j'en éprouve pour ma part un regret bien vif; depuis un
certain temps, les épreuves brisantes, les causes de souffrance pour notre
petite Congrégation se succèdent presque journellement et me causent une
tristesse contre laquelle je lutte avec la grâce de Dieu et en désirant
toujours me conformer à son adorable volonté, mais non sans gémissement
intérieur.
M. de Varax m'écrit qu'il se sent mieux, mais qu'il est loin encore d'être
fort; il désespérait, en partant pour les eaux, me dit-il, de pouvoir reprendre
le poste d'Angers; il semble aujourd'hui plus rassuré; je pense que la
perspective d'avoir avec lui M. Lainé, aux capacités duquel il a une grande
confiance, concoure, je crois, à lui donner plus d'assurance. C'est une grande
difficulté que d'avoir un corps frêle et souvent impuissant; les âmes, même
énergiques, se sentant si mal servies, sont contraintes d'être timides et de
douter d'elles-mêmes.
J'ai reçu de M. Moutier une lettre polie, mais énonçant une décision très nette
et très arrêtée pour sa défection au mois de septembre. Je lui répondrai, sans
grand espoir de rien gagner; son esprit se réfugie volontiers dans une
obstination muette dont on ne peut rien obtenir; prions pour lui, Dieu tient
les cœurs dans sa main.
Une autre défection devient de plus en plus imminente et nous est même
notifiée, c'est celle qui, entre toutes, pouvait nous être la plus douloureuse
puisqu'elle atteint la
Communauté dans une de ses premières bases, dans un de ses
membres anciens, de ses agents les plus actifs, qui a mis la main à tout et
dont il eût paru impossible qu'on pût se séparer jamais, sinon par la mort; ce
coup nous est préparé et nous atteindra bientôt; l'ordination de nos jeunes
frères Sulpiciens est le dernier terme qui nous est marqué, il faudra courber
la tête; Seigneur, que votre volonté se fasse et non la nôtre! Je n'ai pas
besoin de vous dire d'où nous viendra cette peine, ou plutôt d'où elle nous est
déjà venue, vos regards se tournent vers Amiens. Il [M. Lantiez] déclare qu'il
entre chez les rr.pp. Jésuites et que les choses semblent être réglées.
Je crois qu'il sera bien de ramener avec vous M. Boiry; tâchez de l'occuper.
Votre réclamation à l'Union de l'Ouest me semble motivée; il ne s'agissait pas
seulement d'un titre nobiliaire, mais aussi d'une imputation de supercherie et
d'une sorte de mensonge; la forme du redressement me semble aussi mesurée et
convenable.
Pour la musique instrumentale, je m'étonne que M. de Varax y adhère, car je
sais son opinion très arrêtée contre cette sorte d'exercice dans nos
patronages, et j'ai vu une lettre longue, motivée, pressante par laquelle il
dissuadait M. Derny de former une musique de ce genre à Ste-Anne;
mais, s'il a cru devoir donner son assentiment, je n'ai rien à dire, des
convenances locales et autres pouvant justifier en certains cas ce qu'en
d'autres on pourrait regarder comme dangereux.
Je vous recommande toujours le soin de nos ff.; plus nous marchons, plus je
m'assure qu'ils ont grand besoin d'être suivis spirituellement; tâchez de
confirmer M. Perthuisot doucement, affectueusement, sans pourtant que nous
semblions avoir besoin de lui; l'orgueil n'est pas un lien solide.
Priez bien pour tous, pour Chaville en particulier. M. Coquerel est
convalescent, mais M. Vernay vient de s'aliter, non pour la même maladie, mais
avec des indices de fièvre typhoïde. C'est la quatrième maladie qui, sans
interruption, frappe cette maison.
Tendres affections à tous, à vous tout particulièrement.
Votre ami et Père en
N.S.
Le Prevost
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