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Jean-Léon Le Prevost Lettres IntraText CT - Lecture du Texte |
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1564 à Mme la Marquise de HoudetotA propos d'un éventuel départ de son fils pour la guerre. L'éducation chrétienne qu'il a reçue devrait garantir la «noblesse du cœur au milieu de l'épreuve».
J'entre dans toutes vos sollicitudes de mère et de chrétienne, et je partage aussi vos sentiments relativement à cette guerre, en apparence bien redoutable; conjurons le Seigneur pour qu'Il détourne ce fléau et qu'Il ne châtie pas trop sévèrement les iniquités si grandes de notre temps. Beaucoup de familles gémissent en ce moment, privées de leurs enfants, de leurs soutiens; un bon nombre d'entre eux, mariés, abandonnent leurs jeunes femmes et de tout jeunes enfants; ce sont là, dès le début, de bien douloureux sacrifices. Pour ce qui vous touche en particulier, Madame, je comprends bien vos alarmes. Cependant, en considérant votre sincère attachement à Dieu, votre désir si vrai de lui garder votre cher enfant, je ne puis me persuader qu'en ces pénibles circonstances, le Bon Maître réponde à vos instantes prières par une épreuve, par un danger qui puisse être fatal à votre cher fils. Je me persuade au contraire qu'ici, comme toujours, le Seigneur fera éclater sa sagesse et sa miséricorde. En examinant les choses en cet esprit de confiance et de foi, ne peut-on pas espérer que votre cher enfant, s'il devait prendre quelque part à la lutte qui commence, s'y fortifierait en ses bons principes, en ses nobles dispositions, au lieu de s'en écarter. Il ne saurait rester toujours sous l'ombre de votre tendre protection, il faut qu'il acquière l'initiative, l'action propre qui appartient à un homme, avec quelque expérience dans les relations au dehors. Ce complément était nécessaire à l'éducation tout intérieure et toute de famille qu'il a reçue sous vos yeux. L'inaction où il allait se trouver dans son isolement commençait à vous inquiéter; s'il va pour un temps au corps dont il devra faire partie, il y trouvera du mouvement, des relations, des contacts multipliés qui l'obligeront à payer de sa personne et développeront son énergie, sa fermeté, ses qualités viriles, en un mot; tout cela est nécessaire pour n'être pas désarmé et sans défense dans cette vie, où, pour les hommes surtout, la connaissance du monde et la force de la volonté sont des nécessités de premier ordre. Il est vrai qu'on peut craindre qu'avec ce frottement avec beaucoup de natures qui sont loin d'être toutes bonnes et choisies, l'âme si droite et si honnête de votre cher enfant n'y perde quelque chose de sa candeur si aimable; mais la solidité de sa foi, sa fidélité à pratiquer jusqu'ici ses devoirs chrétiens et aussi vos prières incessantes seront de bien puissantes garanties; Dieu sera avec ce bon cher jeune homme et son ange le protégera. Après une absence assez limitée, peut-être il vous reviendra fortifié, aguerri et définitivement assis dans cette voie de la vérité et du bien où votre cœur a tant désiré de le voir établi; ce sera l'accomplissement de votre tâche, et Dieu aura concouru à la réaliser avec vous; c'est ainsi que tout ce qui est bon et saint s'opère dans le monde. Ayons donc confiance, Madame la Marquise, toutes choses tourneront à cette heureuse fin. L'épreuve que vous redoutez tant doit être subie par tous, en un sens ou en un autre; autour de vous, dans votre famille, votre cher oncle, M. de Rugy et le frère de votre oncle, mort en Algérie que j'ai aussi connu, ont débuté ainsi; presque tous les fils de famille doivent, au commencement de leur carrière, payer leur dette par quelque service militaire; tous ceux qui ont été vraiment fortifiés et trempés par une éducation première vraiment chrétienne tirent avantage de cette épreuve et n'y perdent rien de leurs sentiments et de leur noblesse de cœur. Je crois, Madame la Marquise, que les choses sont ainsi selon les vues de Dieu à l'égard de votre cher fils, et qu'avec l'aide de vos prières et celles de votre vénérée mère, tout se passera comme je viens de le dire. Il se peut qu'en définitive, le Seigneur règle les choses autrement, que votre cher fils ne parte pas ou ne parte que pour quelques instants, mais je garde cette conviction que votre foi ne sera point déçue, que les bons sentiments de votre cher enfant seront conservés et qu'en quelque voie que Dieu le mette, il restera sous sa garde et qu'il sera votre consolation; confiance, tout ira à bonne fin, c'est mon dernier mot et ma ferme espérance. Je suis, avec un bien respectueux et bien sincère dévouement pour vous et pour votre chère famille, Le Prevost
P. S. On a commencé les messes dès la réception de votre lettre; on les continuera fidèlement tous les jours.
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