Garder
confiance en Dieu. Récit de la journée du 25 août.
Vaugirard,
26 août 1870
Madame la Marquise,
Je vous ai suivie par la pensée et en sincère sympathie dans les courses
fatiguantes et multipliées que vous avez dû faire pour exempter à tout prix
votre cher fils du service militaire. Votre lettre me laisse en incertitude sur
le résultat obtenu; mais, après tant de prières et aussi tant de démarches et
de mouvements, on peut demeurer certain que l'état des choses, quel qu'il soit,
sera de Dieu et, conséquemment, pour le plus grand bien de votre cher fils.
Ayons donc confiance et attendons la manifestation du dessein de sa divine
Sagesse.
Je pense bien qu'avec Madame d'Hurbal et avec tout votre entourage, vous
suivez, non sans quelque inquiétude, la marche des faits politiques; ici à
Paris, nous semblons au moment d'en apprécier l'importance par les actes
accomplis sous nos yeux, car on attend d'un jour à l'autre l'ennemi au pied des
murs de Paris; cette perspective est émouvante, mais on se tranquillise dans la
pensée que Dieu tient tout dans sa main et qu'Il fera pencher la balance selon
qu'Il l'aura réglé dans sa Sagesse et dans sa miséricorde.
On prie beaucoup, mais pas assez encore, les âmes pieuses sont encore lentes à
le faire; pour détourner de grands fléaux publics, il faut les gémissements et
les supplications d'un peuple tout entier.
Je sais bien que votre chère maison n'est pas des moins empressées à se porter
à ces pieux exercices; je prie de mon côté pour vous et, chaque jour, le St
Sacrifice est offert à vos intentions par l'un de nos MM; on continuera, comme
vous l'avez demandé, jusqu'au mois d'octobre. J'ai reçu exactement les 100f pour les honoraires de
ces messes.
Vous apprendrez avec intérêt, ainsi que votre cher entourage, qu'hier trois
jeunes diacres de notre Congrégation ont été ordonnés prêtres dans notre
chapelle. Dix-sept religieux, Jésuites ou Capucins, etc. ayant désiré prendre
part à cette ordination, ceux qui ont été promus à divers degrés des ordres se
sont trouvés assez nombreux et ont fait de cette consécration une solennité
vraiment imposante.
Le même jour et à la même heure, l'ambulance que nous avions été autorisés à
former avec deux aumôniers de notre Congrégation, un certain nombre de ff.
laïcs et quelques autres religieux, prenait la direction vers
l'armée pour le soin des blessés avec le chirurgien en chef439, les
aides de chirurgie et quelques soldats pour la conduite des fourgons; le
personnel de l'ambulance se compose de 60 ou 65 hommes.
Je recommande tous ces intérêts spirituels ou de soins charitables à vos bons
souvenirs devant Dieu.
Veuillez agréer, Madame la
Marquise, et partager avec ceux que vous aimez et que
j'honore sincèrement, tous mes sentiments bien respectueux et bien dévoués en
N.S.
Votre humble serviteur et ami
Le Prevost
|