MLP.
s'efforce de bien remettre en route le Noviciat. Il souhaite
une visite de M. Faÿ lorsque les temps seront meilleurs.
Chaville,
30 mars 1871
Mon bon vénéré frère en N.S.,
Votre lettre du 28 me trouve ici à Chaville, où je suis arrivé ce matin, après
avoir quitté Amiens hier à midi.
Je resterai provisoirement à Chaville avec le Père Supérieur, c'est là que vous
pouvez lui adresser vos correspondances. Je réponds brièvement, par article, à
vos dires.
1° M. Frézet est revenu à Vaugirard mecum.
M. Boiry m'y a précédé de vingt-quatre heures. La philosophie se continuera
là-bas fort bien, je l'espère. Il était évident que Frézet n'avait pas sa place
à Tournai.
2° Le Père Général va s'occuper de notre
pauvre f. Cauroy; que je suis affligé de ce contre-temps!
3° Des mesures vont également être
prises pour M. Perthuisot; le Père vient de m'indiquer comment il fallait lui
répondre, et c'est le sens de mon entretien de Tournay.
4° La procuration était aux mains de M.
Caille, il avait charge de la chose; voilà pourquoi vous ne saviez rien. Mais,
le jour de mon départ, hier, M. Caille a reçu avis que la pièce ne peut servir.
Il a dû vous la renvoyer pour qu'on la fasse légaliser par le Consul français à
Tournay. Ainsi revêtue, elle servira.
5° M. Streicher est ici, arrivant à
propos pour suppléer M. Hubert qu'un malheur de famille appelle à Nantes. M.
Lemaire va bien. M. Piquet est à Grenelle et persiste dans les sentiments que
vous aviez annoncés au Père Supérieur. Je crois que c'est un bonheur pour lui,
sinon pour nous.
6° Les pouvoirs de Chaville vont être
redemandés aujourd'hui. Merci pour l'avis de casibus reservatis.
7° Nous n'avons pas lieu de compter sur
vous maintenant, sinon après Pâques. Le Conseil projeté a été tenu à Chaville,
puis on s'est éclipsé qui à Angers, qui à Paris ... Votre venue après les fêtes
sera peut-être bien bonne pour vous, néanmoins vous en jugerez
vous-même. Je n'ai pas pu voir M. d'Arbois; il est à Angers depuis plus de huit
jours. Nos frères de Rome, arrêtés à Lyon par crainte des troubles de Paris,
vont nous arriver incessamment. Jusqu'ici, la crainte seule paralyse tout à
Paris. Il n'y a pas eu de sang versé cette semaine. Mais peut-on se bercer de
l'espoir que ce malheur sera évité?
8° M. Desclée n'a pas encore écrit; il
faut l'avertir de correspondre avec Chaville jusqu'à nouvel ordre. La poste
n'est pas sûre par Paris.
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9° Quelle difficulté verriez-vous au
changement de M. Coquerel? J'ai trouvé ici M. Lantiez assez préoccupé de sa
situation là-bas, et craignant qu'il ne sorte peu à peu de sa voie par ce
penchant qu'il a à l'initiative et à effacer graduellement tout ce qui agit
autour de lui. Un vrai noviciat (et, contrairement à mon attente, on songe à en
reformer un ici) lui vaudrait mieux pour son âme, il n'y a pas de doute. Reste
la question de œuvres à Tournay et le moyen de pourvoir convenablement à son
remplacement. Que vous en semble? Le Père Général ne paraît en aucune manière
opposé, quant à présent, à accorder M. Charrin pour Tournai. Je ne suppose pas
que les combinaisons actuellement à l'étude pour tout le personnel de
l'Institut viennent contrarier les dispositions favorables à votre désir.
Les enfants auront un jeu de dames, un jeu de dominos et un jeu d'oie, héritage
des militaires; je vais m'occuper du jeu d'échecs. Mais il faut maintenant que
vous veniez chercher ça, car je ne sais pas même si le chemin de fer s'en
voudrait charger pour Roubaix.
Je ne vous ai guère remercié de votre si bonne hospitalité, rendue plus précieuse
par les soins de charité dont nos frères ont entouré ma chétive personne. Je
leur souhaite autant de vertu et de zèle au service de Notre-Seigneur crucifié
qu'ils m'ont bien voulu montrer d'affection, et autant de douceur à se
supporter mutuellement qu'ils en ont mis à supporter les incommodités que mon
séjour a causées parmi vous.
Adieu, mon bon frère. Je ne vous fais pas une peinture de Chaville, parce que
c'est si triste et cela sent si mauvais que je n'ai débouché encore ni mes
yeux, ni mes naseaux depuis vingt-quatre heures que j'y suis.
Je me recommande à vos prières; nous ne vous oublions pas, ni les laïcs, ni les
Séminaristes, ni le Père surtout.
Votre petit serviteur en
N.S.
B. de Varax
pr. ff. S.V.P.
Mon cher Frère, cette lettre n'a pas de caractère officiel; c'est moi qui vous
écris, et non pas le P. Supérieur.
Le Noviciat est plus désiré que
certain, bien des questions sont à étudier en suite de l'état des choses; en
tout cas, tâchez de modérer un peu l'élan de M. Georges [Coquerel], qu'il
prenne un peu moins sur lui, qu'il fasse une part plus grande à ceux qui l'aident
et qu'il prenne moins le ton de prédicant lorsqu'il parle; en général, c'est le
propre d'un bon Directeur de peu faire par lui-même et de s'attacher surtout à
bien mettre en action ceux qui l'entourent.
La feuille des pouvoirs pour Chaville a été emportée à Vaugirard et ne doit pas
être égarée; vous rappelez-vous quelles permissions nous avaient été accordées
en sus de celles dont jouit Vaugirard?
La situation politique reste bien peu assise encore; peut-être pourrez-vous nous
rendre une visite lorsqu'on verra l'avenir se dessiner un peu plus nettement.
Assurez tous nos frères de nos affectueux sentiments; l'absence est bien loin
de les affaiblir.
Votre dévoué ami et Père
Le Prevost
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